vendredi 13 janvier 2012
Temps de travail, l’étude qui fâche
L’institut COE-Rexecode, proche du patronat, rallume la polémique. Il estime que les Français travaillent 225 heures de moins par an que les Allemands. Un calcul-choc qui n’explique pas les écarts entre les deux pays.
Ce chiffre-là a de quoi surprendre : un Français travaillerait 225 heures de moins par an qu’un Allemand, soit six semaines d’écart. C’est le constat dressé par le COE-Rexecode dans une étude publiée mercredi. Proche du patronat, cet institut montre que le temps de travail annuel s’établit à 1.679 heures en France en 2010, la durée la plus faible de l’Union européenne, derrière la Finlande. En Allemagne, elle atteint 1.904 heures. Pire, selon ces économistes, la durée du travail aurait baissé de 13,9% entre 1999 et 2010 en France, contre un recul de 6,1% en Allemagne.
Le COE-Rexecode s’appuie sur des données inédites fournies par Eurostat, organisme européen peu suspect de partialité. Il faut dire que, pour son rapport précédent sur le coût du travail comparé entre la France et l’Allemagne, il avait utilisé des données obsolètes. Il n’aura pas voulu revivre cette mésaventure. Sans s’épargner une volée de critiques.
L’institut a rallumé la polémique droite-gauche sur le temps de travail, à une semaine du sommet social de l’Elysée. "On le voit aujourd'hui, avec l'étude qui est publiée, il faut qu'on travaille davantage, il faut qu'on fasse travailler davantage de monde", a réagi le ministre du Travail, Xavier Bertrand. Pour sa part, Pierre Moscovici, directeur de la campagne de François Hollande, a dénoncé une manipulation : "Je suis extrêmement surpris. C'est une étude d'un institut notoirement patronal, qui donne des chiffres rigoureusement inverses à ce que tous les instituts ont donné jusqu'à présent, y compris les instituts publics, Eurostat, Insee..." Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, y voit "une campagne du culpabilisation des salariés". Le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque, est sur la même longueur d’onde. Il considère que le rapport est "inévitablement truqué". "Ces comparaisons sont partielles, sont des manipulations, qui ne tombent pas au hasard de la part du patronat", a-t-il critiqué.
Le chiffre du COE-Rexecode se prête à la polémique. Et pour cause. Il concerne uniquement les salariés du privé à temps plein. Or le temps partiel est plus développé en Allemagne. Il concerne 23,3% des salariés, notamment des femmes, contre 16,3% en France. Outre-Rhin, des milliers de mères de famille rentrent après le déjeuner car l’école finit plus tôt qu’en France. Une différence culturelle majeure curieusement occultée dans les comparaisons habituelles entre les deux pays. Dans les faits, les temps partiels allemands sont plus courts que les temps partiels français (830 heures contre 930).
Du coup, lorsqu’on mesure l’ensemble des heures travaillées dans l’économie, la différence s’estompe. L’ordre entre les deux pays s’inverse même s’agissant de la réduction du temps de travail. Le volume total des heures travaillées a baissé de 4,6% en Allemagne entre 1999 et 2010, et de 1% en France.
Surtout, la durée du travail ne suffit pas à elle seule à expliquer les écarts économiques. Tout dépend de l’activité réelle une fois démarrée la journée… Les données d’Eurostat montrent que la productivité horaire des Français est supérieure à celle des Allemands. Un salarié tricolore produit 42,6 euros de richesses par heure, contre 36,8 euros pour son homologue germanique. Ces chiffres figurent en annexes dans le rapport du COE-Rexecode. Autrement dit, le temps de travail légal a été réduit de ce côté-ci du Rhin, mais les objectifs à remplir n’ont pas changé dans les entreprises. Les salariés feraient en 35 heures ce qu’ils faisaient autrefois en 39 heures. "Si malgré ce classement (du COE-Rexecode), la France réussit à se maintenir c'est parce qu'il y a une formidable productivité en France, mais la productivité ne suffit pas, il faut aussi la compétitivité", a ainsi nuancé Xavier Bertrand.
Davantage que le temps de travail, la productivité française est au cœur des préoccupations de nombreux économistes. Elle augmentait par le passé d’environ 2% par an. Depuis quelques années, la tendance a été divisée par deux. Le vieillissement des salariés, la faiblesse des investissements et l’inadéquation entre la formation des jeunes et les besoins des employeurs en seraient les explications principales.
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