TOUT EST DIT

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dimanche 1 mai 2011

Petits joueurs

Voilà donc nos Ku Klux Klan bleu-blanc-rouge, des assemblées de techniciens du football où l’on discute sérieusement de la taille des joueurs noirs comparée au dribble des joueurs blancs?
Où l’on vitupère ces anciennes colonies qui se vengent en piquant pour leurs sélections des joueurs formés chez nous monsieur, chez nous? L’affaire révélée par Mediapart balaiera peut-être le foot français, elle peut déjà lui faire honte, moins pour racisme que pour beauferie soviétiforme. Il y a, dans les explications, même de Laurent Blanc, quelque chose de dérangeant. Cette idée d’un pouvoir (sportif) central qui pourrait fixer des normes à la société, sur le gabarit des joueurs, leur recrutement, leur rapport à la nationalité, et même leurs habitudes alimentaires, puisque Blanc a supprimé le halal de la cantine bleue! Même la formation, assurée par les clubs au mieux de leurs intérêts, devrait s’inscrire dans un grand projet de renaissance nationale inventé par des Déroulède en survêtement. On peut le contester.

En réalité, le problème des joueurs binationaux, qui passionne Laurent Blanc, relève d’un faux patriotisme: parcimonieux, patrimonial, malthusien, à l’image de l’identité qu’on nous assaisonne depuis un moment. Si tu joues demain pour le Sénégal, jeune footeux de Bourg-la-Reine, nous ne te formerons pas! Mais si l’excellence de la formation française profite en retour au tiers-monde, où est le sujet?

Et si la double nationalité, de cœur ou de sport, n’était pas une tare mais un gage d’ouverture, le prix d’une féconde diversité? Et si le libre choix des individus était essentiel à la nation française tout autant que le coq tatoué sur des gamins de 16 ans? Quant à la défense des petits joueurs au nom de la technique – autre croisade des gardiens du foot bleu –, elle n’a rien de mésestimable, même si elle paraît simplissime: on peut être grand et technique, Van Basten, ou petit et viril, Billy Bremner (références de vétéran)…

Mais si Blanc prétend que nos centres de formation privilégient le mastard au détriment des Messi de nos terroirs, admettons, c’est son métier. Mais le glissement vers l’ethnique – les Noirs sont grands et musclés, les Blancs petits et malins – est d’un raccourci consternant, de l’anthropologie Mickey Mouse… ou un prétexte au blanchiment. Pour mémoire, Pelé était petit et noir, Tigana noir et malingre, tellement malingre d’ailleurs que le foot français faillit le rater, avant notre gloire. On se foutait alors bien des couleurs de chacun, et Platini était rital, et Zidane kabyle, et on admirait sans penser, et nul, hormis Le Pen, n’aurait osé suggérer qu’il y avait trop d’épices sur nos pelouses. C’est arrivé, ça se pense et se dit depuis des années, et aucun débat stupide ne vient au hasard. On peut se désoler de vivre aujourd’hui.

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