Annick, 44 ans, a subi une intervention mammaire à 22 ans. "Je n'avais absolument pas de poitrine, et j'étais très complexée depuis l'âge de 14 ans. Ce n'était pas facile à vivre, surtout quand vos copines portent toutes des soutiens-gorge", explique-t-elle. Elle camouflait son absence de seins comme elle pouvait, portait des vêtements amples. Elle s'était même laissé pousser les cheveux très longs. "Je n'ai pas fait cette opération pour ressembler à une bimbo, au contraire, je l'ai faite pour passer inaperçue. A toutes les personnes qui pensent que cette opération est superflue, je leur dis que c'est une énorme erreur."
Quelles sont les motivations des femmes qui recourent à la chirurgie mammaire à visée esthétique ? Les réactions hostiles aux poses d'implants (en dehors de la chirurgie reconstructrice) après l'affaire PIP ont véhiculé l'image caricaturale de bimbos siliconées, souvent trompeuse. Jean-Claude Dardour, chirurgien plasticien, qualifie à "99 %" les demandes "saines". Elles se répartissent principalement entre trois groupes : les femmes qui ont une très forte poitrine et recourent à une réduction mammaire, celles qui se font poser des implants mammaires, soit qu'elles n'aient pas ou peu de seins, soit que leur poitrine soit abîmée, et "vidée" par des grossesses ou par l'âge. Les patientes les décrivent alors comme " des gants de toilette" anti-érotiques."Au début de la chirurgie esthétique, les clientes étaient des femmes autour de la trentaine, qui venaient avec leur mari car leur poitrine avait perdu du volume et s'était affaissée après un ou deux enfants, explique le docteur Julien Glicenstein, ancien président de la Société française de chirurgie plastique reconstructrice et esthétique (Sofcpre), puis, sous l'influence des séries télévisées, des magazines, des femmes de plus en plus jeunes avec des petites poitrines ont fait des demandes."
Parfois, ce n'est pas une réussite, dans ce cas, c'est plutôt deux flancs à la vanille dans un réfrigérateur en panne. |
Toutefois, certaines femmes ont des demandes que les chirurgiens jugent exagérées. A l'instar de Stéphanie, opérée à 22 ans. Pas vraiment complexée par "ses petits seins", elle considère que "les belles femmes ont des formes". Elle a bataillé avec son chirurgien pour obtenir des implants plus gros que ceux qu'il lui conseillait, compte tenu de sa morphologie. Elle est passée d'un soutien-gorge de bonnet A à un bonnet D. Mais, même après son intervention, elle trouvait encore ses seins "pas assez gros". Au final, onze ans après l'intervention, Stéphanie est satisfaite. "Je me sens plus féminine et j'ai une meilleure estime de moi. La seule chose négative est que j'ai perdu toute sensibilité au niveau des seins", ajoute-t-elle.
Un inconvénient qui survient fréquemment. Mais, pour "la majorité des femmes, le plaisir d'être vue est plus important que la caresse", considère le professeur Maurice Mimoun, chef de service de chirurgie plastique reconstructrice à l'hôpital Saint-Louis, à Paris.
"Le sein est le symbole de la féminité. Il a une valeur érotique, de séduction. Et, dans l'imaginaire masculin, le fantasme est dans les formes. Pas mal de demandes de chirurgie esthétique viennent du conjoint", explique Françoise Millet-Bartoli, psychiatre, psychothérapeute, auteure de La Beauté sur mesure (éd. Odile Jacob, 2008). Toutefois, quand la demande ne vient pas de la femme mais de son conjoint, elle risque de mal vivre son opération.
Le recours à la chirurgie esthétique masque parfois une fragilité narcissique. "Si les parents, et notamment la mère, ont été suffisamment rassurants dans l'enfance, les particularités ou défauts physiques seront mieux acceptés. La représentation que l'on se fait de son corps est extrêmement liée à l'estime de soi", estime la psychiatre.
Pour Hélène Parat, psychanalyste, auteure de Sein de femme, sein de mère (PUF, 2011), bien des femmes ne sont pas contentes de leur poitrine. "Les demandes de chirurgie esthétique sont la partie émergée de l'iceberg. Le sein symbolise un idéal. Il est un support de projection qui cristallise toutes les déceptions." Selon la psychanalyste, les motivations inconscientes d'une femme qui recourt à ce type de chirurgie sont éminemment liées à son histoire infantile, à son rapport à la mère, qui a forgé sa féminité.
L'image du corps est en effet souvent très subjective, le corps anatomique étant en décalage avec le corps imaginaire. Il peut y avoir un risque d'insatisfaction permanente, de déception, tant est surinvestie l'attente de réparation psychique. Parfois, les demandes de chirurgie mammaire interviennent après une rupture affective ou un événement déstabilisant. "Le problème se focalise sur un défaut, mais ce que cherche la personne, c'est une réassurance permanente", ajoute Mme Millet-Bartoli.
Le psychiatre Michel Godefroy a passé trente-cinq ans dans le service de chirurgie plastique de l'hôpital Saint-Antoine, à Paris. Désormais installé en libéral, il reçoit des patientes adressées par des chirurgiens plasticiens. Comme cette grande et belle femme au corps harmonieux qui voulait être opérée pour avoir les seins de l'actrice Brigitte Nielsen. "Parfois, les femmes viennent avec des photos de stars, elles veulent se mettent en conformité avec l'image de la femme idéale", explique-t-il. Certaines tombent dans l'engrenage de la réparation esthétique. Et trouvent toujours des chirurgiens peu regardants pour accéder à leurs fantasmes.
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