lundi 22 août 2011
Des fausses notes à la fausse unanimité
Certes, ce n’était pas aussi tragique que la tempête qui jeudi dernier s’est abattue en Belgique sur le festival de rock de Hasselt (le Pukkelpop), faisant cinq morts et quelques dizaines de blessés. Mais tout de même et de façon très métaphorique on peut dire que les journées d’été d’Europe Ecologie-Les Verts, qui se sont tenues à Clermont-Ferrand (de jeudi à dimanche) ont bien failli, à cause d’une météo politique orageuse, virer elles aussi au « Pukkelpop ». De façon non pas dramatique, comme au festival limbourgeois, mais, comme souvent chez les Verts, dans un registre franchement vaudevillesque…
Turbulence n° 1 : Nicolas Hulot…
Les turbulences, déjà nombreuses avant la primaire écolo, se sont encore amplifiées avec la fâcherie de Nicolas Hulot, qui a du mal à digérer l’humiliante défaite (seize points dans le nez, tout de même) que lui a impitoyablement infligée Eva Joly. « Eva dans le mur », disait-on quand le présentateur vedette de TFI s’était enfin décidé à entrer dans la compétition électorale. Mais la Franco-Norvégienne (Eva gagner avant de devenir Eva tout perdre ? ) a triomphalement traversé le mur en le fracassant, et les briques sont retombées en pluie sur la tête du malheureux Hulot, meurtrissant durablement son amour-propre. Ce dernier en conserve de gros bleus à l’âme. Souhaitant prendre, avait-il annoncé, une « distance bienveillante » avec le parti écologiste, il a refusé d’apparaître aux journées d’été de Clermont-Ferrand, sur lesquelles son absence était censée drainer quelques nuages gris… Depuis sa déroute, Hulot remâche son amertume et entretient le mystère sur ses intentions. Il veut, affirment ses proches, « continuer à intervenir dans le débat public ». Mais sous quelle forme ? « Si nous avons des objectifs communs, j’observe que la modalité pour les atteindre diverge », a-t-il récemment déclaré. Hulot le naïf avoue aussi « avoir espéré une autre pratique de la politique ». Ses « modalités divergentes » pour atteindre des objectifs communs, vont-elles se traduire par des chemins certes parallèles mais différents ? En politique, les chemins parallèles ont souvent tendance à s’éloigner l’un de l’autre.
Afin de franchir le Rubicon, Nicolas Hulot avait quitté en fanfare sa Fondation et ses activités très rémunératrices de TFI, où il officiait depuis vingt-cinq ans. Pour se retrouver au final le bec dans l’eau. L’eau glaçante d’une douche froide, en provenance directe d’un iceberg norvégien et que lui a administrée sans douceur la fille des fjords. De la banquise fondue réfrigérante. Il ne manquait que la camisole de force. Quant à la pratique de la politique et ses coups tordus, l’un des adversaire de Nicolas Hulot au sein de l’appareil vert, en l’occurrence Noël Mamère, prétend l’avoir confraternellement prévenu : « Comme Nicolas j’ai vécu dans le monde des médias et la politique est plus violente car plus mesquine. » Ah ! Ces mesquins qui nous gouvernent… Les écolos détiennent tout de même, en la matière, le pompon des haines étriquées…
Les proches de Nicolas Hulot accusent en effet l’entourage d’Eva Joly d’être responsable du crash électoral de leur candidat, contre lequel auraient été multipliés les coups bas, avec l’approbation silencieuse mais « bienveillante » de l’ancienne magistrate. Du côté de cette dernière on s’efforce de minimiser, avec « bienveillance » toujours, l’impact de cette absence. « Une campagne avec Nicolas Hulot, c’est mieux, mais sans lui on a déjà fait aussi. » Avec certes des résultats mitigés : 5,27 % en 2002 et 1,57 % en 2007… Mais les Khmers verts, dont la doctrine est ancrée à gauche de la gauche, méprisent le chiraco-centrisme de Nicolas Hulot, trop éloigné de leurs pratiques sectaires. Ils le lui ont fait savoir sans ambiguïté.
Un mépris que Daniel Cohn-Bendit exprime avec agacement. « Si Nicolas Hulot était venu avec nous aux européennes en 2009, il aurait été le candidat en 2012. Le problème c’est qu’il dit oui-non, non-oui ». Selon un vieux proverbe russe : « Ceux qui sont en retard sont punis par la vie. » Cela semble particulièrement vrai en politique. Pour autant, dans son discours de samedi, Eva Joly a lancé, avec un semblant d’émotion dans la voix, un appel à celui qu’elle a politiquement trucidé : « Nicolas, nous avons besoin de toi, de ton talent et de tes connaissances… » Pour coller ses affiches, sous formes de vidéo-clips, durant la campagne présidentielle ?
Turbulence n° 2 : Daniel Cohn-Bendit…
Daniel Cohn-Bendit, grand maître depuis quarante-trois ans en agitations bruyantes et désordonnées, attise l’une des turbulences, dont il est d’ailleurs à l’origine, que traverse actuellement Europe Ecologie-Les Verts. Il est certes le pygmalion d’Eva Joly. Mais il ne souhaite pas, il le dit et le répète depuis deux ans, une candidature écologiste qu’il trouve inutile, à la prochaine présidentielle. Sa stratégie : négocier avec les socialistes le soutient à leur candidat(e) dès le premier tour, contre l’obtention d’un maximum de circonscriptions gagnantes aux prochaines législatives, afin que les écologistes puissent former un groupe autonome à l’Assemblée nationale. Car, si le parti des Verts est devenu le numéro deux dans l’opposition de gauche, ses sièges dépendent encore en grande partie du PS. Un groupe parlementaire leur donnerait évidemment plus d’autonomie et un poids politique accru.
Lors de la primaire écolo Cohn-Bendit a toutefois voté pour Eva Joly, parce que, a-t-il confessé, « je croyais qu’elle allait perdre. De ma part il s’agissait d’un geste solidaire », et compassionnel à l’égard de celle qu’il avait fait entrer en politique. Et qu’il voyait déjà ratatinée sous le rouleau compresseur de la notoriété médiatique de Nicolas d’Hulot. La vraie nature des Verts lui aurait-elle échappé, à lui aussi ?
Eva Joly ne lui tient toutefois pas rigueur de sa position hérétique. « Dany est mon ami. Je ne peux pas lui reprocher de dire ce qu’il pense, mais il se trompe. Il regarde dans le rétroviseur quand il parle du risque de 21 avril. Moi je préfère regarder vers l’avenir. » En somme elle reproche à son copain Cohn-Bendit d’avoir les yeux rivés sur Marine Le Pen et d’être un peu trop obsédé par la présidente du Front national ?
Candidate elle est, candidate elle restera. Eva Joly entend bien maintenir sa candidature jusqu’au bout. Elle a d’ailleurs, avec « bienveillance », prévenu les socialistes « qu’elle ne serait pas une candidate de témoignage et encore moins la candidate au ratissage des voix écologistes pour le compte du Parti socialiste. (…) Pour nous la sortie du nucléaire ne se négocie pas, elle s’impose ».
Message, en formes de râteau, adressée aux représentants du PS présents à ces journées d’été d’EE-LV. Et pour ceux d’entre eux qui seraient un peu durs de l’oreille, Cécile Duflot a pris soin de préciser auprès des journalistes : « Ici beaucoup de gens vont aller voter à la primaire socialiste. » Personnellement la patronne des Verts n’a pas l’intention d’y participer, « sauf si dans les débats des candidats à cette primaire il y a des expressions qui rendent impossible l’accord entre nous ». On ne peut mieux dire que la primaire socialiste se déroulera sous influence et haute surveillance des écologistes. Des électeurs auprès desquels François Hollande, avec ses atermoiements sur la sortie du nucléaire, n’est certes pas le mieux placé.
Turbulence n° 3 : Laurence Vichniesky
Autre source de turbulence : le véritable réquisitoire que Laurence Vichniesky, ex-collègue et amie d’Eva Joly, a dressé dans Libération de jeudi contre le programme d’EE-LV, mouvement dont elle est, jusqu’à présent la porte-parole, mais dont elle récuse le projet de A jusqu’à Z, prônant sa « révision ». Rien de moins. « Il ne faut pas confondre politique et morale : rien ne sert de rechercher qui sont les responsables ou les profiteurs de la dette. Il faut la réduire. » Et l’ex-magistrate ne discerne pas dans le projet écologiste la moindre mesure susceptible de museler nos déficits par trop criants. Bien au contraire. Pour les dirigeants d’une formation politique, être ainsi contredits par la propre porte-parole du mouvement, c’est tout de même quelque chose d’assez inédit. Une exclusivité d’Europe Ecologie-Les Verts.
Jeudi, le député européen Jean-Paul Besset, proche de Nicolas Hulot, rendu méfiant par les attaques personnelles dont son ami a été l’objet durant la primaire écolo, prévenait : « Eva Joly est maintenant notre candidate ? Mais attention : Nous ne nous rangerons pas comme des petits soldats derrière elle. » Pourtant samedi tel fut bien le cas. La candidate verte a remis ses turbulents camarades chacun à sa place. Cécile Duflot ? A « la barre » du parti. Daniel Cohn-Bendit ? « Je vais l’utiliser pour tout ce qui est européen. » Nicolas Hulot ? Elle lui trouvera un « think tank écolo », avec plein de paillettes médiatiques, pour l’occuper. Tous derrière et elle devant…
Turbulence n° 4 : Eva Joly
Ecologiste de fraîche date, mais surtout européenne et cosmopolite, Eva Joly souhaite une France dénucléarisée dans une Europe démilitarisée. Une Europe supranationale et sans frontières, ouvertes à tous les vents de l’immigration, et de surcroît sans défense face aux menaces du terrorisme islamiste, aux menées chinoises ou tout autre danger pouvant surgir, à tout moment, de n’importe où. Une Europe dépouillée, au nom d’un pacifisme subversif, de tout moyen de dissuasion. Comme la Norvège face à la furie meurtrière d’un Anders Behring Breivik ? Celle que ses sympathisants nomment la « nordique batailleuse » est décidément porteuse d’une culture dangereuse… Peu importe aux Verts qu’Eva Joly soit néophyte en matière d’écologie. Ils ont trouvé en elle beaucoup mieux, l’incarnation de leur fanatisme…
La petite phrase du week-end
La petite phrase du week-end pourrait bien revenir à François Hollande qui, dans un entretien au Journal Dimanche déclare : « Je n’ai pas exercé directement le pouvoir, mais je l’ai approché de près. Et après tout, si je ne suis pas nouveau, je suis neuf. » Même s’il a déjà beaucoup servi ?
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