C’est décidé, Ioanna Giannopoulou boucle ses valises et part pour la France. Cette diplômée en informatique «galère» depuis des mois pour trouver un poste décent en Grèce et ne reçoit que des propositions de stage et d’emploi à 500 euros par mois.
L’offre faite par une entreprise de télécommunications à Paris est bien plus gratifiante pour la jeune fille, âgée de 23 ans, titulaire d’une maîtrise en informatique.
Sa famille est très perturbée par ce nouveau départ. L’aînée, Evgenia, doctorante en bio-informatique, est chercheuse à l’université Cornell, installée aux Etats-Unis depuis deux ans.
« Ces derniers mois, les départs s’accélèrent»
Selon le professeur Lois Lambrianidis, économiste et géographe à l’université de Salonique, 9% des jeunes diplômés grecs sont partis travailler à l’étranger de mai 2009 à février 2010, et « ces derniers mois, les départs s’accélèrent».Comme en Irlande ou au Portugal, les futures élites grecques fuient le pays: 51% des diplômés titulaires de doctorat ont choisi de s’expatrier. Les statistiques de l’emploi sont éloquentes: 9,8% des détenteurs d’un master ou d’un doctorat sont au chômage en Grèce en 2011. En 2008, ils n’étaient que 5,4%.
Rien d’étonnant donc à ce qu’ils prennent le chemin d’horizons plus prometteurs, et aillent grossir les rangs de la diaspora grecque déjà installée en Australie, aux Etats-Unis, ou ailleurs.
La réforme des universités qui devrait être présentée au parlement en août fait depuis quelques jours débat en Grèce. L’enjeu de l’émigration des jeunes diplômés a-t-il été pris en compte par la ministre de l’éducation, Anna Diamandopoulou?
Pour Yannis Mitsos, conseiller au cabinet de la ministre, le gouvernement est préoccupé par le chômage des jeunes diplômés et les départs à l’étranger, et souhaite donc « préparer au mieux les étudiants grecs au marché du travail».
La réforme qui a déjà été appliquée dans la plupart des pays européens, entend aligner les universités grecques autour de cycles unifiés: trois ans pour une licence, cinq pour un Master, et huit pour un doctorat, qui permettent des équivalences européennes de diplômes et rendent les universités plus compétitives.
L’évaluation des enseignants devrait aussi être plus transparente grâce à une commission composée de personnalités extérieures, et la possibilité de rester étudiant « éternellement» devrait être abrogée.
Mais selon Dionysis Gouvias, professeur de pédagogie à l’université de Rhodes, la réforme risque surtout d’aggraver la condition des jeunes chercheurs et d’encourager leur désir d’ailleurs: la diminution du nombre de postes de lecteurs ainsi que la fusion de plusieurs universités régionales sont prévues.
« Si les jeunes doctorants restaient en Grèce, ils pourraient aider au développement du pays», regrette-t-il, mais il faudrait alors que leurs connaissances et leur talent soient reconnus, une mission difficile en cette période d’austérité et de décroissance en Grèce, admet-il.
Une économie axée sur les services et le tourisme, sans industrie
De plus, l’exil des diplômés ne saurait se résoudre uniquement par une réforme des universités, car le problème de la Grèce reste aussi la structure de son économie, axée sur les services et le tourisme, sans industrie.Pour M. Lambrinidis « le marché du travail grec n’a besoin que d’un nombre restreint de chercheurs». Embourbée dans la crise, la Grèce semble d’autant plus impuissante à retenir les jeunes gens.
Dans les faits, M. Lambrianidis estime que seul 16% des diplômés ayant travaillé à l’étranger sont revenus en Grèce ces dernières années.
Mais Ioanna s’est fait une promesse: « Je ne veux pas vivre toute ma vie à l’étranger».
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