Que de dégâts collatéraux provoqués par le scandale Strauss-Kahn ! En France et pour l’image de la France dans le monde... Mais, paradoxalement, cette triste affaire ressoude l’Union européenne qui, pour la première fois depuis bien longtemps, semble vouloir s’exprimer d’une seule voix. Il est vrai, par pur égoïsme et dans la défense d’intérêts bien sentis pour que la fonction de directeur général du Fonds monétaire international revienne de nouveau à une personnalité européenne. Et il y a presque unanimité autour du nom de la ministre française de l’Economie Christine Lagarde.
Justifier ce siège européen en invoquant la règle qui voudrait que la Banque mondiale soit dirigée par un Américain et le FMI par un Européen est pour le moins fallacieux. Le monde a changé depuis 1944, époque où le FMI tournait en rouage dans la grande machinerie de Bretton Woods depuis longtemps abandonnée. Les pays émergents, et surtout la Chine, aujourd’hui troisième actionnaire du Fonds, pèsent de plus en plus lourd. Que ces puissances veuillent, dans l’espoir d’en tirer des bénéfices politiques, intervenir dans les sauvetages financiers des Etats en difficulté - selon le rôle du FMI - devient indéniable. Or, même si les décisions sont prises collégialement par les grands argentiers installés à Washington, c’est bien le « patron » du FMI qui détermine la marche à suivre.
Et dans ses fonctions, Dominique Strauss-Kahn était un Européen exemplaire. Si un mécanisme de sauvetage (ou de consolidation) de l’euro existe, c’est grâce à lui dans la mesure où face à la paralysie des Etats, face à l’obstruction de l’Allemagne incapable d’envisager une autre politique monétaire, il a su présenter une porte de sortie à la crise. Le FMI participe à bonne hauteur aux plans de sauvetage de l’Irlande, du Portugal et surtout de la Grèce tout en assumant le sale travail consistant à faire appliquer les plans de rigueur. Seules ces conditions avaient fléchi Berlin l’an dernier et, on le sait, le sauvetage de la Grèce est encore loin d’être acquis.
Pourtant, cette aide massive à la monnaie unique, via la Grèce et les autres « pécheurs », peut paraître inique ailleurs dans le monde. Elle donne la fâcheuse impression de voir les riches (l’UE reste la première puissance économique du monde) puiser dans le tronc des pauvres pour assurer leurs liquidités. En effet, jusqu’à l’an dernier, et hormis le Royaume-Uni et la Hongrie, les Etats européens ne figuraient pas parmi les grands emprunteurs du FMI davantage tourné vers les pays en voie de développement et les « émergents » (Brésil, Argentine, Mexique...)
Certes, même sous un « patron » non européen, la politique actuelle du FMI ne changera pas, notamment vis-à-vis de la Grèce, car personne ne veut revivre une crise de l’euro. Mais que se passerait-il demain si une autre capitale de l’UE, à l’économie plus importante que Dublin, Lisbonne ou Athènes, devait étaler ses faiblesses ? Comment réagirait un FMI qui aurait échappé aux Européens ?
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