A partir du 1er mai, le marché du travail allemand sera entièrement ouvert aux ressortissants des Etats qui ont rejoint l’Union européenne en 2004. Les Polonais, les Tchèques, les Slovaques, les Hongrois et les Baltes pourront désormais travailler librement en Allemagne sans que l’agence pour l’emploi n’étudie auparavant leur profil pour vérifier qu’ils n’occupent pas un poste auquel pourrait prétendre un travailleur allemand.
Les ressortissants d’Europe de l’Est ont donc désormais le droit de venir en Allemagne. Mais le veulent-ils ? Pas tant que ça, répondent les économistes. "Le 1er mai ne marquera pas le début d’une immigration massive", affirme Christoph Schmidt, responsable de l’Institut de recherche économique de Rhénanie-Westphalie (WRI), à Essen. Selon ses estimations, l’Allemagne devrait accueillir au maximum 100 000 travailleurs est-européens supplémentaires chaque année, ce qui n’est pas une grande augmentation quand on sait qu’ils sont déjà 600 000 dans le pays. "Ce n’est pas comme s’il suffisait d’ouvrir la porte pour voir débarquer les spécialistes", résume-t-il.
Les jeunes de l'Est n'ont pas forcément envie de venir en Allemagne
Qui l’eût cru ? Pendant des années, nous avons craint que les Tchèques et les Polonais ne viennent inonder notre marché du travail et prendre nos emplois dès l’instant où les frontières seraient ouvertes. A présent, c’est exactement l’inverse qui se produit: les entreprises allemandes pourraient bien avoir urgemment besoin de travailleurs qualifiés venus de Pologne, de République tchèque et de Slovénie. L’Allemagne manque de bras. Et pourtant, certains indices montrent déjà que les jeunes travailleurs d’Europe de l’Est ne meurent pas forcément d’envie de venir en Allemagne.La principale explication est que bon nombre de médecins, infirmiers, ingénieurs et autres artisans sont déjà partis depuis longtemps et sont aujourd’hui au Royaume-Uni, en Irlande ou en Suède. Ces pays ont en effet ouvert leurs frontières dès 2004 et des centaines de milliers de travailleurs ont effectivement migré vers l’ouest à l’époque.Deux ans plus tard, ce fut au tour de l’Espagne, du Portugal, de la Finlande, de la Grèce et de l’Italie de leur ouvrir leur marché du travail. D’autres pays ont également accepté un minimum de travailleurs immigrés dans les professions déficitaires.
Seules l’Allemagne et l’Autriche ont fermement campé sur leurs positions. "Il y a eu un effet de dispersion, explique Herbert Brücker, chercheur à l’Institut allemand pour la recherche sur le marché du travail (IAB). Avant 2004, 60% des émigrants venus d’Europe de l’Est voulaient venir en Allemagne. Aujourd’hui, ils ne sont plus 23%."
Pour s’assurer les services de travailleurs de l’Est, les entreprises doivent avoir quelque chose à leur offrir. C’est ce que fait Alexander Wittker, dont l’agence intérimaire, Job Impulse, emploie 4000 personnes et possède 14 succursales dans les nouveaux pays membres de l’Union. Wittker propose aux entreprises allemandes d’employer des électriciens, des ouvriers outilleurs, des programmateurs ou des développeurs venant d’Europe de l’Est. A ces travailleurs, il offre en échange des bourses et des cours d’allemand et s’occupe de tout l’aspect administratif avec les autorités allemandes. Ses représentants vont jusque dans les écoles pour recruter de futurs employés. Ils vont naturellement aussi dans les universités et les écoles professionnelles, comme à Koscisze dans l’est de la Slovaquie.
Un programme national pour attirer les travailleurs étrangers
Les entreprises allemandes commencent lentement à comprendre que le personnel qualifié qu’elles recherchent ne viendra pas à elles de lui-même. L’Allemagne aurait besoin d’un vaste programme national – comme celui des années 60 – afin d’attirer les travailleurs étrangers. Qu’il s’agisse du syndicat national de l’Industrie (BDI), de la Fédération des employeurs allemands (BDA) ou de l’Association des chambres de l’industrie et du commerce (DIHK), aucune grande organisation ne prend d’initiative au niveau national, sans parler d’accord de recrutement soutenu par l’Etat.Dans les années 50 et 60, le gouvernement allemand s’était d’abord tourné vers l’Italie, puis l’Espagne, la Grèce, la Turquie et la Yougoslavie. A l’époque, c’était l’Agence fédérale pour l’emploi qui envoyait ses représentants sur place pour examiner les candidatures et fournir directement un contrat de travail à ceux qui avaient le bon profil.
Aujourd’hui, ce sont les petits qui font tout le travail : les PME, les associations régionales, les petits intermédiaires. En avril, la chambre d’industrie et de commerce de Cottbus a mis en place un programme de formation pour une centaine de stagiaires polonais. Le syndicat patronal des métiers de la santé voudrait s’associer avec la municipalité de Neuendettelsau, en Bavière, pour parrainer des stagiaires polonais en Allemagne. Personne ne se fait toutefois d’illusion sur l’efficacité de ces initiatives face au manque de personnel dont souffre tout le pays. Cela fait longtemps qu’on pense à aller chercher les infirmières jusqu’en Inde.
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