TOUT EST DIT

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lundi 12 mars 2012

La raison et la passion

 On ne tombe pas amoureux d'un taux de croissance ou d'un objectif budgétaire. À la froideur des chiffres doit répondre la chaleur de l'enthousiasme qui conditionne toute élection.

Nicolas Sarkozy semble l'avoir compris : après les polémiques stigmatisantes et des propositions désordonnées, il s'est livré, à Villepinte, à une spectaculaire opération pour renverser les certitudes. Malgré l'absence de Jean-Louis Borloo et les divisions du centre, il fait mieux que Porte de Versailles, il y a cinq ans, mieux que François Hollande au Bourget, il y a sept semaines.

Tous les candidats sont confrontés à ce compromis entre raison et passion. Regardons François Bayrou. Le plus aimé de tous, il stagne dans les intentions de vote. On peut le trouver crédible, il enthousiasme moins lorsqu'il professe des solutions qui inspirent plus de devoirs que d'espoirs. Voyons Marine Le Pen. Efficace pour catalyser les protestations, elle déçoit son nouvel électorat lorsqu'elle se lance dans ses démonstrations mal apprises de candidate fréquentable.

Observons Eva Joly. Son déficit de charisme l'empêche de tisser tout lien affectif avec l'opinion, à l'opposé d'un Jean-Luc Mélenchon qui, lui, place avec succès le passionnel avant le rationnel.

François Hollande lui-même confirme cette observation. Il est haut dans les sondages, moins en raison des détails de son projet, que peu ont lu, que de l'empathie qu'il crée en faisant vibrer les cordes de la justice et du rassemblement. Ce qui ne le dispensera pas d'être précis et crédible pour la grande confrontation du second tour.

 Le rationnel sans le passionnel ennuie et vous plombe une campagne. Le passionnel sans le rationnel occulte le bilan et le projet. Il faut trouver le bon équilibre. 

Nicolas Sarkozy se débat dans ce dilemme. Si le poids des chiffres et le choc des arguments étaient déterminants, il caracolerait en tête des sondages. Jusque-là, ils n'ont pas comblé son retard ni son incapacité à faire vibrer au-delà de son noyau dur électoral.

 À Villepinte, il lui fallait donc créer un choc, installer un imaginaire pour que les déçus du sarkozysme oublient son bilan et lui pardonnent sa gouvernance. Pas avec des chiffres ¯ il n'a rien dit, par exemple, des efforts qu'impliquent ses engagements européens ¯ mais en donnant une direction. Nicolas Sarkozy veut se situer à l'épicentre des attentes : ni de droite, ni de gauche, ni du centre ; protecteur des pauvres, des femmes, des chrétiens, des Arméniens, des harkis, des ouvriers, des agriculteurs, des employés ; prêt à jouer l'Europe pour la France et, s'il le faut, la France contre l'Europe pour combattre les excès du laisser-faire migratoire ou commercial. Il est difficile de croire qu'un seul meeting, aussi réussi soit-il, fasse l'élection. 

Nicolas Sarkozy dispose encore de la semaine pour rattraper François Hollande avant que ne commence la campagne officielle, avec sa règle contraignante de l'égalité des temps de parole. 

On verra alors si la promesse d'une France unie et performante, dans une Europe qui se protège et qui protège, infuse au-delà de trois Français sur dix qui voteraient pour lui.

 Si, en quarante-deux jours, le passionnel peut être plus efficace que le rationnel pour faire bouger les lignes.

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