Cette situation a des racines anciennes. Et sans doute la Grèce n’était pas prête à entrer dans la zone euro, ni même peut être dans l’Union Européenne. Mais elle n’a fait que peu de choses pour corriger ensuite. En tout état de cause, son appartenance à la zone euro lui a permis de bénéficier d’un capital confiance que lui accordaient ses créanciers (ceux qu’on appelle « les marchés »), sans que soient entreprises les réformes de modernisation de son économie et de son administration. Au final, c’est un endettement qui atteint plus de 126 % du PIB en 2009, près de 160 % fin 2011.
Pourquoi les taux s’envolent ou « le signe visible de la crise »
Progressivement, les créanciers vont s’interroger sur la capacité de la Grèce à honorer ses échéances. Cela se traduit d’abord par la dégradation de la « notation » en 2009 qui constate les difficultés en même temps que l’absence de perspectives convaincantes de redressement. Il est faux de croire qu’un Etat ne peut faire faillite et que donc il peut s’endetter de façon illimitée. Plus grave encore, les autorités européennes relèvent que la situation a été minimisée par quelques habillages financiers et par la faiblesse de l’outil statistique. A ce jour, cependant, on peut s’étonner qu’aucune poursuite pénale n’ait été engagée envers les anciens dirigeants grecs et leurs éventuels complices. Dés lors que la Grèce a perdu le capital confiance des « marchés » – de ses créanciers -, ceux qui avaient des titres émis par l’Etat grec ont cherché à s’en défaire. En vertu du principe de « l’offre et de la demande », leur valeur a baissé, ce qui correspond mathématiquement à une hausse des taux d’intérêt. En quelque sorte, celui-ci inclut une « prime de risque » mesurant la dégradation de la solvabilité de la Grèce. Cette dernière doit emprunter aujourd’hui à plus de 17 % – à comparer aux 3 % auxquels emprunte l’Etat allemand ou aux 3,5 % de la France.
En attendant, les finances de l’Etat grec restent le tonneau des Danaïdes. Tant que le déficit existera, il faudra injecter des fonds. Un prêt de 110 milliards (80 de l’Union Européenne et 30 du FMI) a été consenti en mai 2010. Le mal menaçant d’autres Etats dans une situation proche, l’Europe a créé, au terme d’un marathon, un « fonds de stabilité financière », doté de 750 milliards (dont 440 milliards apportés par les États et 250 milliards apportés par le FMI). On évoque les « euro-obligations » qui risquent de n’être qu’un moyen de plus pour poursuivre la course à la dette en changeant l’emprunteur. D’aucuns évoquent un quasi dépôt de bilan : si la dette était réduite de 30 %, la Grèce retrouverait sa solvabilité en 20 ans … Mais elle devra alors renoncer à emprunter pendant longtemps car la confiance serait durablement perdue.
Evidemment, il y a aussi la recherche de responsables. Conformément à une mode lancée par Philippe le Bel, « pour effacer la créance, effaçons le créancier », les politiques se défaussent également de leurs responsabilités sur les préteurs à qui on reproche … d’avoir prêté. Les mêmes veulent faire taire les agences de notation, comme si casser le thermomètre suffisait à faire disparaître la fièvre. Et bien sur, les grands responsables désignés restent toujours « les spéculateurs ». Si il y a eu « spéculation », ne serait ce pas de la part de ceux qui pensait que l’on pouvait vivre éternellement à crédit ?
Imaginons alors ce qui se passerait : sous le poids des déficits extérieurs et dans un contexte très défavorable, faute de perspectives de redressement, la drachme se dévaloriserait – la dévalorisation étant presque la même chose que la dévaluation, à ceci prés qu’elle ne résulte pas d’une décision officielle -. En effet, du simple fait de « l’offre et de la demande », la quantité de drachmes en vente excéderait celle achetée.
Certes, cette perte de valeur améliorerait la compétitivité des produits grecs vendus à l’étranger. Reste que les effets positifs pourraient mettre des années à se manifester, car le pays est principalement orienté « agriculture » et « tourisme », d’autant qu’à ce jour, les importations représentent 3 à 4 fois les exportations. En revanche, les effets négatifs se feront sentir immédiatement : du fait de la hausse des prix importés, le niveau de vie se réduira drastiquement. Et la Grèce pourrait achever de devenir définitivement insolvable : la dette libellée en euro sera revalorisée au fur et à mesure de la dégringolade de la drachme … Bref, la sortie de la zone euro aujourd’hui serait catastrophique, une sorte de moderne Nemesis.
Alors en conclusion…
En fait, il y a deux Europes : l’une qui a choisi de privilégier les entreprises – plutôt le Nord » – et l’autre qui a choisi la consommation – plutôt le Sud. Ce dernier groupe a maintenu son niveau de vie en s’endettant… Vient l’heure où les préteurs demandent des comptes. Nous autres, Etats, nous savons maintenant que nous sommes faillibles. Il manque dans la zone euro un dispositif de sortie de crise. Peut être aussi manque-t-il des responsables politiques courageux et lucides qui reconnaissent qu’on ne peut vivre durablement au dessus de ses moyens. En France, observons bien jusqu’où les candidats aux Présidentielles de 2012 auront le courage de s’engager sur l’ampleur des réformes à conduire.
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