jeudi 15 décembre 2011
Russie : le tsar est nu
Sifflé sur un ring le mois dernier. Contesté dans la rue la semaine dernière. Humilié dans les urnes lors du vote du 4 décembre où son parti, Russie Unie, n'a pu obtenir une courte majorité qu'au prix de fraudes massives. Vladimir Poutine, après douze ans de pouvoir, n'est plus populaire dans son empire. Depuis près de vingt ans, jamais on n'avait vu une telle contestation. C'est une gifle politique cinglante pour l'ancien officier du KGB qui, malgré les dénis officiels, n'a échappé à personne à Moscou.
Comme dans le monde arabe, les réseaux sociaux ont joué un rôle dans cette contestation. Depuis quelques années, la parole en Russie n'était plus aussi blindée qu'à l'époque soviétique. Le meurtre de journalistes, les pressions sur les internautes n'avaient pas empêché l'émergence d'une certaine liberté de ton dans les échanges. Le 4 décembre, la diffusion des images des fraudes perpétrées dans les sièges électoraux a eu un effet décapant. Ce que tout le monde savait, le trucage des élections, était subitement visible. Notoire. Rendant non seulement inaudibles les mensonges officiels, mais pire encore, ridicules.
Plusieurs facteurs expliquent ce retournement de l'opinion russe vis-à-vis de Poutine. L'annonce, dès septembre, de son intention de briguer un nouveau mandat présidentiel, après le tour de passe-passe effectué en 2008 avec Medvedev, a été perçu comme une arrogance insupportable. Le mandat présidentiel ayant été allongé à six ans, renouvelable une fois, les Russes savent qu'avec la présidentielle de mars, ils risquent d'en reprendre pour douze ans. C'est beaucoup, même si le simulacre de constitutionnalité est respecté.
C'est d'autant plus insupportable que la machine économique russe donne des signes d'essoufflement. La croissance, cette année, sera de 4 % et de 3,7 % en 2012. Manifestement, la Russie ne tient pas le pas des autres émergents du club des « Bric » (Brésil, Inde, Chine).
En outre, cette croissance est largement dépendante de l'économie de rente que produisent les hydrocarbures (gaz, pétrole) plus que d'une dynamique propre. Faute de modernisation, l'argent qui coule à flots chez les oligarques n'a pas bénéficié au fond de commerce de tout populiste : le peuple.
Dans les années 2000, Poutine était parfaitement parvenu à mener de front trois objectifs majeurs de sa politique : la relance de l'économie favorisée alors par l'envolée des prix des matières premières ; la centralisation du pouvoir reposant sur la fin des autonomies régionales et le soutien accordés aux oligarques ; la construction de sa popularité autour d'une image d'homme musclé, moderne et résolu. Comme il sied à un empire tenté par l'autocratie, qui fascine et afflige les Russes tout à la fois.
Cette recette a eu un prix : le recours systématique à la corruption. Elle est aujourd'hui omniprésente en Russie au point que le pays flotte 143e au fond du classement établi par l'ONG Trasparency International. C'est une des raisons de l'exaspération et de la mobilisation des jeunes Russes. C'est d'ailleurs un mal planétaire.
Secoué par les urnes qui viennent de briser son icône de tsar, Poutine n'en garde pas moins tous les leviers du pouvoir. Et rien ne permet de penser qu'il puisse rater la marche de la présidentielle en mars. Le « professionnalisme » des forces de répressions anciennement soviétique n'est plus à démontrer. Mais l'avertissement est suffisamment sonore pour laisser craindre un raidissement de Moscou. Sur le front intérieur, et pas seulement...
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