mardi 13 décembre 2011
Le climat et les acrobates
À Durban, en Afrique du Sud, deux nuits blanches supplémentaires ont permis aux négociations climatiques d'accoucher d'une « feuille de route ». Et c'est l'expression qui convient. Car, lors de telles conférences, sur la piste du grand cirque onusien, les négociateurs pratiquent en quelque sorte le cyclisme acrobatique sur fil. Pédaler - ou négocier - c'est survivre. S'ils s'arrêtent, les acrobates tombent. Sans feuille de route, rupture du fil, et chute.
À Copenhague, en 2009, ils avaient frôlé le gouffre. À Cancún, l'année suivante, le fil fut renoué. À Durban, on s'est offert un nouvel horizon : 2015 pour aboutir à un accord global en 2020. Les optimistes crient à l'exploit. En langue de bois diplomatique, on parle « d'avancée significative ».
Que le défi climatique ne soit pas passé à la trappe, mérite en effet d'être salué. Car les dirigeants du monde ont la tête ailleurs, les yeux rivés sur les taux de change, les dettes souveraines, le yo-yo des Bourses mondiales, l'économie qui s'essouffle... Pas le temps de penser aux générations futures.
Eh bien si. Les Européens ont sauvé, à Durban, le protocole de Kyoto que l'on disait moribond. Adopté en 1997, ratifié en 2002, il allait s'achever en 2012. C'est le seul traité international contraignant les États signataires à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. S'il tombait, disparaissaient avec lui tous les mécanismes d'aide aux pays en développement, le fonds vert, le sauvetage de la forêt tropicale, des îles menacées... Les pays riches, historiquement les plus pollueurs, auraient alors lâchement abandonné à leur mauvais sort climatique les plus déshérités.
Bémols toutefois. L'accord de Kyoto sauve sa peau, mais avec dommages collatéraux. La Russie, le Canada et le Japon abandonnent le navire en attendant des jours meilleurs. Les signataires ne représentent plus que le dixième des émissions mondiales de gaz à effet de serre. À eux seuls, ils ne sauveront pas la planète de ses dérèglements climatiques. Quant au fonds vert, nul ne sait qui remplira son escarcelle.
L'Europe a également convaincu les pays les plus pollueurs - États-Unis, Chine, Inde - qui se dérobent aux contraintes, de s'engager en faveur de la nouvelle feuille de route. Elle est écrite en langage précautionneux susceptible de ne froisser personne. Cela nous donne - citation - un futur « protocole » ou « un autre instrument légal », ou « une solution concertée légale ». C'est cotonneux à souhait, toutes les interprétations sont possibles, mais le geste est posé.
États-Unis et Chine qui s'observent en chiens de faïence - le premier pour sauver sa suprématie mondiale, le second pour la lui ravir - ne voulaient ni ne pouvaient aller plus avant. Obama joue sa réélection l'an prochain et la chambre des représentants, à Washington, est majoritairement climato-sceptique. La Chine, tout en verdissant quelque peu son économie, cherche à sauver son taux de croissance, à poursuivre sa grande marche en avant. L'Inde rêve de la rejoindre.
Les pessimistes, eux, ne voient en Durban qu'un « échec collectif » de plus. Ils pestent contre ces engagements toujours remis à plus tard. Contre les atermoiements des dirigeants de la planète, incapables de dessiner le chemin vers une autre mondialisation, économe en carbone. Le président sud-africain, Jacob Zuma, s'était exclamé à l'ouverture des négociations : « Nous devons sauver demain aujourd'hui... » Aujourd'hui attendra 2020.
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