dimanche 12 juin 2011
Mortel bio
Ce n’était pas un concombre masqué. Ni un mal espagnol. La bactérie qui a tué 33 personnes en Europe provenait de graines germées, exploitées dans des conditions insuffisamment sûres. Il y avait eu les méfaits de la nourriture industrielle et des poulets engraissés aux hormones. Les excès de la course au profit et le scandale de la vache folle. Par une étrange ironie, voilà des graines estampillées bio qui sèment la mort. Cela peut conduire à revoir bien des schémas après cette nouvelle maladie de la modernité. L'"industrie" agroalimentaire, depuis soixante ans, a permis, dans le monde entier, de nourrir des populations de plus en plus nombreuses. Elle a contribué à l’allongement de la vie.
Cette meilleure alimentation a accompagné les migrations des campagnes vers les villes. Elle a accéléré la fusion des habitudes alimentaires, surtout entre les cuisines asiatiques (nems, sushis, currys…) et européennes. Elle a réduit certaines maladies – les cirrhoses, les maladies cardio-vasculaires, la tuberculose. L’industrie a adopté des normes de conditionnement, d’étiquetage, de conservation, de transport.
Mais ce progrès a suscité de nouvelles maladies. L’explosion de certains cancers est le prix de l’irresponsabilité des Trente Glorieuses. Le bio est-il condamné à son tour ? Non, bien sûr. On peut mieux respecter la nature : "Je ne mangerai plus de cerise en hiver", avait écrit Alain Juppé, éphémère ministre de l’Environnement. La nature est aussi porteuse de dangers. L’eau du robinet peut être meilleure que certaines eaux naturelles. L’abus de vitamines artificielles a des effets secondaires. Sans oublier que le régime crétois, les particularismes japonais, le french paradox ont leur vertu… en Crète, au Japon et… en France. Il y a bien des leçons à tirer de cette affaire de la bactérie européenne. Elle a montré les limites – et les dégâts – du principe de précaution. Se nourrir mieux, oui. Mais on doit refuser les intégrismes alimentaires et écologiques.
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