vendredi 10 février 2012
Merkel à l'Elysée
Certains s’offusquent de voir Angela Merkel aux côtés de Nicolas Sarkozy tenir une conférence de presse à l’Élysée. « L’Europe, c’est de la politique intérieure, expliquait-elle récemment dans un entretien au Monde. Nous ne devons plus communiquer seulement de manière diplomatique mais aborder, comme en politique intérieure nationale, les problèmes sans fioritures et les résoudre ainsi. » D’où sa présence à l’Élysée.
Que craignent les fonds de pension américains susceptibles d’investir dans la dette européenne ? Que la zone euro explose. De passage à Paris, Christopher Probyn, le chef économiste de State Street, le deuxième gérant de fonds au monde, faisait cette constatation : les forces économiques travaillent à l’éclatement de l’euro. La crise de l’Europe va bien au-delà d’une crise des finances publiques, et aucun plan d’austérité ne saurait à lui seul la résoudre. La création de l’euro n’a pas fait converger les économies des pays de la zone. Comme du temps des monnaies nationales, les coûts des produits fabriqués en France et en Italie ont continué à augmenter plus vite qu’en Allemagne. L’écart de compétitivité s’est détérioré de 20 % en Italie, de 15 % en France par rapport à notre voisin d’outre-Rhin. Du coup, la production industrielle allemande s’est accrue de 20 % tandis qu’elle stagnait en France et chutait de 13 % en Italie. Et de nous interroger : pourquoi continuez-vous sur une voie qui vous fait tant de mal ? La volonté politique va à l’encontre des lois économiques.
Cet économiste américain n’est pas le seul à se faire ces réflexions. Pour sortir de la crise, l’Europe n’a d’autre choix que de mettre fin à l’expérience de l’euro, ce qui permettrait de combler les écarts de productivité par des dévaluations, ou aller plus avant dans l’intégration politique européenne, de faire de nos problèmes européens des problèmes intérieurs et les résoudre.
La première solution serait douloureuse pour tout le monde : les dévaluations, en France, en Italie, en Espagne, seraient brutales tandis que l’Allemagne verrait son mark ressuscité s’apprécier et ses exportations chuter. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ont donc choisi la seconde branche de l’alternative, celle de l’intégration plus poussée et du gouvernement commun. Pour Angela Merkel, l’étape ultime, c’est l’union politique de l’Europe, comme ce fut l’union pour l’Allemagne. Pour Nicolas Sarkozy, c’est l’exercice en commun de la souveraineté de chacun.
Cette voie n’est pas plus facile que celle de la sortie de l’euro. L’écart entre l’Allemagne et l’Europe de l’Est d’un côté et les “pays du Club Med” de l’autre est considérable. À l’est du Rhin et de l’Elbe, on sait ce qu’implique un changement radical de régime, l’abandon des protections qu’offrait la société communiste au prix d’une privation de liberté pour plonger dans une économie de marché libre et concurrentielle. Quand en France on cajole la nostalgie des Trente Glorieuses et des acquis sociaux, en Allemagne on médite le douloureux souvenir de l’année zéro, de l’hyper-inflation et de la division du pays. Nous partageons sans doute des valeurs communes, mais le prix à payer pour les défendre est sans doute perçu différemment. Ce qu’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy se sont sans doute dit “sans fioritures".
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