Les dix-sept pays de la zone euro ont accouché au forceps, hier soir, d'un accord permettant d'éviter la mise en faillite de la Grèce et de rassurer les marchés financiers sur leur détermination à soutenir tous les autres pays européens en difficulté: la capacité d'action du fonds de secours qu'ils ont créé en mai 2010 sera en effet élargie.
Réunis en sommet extraordinaire, les chefs d'Etats ou de gouvernement des Dix-Sept se sont entendus sur le financement d'un second plan de sauvetage de la Grèce, dont le montant sera probablement similaire à celui qui avait déjà été élaboré en 2010: 110 milliards d'euros.
Le Fonds monétaire international (FMI), qui avait dépêché sa nouvelle directrice générale, la Française Christine Lagarde, à Bruxelles hier, participera sans doute à ce programme, qui recèle une nouveauté: les créanciers privés d'Athènes - banques, compagnies d'assurances, fonds d'investissement - seront eux aussi mis à contribution, à hauteur d'un montant évalué entre 15 et 30 milliards d'euros.
Les Dix-Sept ont abandonné la piste d'une taxe bancaire dont les institutions financières ne voulaient pas entendre parler.
Le secteur privé contribuera de deux autres façons à l'effort général: d'une part, il a accepté de rallonger le délai de remboursement des obligations d'Etat grecques arrivant à échéance avant 2019 - de leur côté, les Etats de la zone euro allongeront (à 15 ans au moins) les nouveaux prêts qu'ils consentiront à Athènes, à des taux d'intérêt réduits. D'autre part, les institutions financières revendront, à un prix inférieur à leur valeur nominale, une partie des titres grecs qu'elles détiennent au fonds de secours - la Facilité européenne de stabilité financière (FESF) - que les Dix-Sept ont créée en 2010. A cette fin, le statut de la FESF sera modifié.
L'élargissement du champ d'action de ce fonds, basé à Luxembourg et dont la capacité d'emprunt effective, aujourd'hui limitée à 500 milliards d'euros, devra être augmentée, profitera également aux autres pays de la zone euro en difficulté.
Ainsi, ont décidé les Dix-Sept, le FESF (auquel se substituera en 2013 un Mécanisme européen de stabilité) pourra également acheter à titre préventif des obligations d'Etat - italiennes, par exemple - sur le marché secondaire. Il allongera par ailleurs la maturité des prêts qu'il a faits à l'Irlande et au Portugal. Il s'agira ainsi d'éviter une contagion de la crise grecque de la dette.
L'avantage du système, c'est qu'il permettra de réduire la masse de dette souveraine de pays fragiles en circulation et, partant, de réduire les risques de spéculation.
Le désavantage, c'est qu'il risque de provoquer certaines perturbations sur les marchés.
Les Dix-Sept et la Banque centrale européenne (BCE), dont le président, Jean-Claude Trichet, avait également fait le déplacement, hier à Bruxelles, se sont finalement résignés à admettre que leur sauvetage de la Grèce placera Athènes dans une situation de "défaut sélectif" de paiement - en clair, les agences de notation constateront qu'elle est incapable de rembourser aux échéances prévues une partie de sa titanesque dette publique (plus de 350 milliards d'euros, soit 150% de son produit intérieur brut).
Ce "défaut sélectif", fût-il de courte durée, pourrait engendrer des problèmes de liquidités en Grèce. La BCE, notamment, a déjà annoncé qu'elle ne pourrait plus octroyer de prêts aux banques grecques qui ne lui fourniraient, en guise de garantie, que des bons d'Etat du pays. Les banques seraient menacées de faillite et l'ensemble de l'économie en pâtirait.
Afin de prévenir une catastrophe, le fonds de secours européen apportera sa garantie aux titres grecs, que la BCE pourra ainsi continuer d'accepter.
Un rêve dévalué
Ce devait être le symbole achevé de la construction européenne, le ciment de ces Etats-Unis du Vieux Continent dont, bien avant tout le monde, avait rêvé Victor Hugo.Ce devait être le rêve réalisé des "pères fondateurs". De l'antique Communauté européenne du charbon et de l'acier à la devise unique, chaque consommateur du beau et grand marché aurait dans son porte-monnaie le signe sonnant et trébuchant d'un demi-siècle de rapprochement dans la paix et la prospérité. Las!
C'était sans compter avec le maquillage comptable et les filouteries institutionnelles d'Etats s'écartant des critères de convergence pour masquer déficits abyssaux et dettes boulets. C'était sans compter avec les chocs boursiers à répétition déclenchés par la sauvage déréglementation ultra-libérale. C'était sans compter avec la voracité des spéculateurs et les ukases des agences de notation qui dictent les niveaux d'une confiance que l'on ne leur prête même pas. Si l'euro a joué un temps son rôle de monnaie de référence, la "crise de la dette" ne cesse de le dévaloriser aux yeux du monde. Nicolas Sarkozy s'agite pour sauver la face de cet euro pas franc qui prend la pile. Angela Merkel fronce les sourcils car avec l'euro, l'Allemagne a perdu son image de marque. Les pays du sud qui y avait vu en lui leur planche de salut voudraient retrouver leur planche à billets.
En dix ans, l'euro semble avoir atteint son taux d'usure. Face à la montée de l'euroscepticisme, les chefs d'Etats et de gouvernements se battent pour le sauver, mais ils sauvent seulement sa peau car, en coulisses, c'est un rêve européen qui se dévalue...
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