A force de potions austère le malade (grec) va-t-il mourir...guéri ? Le Prix Nobel Joseph Stiglitz annonçait déjà il y a plusieurs mois que «l'austérité va mener l'Europe au désastre ! ». Les violentes manifestations de mercredi, venant après d'autres, témoignent du degré d'exaspération d'une population : le traditionnel cortège syndical a été éclipsé par l'afflux de citoyens de tout bord, répondant à l'appel des "Indignés" grecs, mouvement de protestation populaire lancé le 25 mai en plein cœur d'Athènes sur le modèle espagnol. En dépit de l'appel des animateurs de ce rassemblement à en maintenir le caractère pacifique, des escarmouches ont opposé sur la place des petits groupes à la police, qui a riposté avec des gaz lacrymogènes, avant que la foule ne se reforme à nouveau. Dans la rue, les manifestants tournaient surtout leur colère contre la classe politique, scandant régulièrement "voleurs" à l'adresse du parlement et des voitures officielles aperçues.
La droite a menti, maquillant les chiffres pour laisser croire aux Grecs qu'ils vivaient dans la prospérité
Car le gouvernement précédent de droite a menti, maquillant les chiffres pour laisser croire aux Grecs qu'ils vivaient dans la prospérité. Et c'est le gouvernement Papandréou qui a découvert que le pays était en faillite. Or cette même droite, bien qu'elle porte une immense responsabilité dans cette dette, refuse toute idée d'union nationale, à la différence de ce qui se passe en Irlande et au Portugal, ce qui inquiète les partenaires d'Athènes. Après une première vague d'austérité en 2010 et sous la pression croisée des marchés, qui lui interdisent l'accès au refinancement, et de ses créanciers, le gouvernement a du se résoudre à un nouveau tour de vis, avec des économies nouvelles de 28,4 milliards d'euros d'ici à 2015 et des privatisations massives. La Grèce peut-elle s'en sortir ? Les réformes promises ne sont pas ou mal appliquées et la lutte contre la fraude fiscale marque le pas. Selon la troïka (Commission, BCE et FMI) après "un solide départ pendant l'été 2010, la mise en œuvre des réformes s'est arrêtée au cours des derniers trimestres. Il y a de clairs risques politiques et des problèmes de capacité administrative dans l'application du programme" de réforme. Le Premier ministre grec ne dit pas autre chose : « l'un des problèmes majeurs que nous avons eus dans la mise en œuvre de notre programme est la capacité de nos fonctionnaires à faire de profonds changements et réformes. » Pourtant le gouvernement a fortement resserré les vis (les 5,75%)- mais la récession est profonde (les -4,5%), et sans fin, précisément en raison de cet ajustement précipité. Du coup, les recettes budgétaires baissent et... le déficit ne se résorbe pas vraiment (-9,5%).
Les jeunes qui manifestent et se sont définis comme « la génération 700 euros » sont eux-mêmes victimes de cette société bloquée, de cette administration inefficace
Faut-il resserrer encore ? Cela signifie persister à appliquer un remède qui affaiblit le patient. Car le malade est dans un sale état. La Constitution elle-même devrait être revue et une partie de la législation, devenue illisible, devrait être changée. Les jeunes qui manifestent et se sont définis comme « la génération 700 euros » sont eux-mêmes victimes de cette société bloquée, de cette administration inefficace. A tel point que les Grecs sont favorables à la privatisation des services publics tellement ils les trouvent indigents ! Les Grecs sont prêts à ces réformes car ils n'ont plus confiance dans leur classe politique. Pendant des années les Grecs ont vécu comme s'ils n'avaient pas d'état, fraudant le fisc, usant de la corruption et des passe-droits. La Grèce par exemple ne connait pas l'institution du cadastre qui permettrait de taxer l'immobilier !
Le problème ne sera pas résolu par des cures supplémentaires d'austérité et par une construction d'un nouveau « vivre ensemble »
Le Grèce devrait réduire son armée pléthorique, comptant sur l'Europe pour sa protection face à l'ennemi historique turc. Elle devrait cesser de financer l'église orthodoxe qui, bien sûr, échappe à l'impôt. Le problème ne sera pas résolu par des cures supplémentaires d'austérité et par une construction d'un nouveau « vivre ensemble ». Ce qui suppose, un peu à la manière de l'Allemagne de l'Ouest par rapport à la RDA, que l'Europe investisse, notamment dans les énergies renouvelables en utilisant le soleil plutôt que la Grèce creuse encore son déficit par l'importation de pétrole. Si l'Europe ne fait pas fonctionner sa solidarité, comme elle le doit, en fonction des traités. Les slogans, au départ juste évocateurs du ras-le-bol de la crise, deviennent de plus en plus antigouvernementaux. « Anti-politiques »même. Les députés sont conspués, accusés d'avoir spolié le pays en acceptant l'aide internationale qui a, selon les «indignés», précipité la Grèce dans la crise. Car la Grèce peut très bien connaitre un précipité chimique qui fasse passer le berceau de la démocratie vers des formes inquiétantes de populismes.
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