TOUT EST DIT

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vendredi 13 janvier 2012

C’est du brutal…

Comme dans la cuisine des Tontons flingueurs, ils sont passés aux alcools forts. Sans étiquette. Des mots, des formules, des images qui, en violence, dépassent largement les 40° officiels à l’alambic. Mais cette fois, pas de souvenirs de vieux combats partagés, ni du petit bouge de Bien Hoa, ni des faveurs de Lulu la Nantaise pour adoucir un peu les rasades au vitriol. Il n’y a même pas de pomme dedans, variété Chirac 95, qui aurait pu instiller un peu de poésie rustique dans le mélange. C’est du brutal.

Dans le village politique, ça défouraille à tout va depuis quelque temps et l’orée de la campagne est déjà une pétaudière où l’on règle ses comptes sans craindre l’incident de tir, y compris dans son propre camp. Même si les assassinats les plus réussis se font encore au silencieux, la droite revendique bruyamment l’arme lourde. Tout excité comme un enfant qui joue à se faire peur, le secrétaire général de l’UMP s’en amuse : « ici c’est massacre à la tronçonneuse ». Très gore en effet dans un milieu où, pour prévenir de l’intensité d’une attaque, on use fréquemment de cette formule familière : « il y aura du sang sur les murs ».

Après l’épisode du très visuel croc de boucher promis (implicitement) par Nicolas Sarkozy à Dominique de Villepin, on va au-delà des ustensiles de la vengeance crue. Maintenant on cogne d’abord et on parle après. Comme si les adversaires frustrés d’avoir si peu d’espace pour les bagarres idéologiques déversaient soudainement leur fiel comme un acide surconcentré. Le malaise général engendré par la crise désinhibe : puisqu’il n’y a plus de limites et que l’époque bascule dans l’inconnu, on s’affranchit des politesses républicaines. A l’antisarkozysme grossier des premières années du quinquennat répondent aujourd’hui des campagnes de décrédibilisation de la gauche qui assument la mauvaise foi, voire la cultivent. A droite, la crainte d’être chassé du pouvoir exacerbe l’agressivité. Puisqu’il n’y a plus rien à perdre, on se lâche. On joue le tout pour le tout. Apocalypse tomorrow si la gauche revient à l’Élysée !

Les sémiologues établissent une comparaison entre ces débordements verbaux et le déchaînement, bien plus haineux encore, des années 30. Tout à l’ivresse noire d’un parler politique en roue libre, un discours propagandiste généralisé, qui cherche moins à convaincre qu’à impressionner les esprits, s’installe inexorablement. C’est toujours la même histoire, hélas. La crise et les moments de grande mutation inspirent le pire… Il est encore temps de réagir.

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