«Recevoir un grand nombre de journalistes est un plaisir. Un petit nombre un ennui. Un seul d’entre eux, un supplice». Ainsi parlait de Gaulle, qui ne cachait pas ses préventions contre les tête-à-tête et son goût pour les conférences de presse, où son éloquence, ses réparties et la qualité de son français faisaient merveille. Nicolas Sarkozy, lui, pourrait renverser les termes de l’aphorisme. Curieusement, il ne s’est guère livré à l’exercice en dépit de la promesse qu’il avait faite en 2007. Il a pourtant des aptitudes exceptionnelles dans ce registre mais le chef de l’État le dit lui-même: il n’aime guère se «livrer à des centaines de journalistes». L’inconnu que suppose un tel grand oral, très peu pour ce passionné de la sécurité. L’assurance de pouvoir rester maître du jeu quoi qu’il arrive ne le rassure même pas.
Alors, il fallait y penser, l’Élysée a inventé la conférence de presse ciblée. Celle de janvier, fort réussie d’ailleurs, était limitée à la présidence du G20. Celle de ce matin restera cantonnée aux investissements du Grand emprunt, le plus souvent très pertinents. Il faut poser une question bien dans les clous. Toujours intéressant le show, mais il n’a guère de chance d’échapper à l’autocélébration, et ses contraintes dévoient le principe d’une libre confrontation entre le Président et la presse.
Au fond, personne n’est dupe. C’est bien à la première célébration d’autopromotion du candidat Sarkozy que nous allons assister ce matin. On va tourner les premières pages du catalogue des projets pour l’après 2012. Que du positif sans risque garanti par les ors du palais présidentiel. Même la date de l’événement médiatique est stratégique. Initialement prévu le 15 juin dernier, il a été opportunément placé la veille de la déclaration de candidature de Martine Aubry. Dans cette affaire, les coïncidences n’existent pas.
C’est de bonne guerre, mais guère républicain. Aussi innocent que le grand discours de Valéry Giscard d’Estaing à Verdun-sur-le-Doubs pendant la campagne des législatives de 1978. Cette conférence sera un excellent warm-up - ces tours de chauffe pour éprouver pneus et moteurs - avant que la présidentielle ne bascule cette semaine dans une phase décisive avec le saut dans le vide de Martine Aubry, l’éclosion du candidat vert, et le retour de Ségolène Royal, l’insubmersible...
Le président, lui, sera maître d’une prestation qui - outre l’information sacrée du pays - a pour objectif de soutenir la popularité toujours chancelante du chef de l’État. Redoutablement efficace dans cet exercice, il va montrer de quoi il sera capable dans les prochains mois. Une forme de délivrance pour le prince des campagnes. Il se transformera, l’espace d’un matin, en Monsieur Loyal de l’action du gouvernement. Sa réélection le vaut bien.
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire