Le candidat socialiste à la présidentielle de 2012 est aujourd'hui en position de force. Mais pour faire quoi?
C’est entendu. Un: à l’heure qu’il est, le candidat du PS, que ce soit Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry, bat Nicolas Sarkozy en 2012. Rien n’est joué bien entendu mais, pour l’instant, l’alternance va conduire les socialistes au pouvoir. Deux, le PS n’a aucun programme. Je dis bien «aucun». Ni en matière de politique étrangère: que ferait un(e) présidente socialiste en Afghanistan? Sur la bombe iranienne? Quelle idée sur l’Europe? Ni en matière de politique intérieure: que propose-t-il pour l’école? Pour la justice? Pour l’aménagement du territoire? Les banalités sur la sécurité entendues ce week-end à La Rochelle ne sont écoutées que parce que Nicolas Sarkozy s’est mis, y compris sur son sujet favori, dans une impasse aux yeux des Français. Et le PS n'a bien entendu, aucun programme en matière économique et sociale.
Le PS travaille à son projet, dit-on. Ce n’est pas encore le moment de faire des propositions, elles viendront en temps et en heure. Sans doute, sans doute… Mais quand on regarde le travail de préparation, les études plus ou moins en coulisse et les premiers éléments qui sortent, on comprend que la construction du «projet» s’annonce longue, ardue, dissensuelle et que, vraisemblablement, elle n’aboutira jamais. Le PS fera semblant d’avoir un programme. Il va en réalité se contenter de jouer en «contre». Pour deux raisons. D’abord parce que toute proposition un peu précise, se voit immédiatement contrée par tous les autres «courants» ligués contre elle. Ensuite et surtout car au fond le socialisme est et reste, idéologiquement, à poil.
Prenez le Care, la seule «idée» avancée officiellement aujourd’hui par le parti. Avec d’ailleurs de longs coups de trompes comme s’il avait miraculeusement trouvé «la» voie du socialisme du XXI ème siècle. Nous en avons souligné ici le caractère anachronique: le pays n’a simplement pas les moyens de donner aux seniors et à tout un chacun, des nouveaux droits et des nouveaux avantages sans dire quels autres on supprime. Il y a un aveuglement du PS à ne pas admettre l’état catastrophique des finances du pays.
Mais, la critique du Care la plus meurtrière revient à François Hollande, l’ancien Premier secrétaire. Il suffit de citer la descente en flamme du projet Aubry qu’il fait dans un excellent petit livre édité par Libération, autour d’un débat lancé par Jacques Julliard (Pour repartir du pied gauche). Hollande explique: «la deuxième tentation [les erreurs à ne pas faire pour les socialistes] est celle des bons sentiments. Puisque le capitalisme est écrasant, le marché violent, la mondialisation impitoyable et la compétition féroce, pourquoi ne pas en revenir aux recettes tombées injustement en désuétude, du socialisme utopique: l’attention aux autres, le partage, la production hors système, la coopérative. Bref, la conjugaison d’attitudes altruistes au plan individuel avec les vertus collectives de l’économie non marchande. Le mouvement est respectable mais il n’est pas de taille. Il place la confrontation sur un terrain moral mais il ne permet de gagner que des batailles qu’à la marge». Puis François Hollande donne le coup de grâce: «Il appelle à un nouvel humanisme, à un mouvement citoyen, à une mobilisation généreuse mais il ne donne pas un sens à une nation, une priorité à l’Europe, un ordre du monde. Au mieux c’est un apaisement conjoncturel. Au pire, une illusion sympathique».
Je souligne le dernier mot «sympathique» car il démolit ce qui est, à mon sens, la première raison au vide idéologique de nombre de militants PS (et des sympathisants sympathiques): le côté bobo, bisounours, la conviction que le monde va mal à cause des méchants (les banquiers, Sarkozy, les riches..) et qu’il suffit de rétablir des impôts et de la morale. Qu’il faille parler des «valeurs», sans doute. Mais je crains que Marx, et Hollande avec, n’ait raison et que ce discours sur la «citoyenneté», sur la dévotion aux autres, ne soit, au-delà de certains choix personnels admirables, que préchi-précha de dîners en ville et que cela ne conduise directement à la désillusion.
Il faut s’attaquer au cœur du système, aux «structures» économiques et sociales. Sur ce sujet, les socialistes sont creux. Leur seul discours est de dire qu’il faut changer le capitalisme et que cela passe par un gouvernement mondial. On l’entend sur la finance, sur les bonus, sur les rendements du capital etc... C’est une argumentation qui est juste mais qui est juste impossible: il n’y a pas de gouvernement mondial et il n’y en aura pas avant belle lurette. La compétition entre les Etat-nations est le modèle qui demeure et qui a été, contrairement aux espoirs émis lors des G20, renforcé par la crise. Alors? Alors il faut être modeste et commencer au niveau européen, disent les socialistes. Mais hélas, déjà à ce niveau, ça coince. La seule et unique politique sérieuse que devrait conduire le PS dans ce cadre, serait de s’entendre avec le SPD allemand. Mais l’arrogance socialiste française vis-à-vis de ces sociaux-démocrates «sociaux- traîtres» est telle qu’on n’en voit pas le début du commencement depuis trente ans!
Alors? alors, il faut bien en revenir à la France. Dans ce même petit livre déjà cité Jean Peyrelevade déplore: «la mauvaise habitude de toute la gauche française de s’abriter derrière les méfaits du capitalisme international pour ne pas traiter un certain nombre de faiblesses propres à la France qui sont ainsi masquées et ont donc toutes les chances de n’être jamais résolues». Et de souligner que la désindustrialisation est plus rapide en France qu’ailleurs, que notre pays accumule des mauvais scores sur l’emploi comme sur les déficits. Pourquoi? Il faudrait y répondre et ne pas se tromper de diagnostic. Or, les socialistes retournent en permanence à leur même indécrottable confort intellectuel d’opposer toujours et encore le capital et le travail, le méchant et le bon. Il serait temps d’arrêter par exemple la langue de bois sur la fiscalité: taxer les riches comme solution à tout. Sans doute, cette manie d’accuser les entreprises, par effet historique culbuto, a-t-elle quelque chose à voir avec la composition sociale d’un PS parti de fonctionnaires.
La vérité est que la pensée socialiste est aujourd’hui régressive. Tantôt dans l’utopisme bobo, tantôt dans une analyse sommaire qui voudrait combattre un capitalisme revenu aux temps durs du XIXième siècle par un socialisme lui aussi de cette époque, étatiste et fiscal. Il reste moins d’un an pour rompre avec ces faciles vacuités, pour découvrir que la société complexe, individualiste, mondialisée et technologique mérite des réponses modernes. Est-ce possible ?
Eric Le Boucher
lundi 30 août 2010
Le PS n'a aucun programme
Au secours ! Tout va trop vite !
L'homme contemporain remonte désespérément une pente qui s'éboule. Nous fonçons pour rester à la même place, dans un présent qui fuit sans cesse. Car si nous arrêtons une seconde de courir – après le travail, nos courriels, nos rendez-vous, nos obligations, notre argent, après le temps qui file – nous tombons. Dans le chômage, la pauvreté, l'oubli, la désocialisation.
Voilà le portrait du moderne, selon le sociologue allemand Hartmut Rosa. Le temps désormais s'accélère et nous dévore, comme hier Cronos ses enfants. L'accélération technique, au travail, sur les écrans, dans les transports, la consommation, a mené à l'accélération effrénée de notre rythme de vie. Puis a précipité le changement social. Rien n'y résiste.
Les métiers changent en quelques années, les machines en quelques mois, aucun emploi n'est assuré, les traditions et les savoir-faire disparaissent, les couples ne durent pas, les familles se recomposent, l'ascenseur social descend, le court terme règne, les événements glissent.
L'impression de ne plus avoir de temps, que tout va trop vite, que notre vie file, l'impression d'être impuissant à ralentir nous angoisse et nous stresse. Ainsi Hartmut Rosa, 45 ans, professeur à l'université Friedrich- Schiller d'Iéna, développe sa "critique sociale du temps" de la "modernité tardive" dans sa magistrale étude, Accélération (La Découverte).
Après les études inquiètes de Paul Virilio sur la vitesse, Hartmut Rosa examine la dissolution de la démocratie, des valeurs, de la réflexion, de notre identité, emportées par la vague de l'accélération. Entretien de rentrée, alors que déjà, tous, congés derrière nous, on se magne.
C'est la rentrée, le moment où on ressent avec le plus d'acuité la façon dont nos vies s'accélèrent. Nous avons même souvent le sentiment que les vacances se sont passées à toute allure. Comment expliquer ce sentiment d'urgence permanent ?
Hartmut Rosa : Aujourd'hui, le temps a anéanti l'espace. Avec l'accélération des transports, la consommation, la communication, je veux dire "l'accélération technique", la planète semble se rétrécir tant sur le plan spatial que matériel.
Des études ont montré que la Terre nous apparaît soixante fois plus petite qu'avant la révolution des transports. Le monde est à portée de main. Non seulement on peut voyager dans tous les coins, rapidement, à moindres frais et sans faire beaucoup d'efforts, mais on peut aussi, avec l'accélération des communications, la simultanéité qu'elle apporte, télécharger ou commander presque chaque musique, livre ou film de n'importe quel pays, en quelques clics, au moment même où il est produit.
Cette rapidité et cette proximité nous semblent extraordinaires, mais au même moment chaque décision prise dans le sens de l'accélération implique la réduction des options permettant la jouissance du voyage et du pays traversé, ou de ce que nous consommons. Ainsi les autoroutes font que les automobilistes ne visitent plus le pays, celui-ci étant réduit à quelques symboles abstraits et à des restoroutes standardisés.
Les voyageurs en avion survolent le paysage à haute altitude, voient à peine la grande ville où ils atterrissent et sont bien souvent transportés dans des camps de vacances, qui n'ont pas grand-chose à voir avec le pays véritable, où on leur proposera de multiples "visites guidées". En ce sens, l'accélération technique s'accompagne très concrètement d'un anéantissement de l'espace en même temps que d'une accélération du rythme de vie.
Car, même en vacances, nous devons tout faire très vite, de la gymnastique, un régime, des loisirs, que nous lisions un livre, écoutions un disque, ou visitions un site. Voilà pourquoi on entend dire à la rentrée : "Cet été, j'ai fait la Thaïlande en quatre jours." Cette accélération des rythmes de vie génère beaucoup de stress et de frustration. Car nous sommes malgré tout confrontés à l'incapacité de trop accélérer la consommation elle-même.
S'il est vrai qu'on peut visiter un pays en quatre jours, acheter une bibliothèque entière d'un clic de souris, ou télécharger des centaines de morceaux de musique en quelques minutes, il nous faudra toujours beaucoup de temps pour rencontrer les habitants, lire un roman ou savourer un air aimé. Mais nous ne l'avons pas. Il nous est toujours compté, il faut se dépêcher. C'est là un des stress majeurs liés à l'accélération du rythme de vie : le monde entier nous est offert en une seconde ou à quelques heures d'avion, et nous n'avons jamais le temps d'en jouir.
Selon vous, l'accélération de la vie se traduit par l'augmentation de plus en plus rapide du nombre d'actions à faire par unité de temps. C'est-à-dire ?
Ces jours-ci, les gens rentrent de congés et déjà tous, vous comme moi, se demandent comment ils vont réussir à venir à bout de leur liste de choses "à faire". La boîte mail est pleine, des factures nouvelles se présentent, les enfants réclament les dernières fournitures scolaires, il faudrait s'inscrire à ce cursus professionnel, ce cours de langue qui me donnerait un avantage professionnel, je dois m'occuper de mon plan de retraite, d'une assurance santé offrant des garanties optimales, je suis insatisfait de mon opérateur téléphonique, et cet été j'ai constaté que je négligeais mon corps, ne faisais pas assez d'exercice, risquais de perdre ma jeunesse d'allure, si concurrentielle.
Nous éprouvons un réel sentiment de culpabilité à la fin de la journée, ressentant confusément que nous devrions trouver du temps pour réorganiser tout cela. Mais nous ne l'avons pas. Car les ressources temporelles se réduisent inexorablement.
Nous éprouvons l'impression angoissante que si nous perdons ces heures maintenant, cela serait un handicap en cette rentrée sur les chapeaux de roue, alors que la concurrence entre les personnes, le cœur de la machine à accélération, s'aiguise.
Et même si nous trouvions un peu de temps, nous nous sentirions coupables parce qu'alors nous ne trouverions plus un moment pour nous relaxer, passer un moment détendu avec notre conjoint et nos enfants ou encore aller au spectacle en famille, bref profiter un peu de cette vie. Au bout du compte, vous voyez bien, c'est l'augmentation du nombre d'actions par unité du temps, l'accélération du rythme de vie qui nous bouscule tous.
En même temps, chaque épisode de vie se réduit…
En effet, la plupart des épisodes de nos journées raccourcissent ou se densifient, au travail pour commencer, où les rythmes s'accélèrent, se "rationalisent". Mais aussi en dehors. On assiste à une réduction de la durée des repas, du déjeuner, des moments de pause, du temps passé en famille ou pour se rendre à un anniversaire, un enterrement, faire une promenade, jusqu'au sommeil.
Alors, pour tout faire, nous devons densifier ces moments. On mange plus vite, on prie plus vite, on réduit les distances, accélère les déplacements, on s'essaie au multitasking, l'exécution simultanée de plusieurs activités. Hélas, comme nos ressources temporelles se réduisent, cet accroissement et cette densification du volume d'actions deviennent vite supérieurs à la vitesse d'exécution des tâches.
Cela se traduit de façon subjective par une recrudescence du sentiment d'urgence, de culpabilité, de stress, l'angoisse des horaires, la nécessité d'accélérer encore, la peur de "ne plus pouvoir suivre". A cela s'ajoute le sentiment que nous ne voyons pas passer nos vies, qu'elles nous échappent.
Nous assistons, dites-vous, à une "compression du présent", qui devient de plus en plus fuyant. Pouvez-vous nous l'expliquer ?
Si nous définissons notre présent, c'est-à-dire le réel proche, comme une période présentant une certaine stabilité, un caractère assez durable pour que nous y menions des expériences permettant de construire l'aujourd'hui et l'avenir proche, un temps assez conséquent pour que nos apprentissages nous servent et soient transmis et que nous puissions en attendre des résultats à peu près fiables, alors on constate une formidable compression du présent.
A l'âge de l'accélération, le présent tout entier devient instable, se raccourcit, nous assistons à l'usure et à l'obsolescence rapide des métiers, des technologies, des objets courants, des mariages, des familles, des programmes politiques, des personnes, de l'expérience, des savoir-faire, de la consommation.
Dans la société pré-moderne, avant la grande industrie, le présent reliait au moins trois générations car le monde ne changeait guère entre celui du grand-père et celui du petit-fils, et le premier pouvait encore transmettre son savoir-vivre et ses valeurs au second.
Dans la haute modernité, la première moitié du xxe siècle, il s'est contracté à une seule génération : le grand-père savait que le présent de ses petits-enfants serait différent du sien, il n'avait plus grand-chose à leur apprendre, les nouvelles générations devenaient les vecteurs de l'innovation, c'était leur tâche de créer un nouveau monde, comme en Mai 68 par exemple.
Cependant, dans notre modernité tardive, de nos jours, le monde change plusieurs fois en une seule génération. Le père n'a plus grand-chose à apprendre à ses enfants sur la vie familiale, qui se recompose sans cesse, sur les métiers d'avenir, les nouvelles technologies, mais vous pouvez même entendre des jeunes de 18 ans parler d'"avant" pour évoquer leurs 10 ans, un jeune spécialiste en remontrer à un expert à peine plus âgé que lui sur le "up to date". Le présent raccourcit, s'enfuit, et notre sentiment de réalité, d'identité, s'amenuise dans un même mouvement.
C'est septembre, nous reprenons le travail. Au début de l'été, le directeur général de France Télécom reconnaissait que le suicide d'un de ses employés était un accident du travail. Il y a eu près de cinquante suicides au sein du groupe depuis 2008. Comment en sommes-nous arrivés là ?
L'accélération au travail en est-elle la cause ?
Evidemment, pour l'économie capitaliste, que nous le voulions ou non, l'équation simple selon laquelle "le temps c'est de l'argent" se vérifie partout. Pour les employeurs, gagner du temps revient à améliorer leurs bénéfices, et ils y réussissent en accélérant la production et la circulation des biens, c'est-à-dire en faisant travailler ouvriers et employés plus vite, avec toutes les techniques de "gestion par le stress" qui vont avec.
Dorénavant, lorsqu'une entreprise ou une administration licencie des gens, cela ne signifie pas qu'il y a moins de travail à faire, mais que ceux qui restent en auront plus à réaliser. Tout cela conduit à une polarisation malsaine, bien montrée par les études de sociologie, entre ceux qui sont surchargés de travail et ceux qui sont exclus du système d'accélération par le chômage.
Car le chômage est aujourd'hui une forme de décélération forcée, et mal vécue. Cependant, ce n'est pas simplement parce que les gens ont beaucoup de tâches à faire et doivent travailler plus vite qu'ils tombent malades ou sont victimes de dépression. Ce qui fait aller vraiment mal, jusqu'au "burn-out" et au suicide, c'est le sentiment général de courir de plus en plus vite sans jamais aller nulle part et que la valeur de leur travail se déprécie rapidement.
Un être humain peut encaisser de grands efforts dans le but d'atteindre un objectif, ou de se construire une carrière où il déploiera un talent. Mais l'impression dominante des salariés actuels, au moins dans nos sociétés occidentales, c'est qu'ils doivent courir de plus en plus vite simplement pour faire du surplace, juste pour ne pas tomber du monde du travail, pour survivre…
C'est votre image du travailleur d'aujourd'hui, un homme courant sur un tapis roulant, s'épuisant pour rester immobile…
De nos jours, même en Allemagne les entreprises ont commencé à imposer la "flexibilité" au détriment des emplois stables. Des études récentes ont révélé une érosion constante des emplois durables depuis les années 1990, une réduction sensible de la durée d'emploi au sein d'une même entreprise, une augmentation des déplacements d'une entreprise à l'autre, une recrudescence des contrats à court et moyen terme.
Ajoutez la dérégulation des conditions de travail, les nouvelles formes d'emploi intérimaire, à temps partiel, à la maison, etc., qui renforcent cette impression d'insécurité professionnelle et de course vers nulle part. Si on ne court pas, nous en sommes persuadés, on décline, on perd en qualification, le chômage nous guette, la dépression, la misère.
A l'accélération technique, à celle des rythmes de vie, il faut ajouter une accélération sociale. Aujourd'hui, aucune situation n'est assurée, la transmission n'est pas garantie, le précaire règne. Il est symptomatique de constater que les parents ne croient plus que leurs enfants auront des vies meilleures que les leurs. Ils se contentent d'espérer qu'elles ne seront pas pires.
Il existe une autre raison pour laquelle les gens se sentent si mal, déprimés, voire suicidaires au travail. Régulièrement, les dirigeants des entreprises présentent de nouveaux projets, des stratégies pour gagner du temps et de l'argent, rentabiliser la production, dégraisser les effectifs. Ou encore, ils mettent en place de nouveaux outils informatiques plus performants, ou des concepts marketing présentés comme innovants, ou réorganisent les chaînes de travail, et ainsi de suite.
Les marchés financiers saluent ces mouvements comme autant de signes positifs d'activité. Mais très souvent, ces formes frénétiques d'accélération et de réorganisation ne procèdent pas d'un processus d'apprentissage à l'intérieur de l'entreprise, ou d'une meilleure utilisation des talents, il s'agit presque toujours de changements aléatoires, erratiques, caractériels, des changements pour le changement, dépourvus de sens.
Et comme la plupart du temps ils ne débouchent sur aucune amélioration réelle, ils accroissent le sentiment de dévalorisation et d'anxiété chez les travailleurs concernés. Dans le même temps, les directions d'entreprise entendent conserver leurs "normes de qualité", ajoutent toujours de nouvelles formes de classement, d'évaluation et de notation des employés, créant une tension supplémentaire qui finit par rattraper les dirigeants eux-mêmes.
Le résultat peut être observé dans presque toutes les sphères du travail contemporain, à tous les niveaux des entreprises. Les employés se sentent non seulement stressés et menacés, mais encore sous pression, désarmés, incapables de montrer leur talent, bientôt découragés. Voyez comme partout les enseignants se plaignent de ne plus avoir de temps pour apprendre à leurs étudiants, les médecins et infirmières pour s'occuper humainement de leurs patients, les chercheurs pour se concentrer sans être soumis à des évaluations permanentes.
D'où ce sentiment de courir sur un tapis roulant ou une pente qui s'éboule. Au final, nous éprouvons tous ce que le sociologue Alain Ehrenberg nomme la "fatigue d'être soi" (Odile Jacob, 1998) tandis que, constate-t-il, la dépression devient la pathologie psychique la plus répandue de la modernité avancée.
Le mois de septembre sera difficile en France comme en Europe, avec tous les plans d'austérité annoncés. Selon vous, la plupart des crises actuelles, écologiques ou économiques, sont liées à la désynchronisation induite par l'accélération générale…
La grave crise écologique actuelle est sans conteste une crise de désynchronisation. On épuise les ressources naturelles à un rythme bien plus élevé que la reproduction des écosystèmes tandis qu'on déverse nos déchets et nos poisons, on l'a vu cet été dans le golfe du Mexique, à une vitesse bien trop élevée pour que la nature s'en débarrasse.
D'ailleurs, le réchauffement de la Terre signifie littéralement qu'on accélère l'atmosphère, parce qu'une augmentation de la température équivaut à une augmentation de l'agitation des molécules qui la composent. Mais il existe d'autres formes de désynchronisation, tout aussi graves.
Je prendrai la désynchronisation entre la démocratie politique d'une part, et l'économie mondialisée d'autre part. Le débat politique prend du temps, il ne peut en être autrement pour qu'il reste démocratique. Il faut beaucoup de discussions, d'arguments, de réflexions, de délibérations pour construire un consensus politique dans une société pluraliste et organiser la volonté démocratique.
Par contraste, avec la mondialisation et l'accélération technologique, la vitesse de la transaction économique et financière s'accroît sans cesse. Le résultat immédiat est la désynchronisation des sphères politiques et économico-technologiques, que l'administration Obama a dénoncée à plusieurs reprises.
Depuis les années 1980, les néolibéraux ont tout fait pour réduire le contrôle politique et étatique sur le monde financier afin d'augmenter la vitesse des transactions économiques et des flux du capital. Nous connaissons le résultat, la désynchronisation radicale entre le monde des bénéfices instantanés de la finance assistée par la haute technologie, et celui de l'économie réelle, du logement, de la consommation, beaucoup plus lent.
Il a fallu que la bulle éclate pour parvenir à un ralentissement – en anglais, une récession économique est un slowdown – non seulement des flux de la finance, ce qui a failli aboutir à une débâcle du système bancaire, mais aussi de l'économie. Actuellement, suite aux risques d'effondrement consécutifs à la crise mondiale débutée en 2007, les politiciens se mobilisent.
Nous sommes dans la phase de re-synchronisation, et cela coûte une fortune aux Etats et aux populations qui doivent désormais subir un plan de rigueur sans précédent. Mais si on regarde de près, on constate que les politiciens n'arrivent à proposer que d'éteindre les feux ou de tenter d'installer des garde-fous à l'accélération financière comme à Wall Street.
L'accélération affecte aussi les actualités, les événements et même, dites-vous, la mémoire.
Il est frappant de constater combien des successions d'événements du mois précédent, ou de quelques jours auparavant, parfois même de quelques heures, auxquels nous donnions tant d'importance, qui nous semblaient chargés de signification, disparaissent de notre mémoire.
Parfois, ils ne semblent même pas laisser de trace. Ainsi, que reste-t-il de la Coupe du monde de football, cet été, ou de la crise européenne, il y a six mois, lorsque la Grèce s'est retrouvée au bord du défaut de paiement ?
Tous ces événements nous apparaissent déjà comme voilés par la brume de l'histoire accélérée. Ces épisodes ne semblent plus faire partie de nos vies, ils ne sont plus reliés à notre présent, encore moins à notre présence au monde. Ils ne nous disent plus rien sur ce que nous sommes, ils ne nous concernent plus ou si peu.
Notre époque se montre extrêmement riche en événements éphémères et très pauvre en expériences collectives porteuses de sens. Des épisodes aussi importants que la disparition de l'URSS ou la première guerre d'Irak appartiennent déjà à un passé lointain. L'histoire depuis s'est encore accélérée.
Si les premiers journaux quotidiens s'étaient donné pour objectif de nous offrir les "nouvelles du jour", ils ne suffisent plus aujourd'hui. Les médias d'information en continu comme CNN sont apparus, les "JT" sont réactualisés tout au long de la journée, nourris en permanence par un texte défilant donnant, minute par minute, les toutes dernières news. L'actualité du monde est devenue un flux constant de nouvelles offert 24 heures sur 24.
Ici encore, l'accélération technique contribue à celle du changement social. En effet, la diffusion de plus en plus rapide des informations induit des réactions de plus en plus rapides, que ce soit dans les marchés financiers ou dans les médias. La connaissance de l'état du monde à midi est déjà dépassée à 16 heures, la durée de vie d'une actualité se réduit jusqu'à tendre vers zéro, les journalistes ont à peine le temps de la décrire et l'analyser, les gens de la comprendre.
Au final, nous avons tous l'impression de vivre dans une instabilité permanente, un présent court où des faits rapportés en début de journée semblent avoir perdu toute leur valeur le soir même, et dont nous ne savons plus quoi penser…
L'accélération touche donc aussi notre capacité de comprendre notre époque en profondeur.
Oui, nous perdons notre emprise théorique sur le monde, la réflexion de fond régresse, nous n'arrivons plus à appréhender le sens et les conséquences de nos actions. Nous n'avons plus le temps de délibérer, de réfléchir, de formuler, de tester et construire des arguments. C'est pourquoi, en politique, le parti victorieux n'est plus celui qui présente les meilleurs arguments ou le meilleur programme, mais celui qui sera doté des images les plus frappantes.
Car les images vont vite, les arguments lentement. Ainsi, nous assistons au règne de l'opinion rapide, des décisions politiques réactives. Au règne de l'aléatoire et de la contingence : un seul aspect d'un problème important se voit retenu par les médias, souvent par hasard, ou parce qu'il fait réagir et donne des images, puis il devient peu à peu le sujet unique du débat.
Prenez le débat actuel sur l'islam en Europe. En France on ne parle plus que du voile, en Allemagne des minarets, un thème devient très vite le point central des analyses menées par les commentateurs, puis par les hommes politiques.
Ainsi, le point de vue illusoire et réactif, la doxa, n'est elle-même que la conséquence aléatoire d'une constellation d'événements eux-mêmes aléatoires. C'est pourquoi j'en arrive à comparer l'accélération sociale à une forme inédite de totalitarisme.
Elle affecte toutes les sphères de l'existence, tous les segments de la société, jusqu'à affecter gravement notre soi et notre réflexion. Personne n'y échappe, il est impossible d'y résister, et cela génère un sentiment d'impuissance.
Si l'Eglise catholique a été accusée de produire des fidèles enclins à la culpabilité, au moins proposait-elle du réconfort : "Jésus est mort pour porter vos péchés, vous pouvez en être absous par la confession et l'absolution." Rien de tel n'existe dans la société contemporaine. Nous n'échappons pas à l'accélération.
Le grand problème du spectacle politique, c'est l'ennui. Tout y est tellement prévisible avec ses répliques téléphonées, ses indignations programmées, ses tirades épuisées. De congrès de droite en congrès de gauche et de dimanche en dimanche, on pourrait s'amuser à écrire les textes à l'avance sans prendre le risque d'être démenti par les propos tenus. Mêmes images, même film, mêmes brochettes de tontons flingueurs (et tatas flingueuses) sur les prie-Dieu du premier rang. On baille.
Le discours de clôture de Martine Aubry à La Rochelle n'a pas échappé à la torpeur de ce registre ordinaire, finalement très consensuel, qui peine, décidément, à renouveler le genre. Attaques contre Nicolas Sarkozy avec l'aide du dictionnaire de rimes, cocoricos unitaires parfaitement incantatoires, promesses que la gauche fera - évidemment - mieux que la droite, espoir qui change de camp, forcément, etc. : la première secrétaire du Parti socialiste a puisé dans les classiques pour atteindre son objectif. Et elle y est parvenue : pour les JT, c'était parfait ! Du travail de professionnelle.
Ce lundi de rentrée est pour elle plus beau que samedi. Entre-temps, elle est apparue comme une vraie candidate pour les socialistes. Comme elle a du métier, elle a su faire comprendre à ses camarades concurrents (ou concurrents camarades) qu'elle n'était pas arrivée à la tête du parti simplement par défaut.
L'ancienne ministre du Travail n'a pas une âme d'intérimaire. Et « La dame des 35 heures », longtemps snobée par les siens, n'est pas du genre à choisir le temps libre plutôt que l'ambition. Elle a pris toute sa place. La voilà même qui se lâche en tribune - qui n'a pas toujours été son point fort - pour bien montrer qu'elle est bel et bien compétitive pour 2012. Moins à l'aise dans ce genre d'exercice, DSK, le Fmiste américain, aura compris qu'il a du souci à se faire. Est-ce le stress devant l'avènement d'une coriace rivale ? Ses amis ne sont même pas restés pour écouter la patronne. L'union ne va pas encore jusqu'à l'élégance.
Il y a bien eu des propositions. Beaucoup de propositions. Plus ou moins abouties, ce n'était pas le problème. Martine Aubry sait que le PS ne pourra pas se contenter de faire de l'opposition primaire. Dans une société que tout encourage dans son individualisme - y compris les politiques - la crédibilité fera la différence. Alors, proposons, camarades ! Si on en croit le sondage (Viavoice/Libération) publié la semaine dernière, qui montrait que 55 % des Français considéreraient que la gauche « ne ferait pas mieux que la droite », ce n'est pas gagné. Il ne sera pas si facile de prendre des parts de marché au Sarko Show avec des numéros déjà vus.
L'affaire serait pliée s'il suffisait de s'en tenir au rejet de Nicolas Sarkozy et à la prestation de Martine Aubry à La Rochelle. À l'abri du calendrier qui impose jusqu'aux primaires cette non-agression qu'on appelle l'unité, la première secrétaire du PS a joué habilement sur tous les tableaux. Patronne des socialistes elle était, chef de l'opposition elle est. Elle repart aussi avec le statut, non déclaré, mais plus affirmé, de présidentiable. En se projetant sur 2012 et en présentant aux Français, bien entendu au nom du parti, les grandes lignes du projet, elle incarne implicitement la candidature socialiste.
Bien joué, mais évidemment pas gagné, malgré l'embellie sondagière du PS. L'ascension à partir du camp de base de La Rochelle s'annonce périlleuse. La cordée socialiste risque de se désunir jusqu'aux primaires et rien ne dit que la course sera facilitée si elle est finalement rejointe par le guide DSK, venu de l'autre voie, celle de la finance internationale, modérément appréciée au PS et à gauche en général. Le vainqueur des primaires pourra compter sur une légitimité et une dynamique nouvelle, mais la crédibilité tant nécessaire ne sera pas assurée d'office.
Car le projet d'une « autre France » avec son catalogue de propositions, annoncé pour le printemps prochain, ne sera pas seulement délicat à négocier entre partenaires disparates. Sa noble ambition et sa cohérence risquent de se heurter à deux écueils dont les candidats du PS sont conscients : la gravité de la situation économique et le déroulé de plus en plus rapide et imprévisible des événements. Pas facile d'être porteur d'espoir, mais aussi de sang et de larmes.
La crédibilité sera à ce prix, mais sans certitude de victoire finale. Car, sauf accident industriel, toujours possible, Nicolas Sarkozy devrait être au rendez-vous. Nul ne sait dans quel état quand on voit sa faiblesse actuelle. Mais ses adversaires savent que tout président sortant dispose d'un avantage, surtout en période de crise. De surcroît, Nicolas Sarkozy a la capacité d'adapter discours et promesses aux situations du moment. La lutte de l'autre France contre un caméléon hyperréactif s'annonce serrée.
Il faut être né sous la benne et avoir eu pour tour Eiffel un chevalement et ses poulies, pour comprendre l'angoisse qui saisit les pays miniers quand la nouvelle de l'incident « au fond » courre entre les petites maisons comme vent mauvais. Le « fond », ce monde peuplé de lampes frontales, où des hommes nus dans la chaleur moite tapent avec leur marteau pneumatique dans les galeries boisées pour extraire le minerai. Ce monde où l'on chiquait le tabac par peur du grisou. Cet univers irréel d'yeux noirs, de muscles brillants de sueur où le courage forge les fraternités et les solidarités, dures comme la silice qui dévore les poumons. Monde de morts en sursis, trop souvent enterrés sous les amas de la richesse des autres.
La leçon d'espoir des trente-trois mineurs chiliens depuis les profondeurs de la mine de San José et la fierté heureuse de ce peuple qui n'a jamais eu que le cuivre pour horizon, nous fait l'effet d'une éclaircie de fraîcheur dans le ciel sombre de nos archaïques replis identitaires. Tous vivants ! Les rescapés des entrailles du désert andin se sont donné un chef pour très vite s'organiser et profiter des savoir-faire de tous avant d'affronter l'épreuve de la longue et terrifiante attente qui suivra l'euphorie. L'autorité quand elle est partagée et juste n'a pas besoin de roulements de tambours pour être efficace.
Au pays de la poésie, sur la terre des Nobel, Pablo Neruda, et Gabriela Mistral, du martyr Victor Jara, de la liberté piétinée par la dictature obscurantiste de Pinochet, on sait la souffrance et l'horreur. À Copiapo, à Atacama, à Chuquicamata, on a connu la guerre du cuivre et du lithium entre le Chili et la Bolivie? De là le bonheur des Chiliens en apprenant le miracle de la Cordillère.
Vous imaginez, un peuple tout entier qui danse dans les rues et qui chante son hymne national pour soutenir les mineurs emmurés ? Vous imaginez un pays à qui la voix de Luis, le leader du groupe, fait entendre la petite musique de l'espoir, un pays qui fond en larmes en écoutant la lettre d'amour du vétéran Mario à sa femme qu'il craignait de ne pas revoir. Non ? Vous avez du mal ? C'est peut-être que les plus emmurés ne sont pas ceux que l'on croît.
En quelques semaines estivales, l'opposition a acquis la conviction qu'elle pouvait l'emporter en 2012. Cette perspective est le résultat de trois facteurs : une politique qui trouble, déçoit ou exaspère ; une instrumentalisation trop suspecte du thème sécuritaire qui heurte les humanistes de tout bord ; et un travail de reconstruction des gauches qui relance leur dynamique.
En durcissant le ton au point de mettre mal à l'aise la droite humaniste, de respectables anciens Premiers ministres et nombre d'hommes d'Église, Nicolas Sarkozy facilite la tâche de Martine Aubry et d'Eva Joly, sans convaincre l'extrême droite, comme en attestent les sondages.
En opposant plutôt qu'en rassemblant, il donne à Dominique de Villepin des raisons politiques d'exister et ouvre un espace à Hervé Morin, ministre de la Défense en partance, qui rêve de compter les troupes centristes en 2012.
En isolant la majorité, au seuil d'une rentrée à hauts risques sociaux, en plein débat sur les retraites, et à hautes incertitudes économiques, le président de la République se met dans la plus mauvaise des configurations.
Cette seule possibilité d'une victoire de la gauche, dans vingt et un mois, accélère le travail de rassemblement à l'oeuvre chez les écologistes d'un côté, chez les socialistes de l'autre. On l'a mesuré à Nantes, il y a une semaine, à La Rochelle, ce week-end : l'idée de devoir gouverner ensemble les pousse soudain à privilégier la réussite collective sur les enjeux individuels, les convergences sur les désaccords.
Cette alternance reste pourtant théorique tant que ses acteurs n'auront pas déjoué trois dangers.
Primo, les enquêtes d'opinion montrent que Dominique Strauss-Kahn ou Martine Aubry sont davantage les bénéficiaires d'un rejet du sarkozysme que d'un désir de socialisme. Les Français souhaitent majoritairement un changement de politique, mais déplorent tout aussi majoritairement l'absence d'alternative crédible. Le discours bourratif, et médiatiquement intraduisible, de la patronne du PS, hier, à La Rochelle, n'est pas de nature à combler cette faiblesse.
Secundo, l'hypothèse d'une victoire ne peut qu'attiser la compétition entre ceux qui peuvent prétendre l'incarner. Que l'un grille la politesse à l'autre en imposant précipitamment sa candidature, et le PS risque de voir se rouvrir de mortelles blessures, à peine cicatrisées. En outre, elle ne peut que faire monter les enchères programmatiques et électorales avec les écologistes qui réclament plusieurs dizaines de circonscriptions.
Tertio et surtout, il faudra s'entendre sur ce qu'est un projet écolo-socialiste dans une France anémiée par la dette et la crise. Une rigueur de gauche serait-elle plus douce qu'une austérité de droite ? Où place-t-on le curseur budgétaire et fiscal pour financer la sécurité, l'école, l'environnement ou l'aménagement du territoire ? Quel degré d'engagement de l'État dans l'entreprise ?
L'esprit de justice et la promesse d'une autre gouvernance, dont on peut créditer la gauche, ne répondent pas à ces questions dont l'impréparation fut à l'origine, en 1983, d'une dévaluation et d'un plan de rigueur conduits par un certain Jacques Delors, le père de Martine Aubry, à l'époque ministre des Finances de François Mitterrand. Pour convaincre et surtout pour durer, il faudra alors une gauche très... adroite.
La parenthèse estivale se referme. C’est l’heure du retour aux affaires et par la même occasion du retour des affaires. Après quelques semaines de répit, les auditions dans le cadre des enquêtes sur l’affaire dite « Woerth-Bettencourt » viennent tout juste d’être relancées, et ce week-end deux nouveaux éléments ont remis en pleine lumière un dossier tentaculaire : la décision de Liliane Bettencourt de renoncer à faire de l’artiste François-Marie Banier son légataire universel, d’une part, et d’autre part, la possible saisine de la Cour de justice de la République sur les infractions présumées d’Éric Woerth, qu’envisagerait le procureur général près la Cour de cassation, selon Le Journal du dimanche.
Tout indique que ce domino judiciaire n’en est qu’à ses débuts. On compte ainsi à ce jour pas moins de quatre enquêtes préliminaires pour « atteinte à la vie privée et vol de documents », « blanchiment de fraude fiscale », « trafic d’influence », et enfin « financements politiques illégaux ». Quatre enquêtes donc, mettant principalement en cause une milliardaire, un ministre, un artiste, un gestionnaire de fortune, et conduites par deux magistrats qui manifestement se cherchent querelle… On pourrait dire de l’affiche qu’elle est complète si les effets délétères d’un tel mauvais feuilleton n’interdisaient toute légèreté.
Interrogé hier sur la possible saisine de la Cour de justice de la République, Laurent Fabius qui, après le procès du sang contaminé, sait mieux que personne les enjeux d’une telle procédure, a souhaité d’abord « une instruction sérieuse ». Un appel réconfortant de la part d’un membre de l’opposition. Car le « sérieux » est probablement ce qui manque le plus dans cette affaire où les enregistrements illégaux et les pressions politiques le disputent aux allégations sans preuves et aux ressentiments divers. Le Parlement abordera dans quelques jours l’examen de la réforme des retraites avant de préparer un budget rigoureux, sinon de rigueur ; puis viendra le temps de ce qui devrait être pour le gouvernement le dernier remaniement avant l’élection présidentielle de 2012. Que la politique fasse ; que la justice passe.
Florence Couret
dimanche 29 août 2010
Les allègements de charges n’ont que peu de répercussions sur l’emploi
Alléger les charges sociales pour favoriser l’emploi des moins qualifiés. Telle était l’ambition de la réforme de 2003, mise en place François Fillon, alors ministre de l’Emploi pour aider les entreprises qui n'étaient pas encore passées aux 35 heures. Mais les résultats sont plus que mitigés, selon la revue Economie et Statistique de l’Insee. La loi Fillon a détruit plus d’emplois qu’elle n’en a créés.
Au total, les entreprises qui n’avaient pas adopté les 35 heures et bénéficiaient donc d'allègements de charges ont créé ou préservé seulement 21.500 emplois. Dans le même temps, celles qui étaient passées aux 35 heures ont détruit pas moins 39.000 postes entre 2003 et 2005 pour compenser une hausse du coût salarial de 1,71%. Soit 17.500 emplois effectivement perdus.
Autre effet pervers : comme les réductions de charges sont réservés aux salaires inférieurs à 1,7 fois le Smic, les employeurs ont eu tendance à multiplier les contrats de moins de 35 heures. De quoi favoriser un peu plus la précarité…
L’union, l’union, l’union, scande le PS, sautant sur sa chaise tel un cabri ; l’unité, l’unité, l’unité, entonnait hier Ségolène Royal en ouverture de La Rochelle, et cette euphorie du « tous ensemble » qui saisit les socialistes montre, a contrario, qu’ils ne sont guéris de rien. L’incantation unitaire tient de l’exorcisme, du déni et de l’évitement. Exorcisme d’un affrontement inévitable aux primaires ; déni de la politique réelle, comme si l’ambition pouvait se vivre sans compétition, et la compétition sans le fiel ; évitement des vrais sujets, et c’est le plus problématique.
La gauche n’a pas perdu le pouvoir par défaut d’unité. Cette lecture n’arrange que les vaincus, qu’elle exonère de leurs manques. Royal n’est pas tombée victime de la trahison des éléphants mais s’est perdue dans ses ruptures avec la raison sociale-démocrate. Jospin n’a pas disparu dans l’explosion de la gauche plurielle, mais a provoqué celle-ci par ses rigidités, l’obsession de son bilan, l’incapacité à admettre les tensions sociales.
Aujourd’hui encore, l’unité n’est qu’un leurre, un slogan mou, une arnaque politique. On la brandit pour sanctionner les voix qui tranchent et qui dérangent. Elle vient empêcher les débats, incite à l’immobilisme, provoque les compromis tactiques et les facilités. L’impopularité même de Nicolas Sarkozy devient un piège pour la gauche, tant elle invite au confort de l’opposition en bloc, comme s’il suffisait de tenir en souriant, pour ne pas contrecarrer le rejet mécanique du Président…
En réalité, c’est de disputes que manquent les socialistes. Disputes de fond, sans médiocrités personnelles, mais forcément incarnées. Sur le primat sécuritaire, sur les équilibres financiers, sur les sacrifices sociaux, sur les égalités réelles… Aussi cruciales que les querelles des deux gauches ou les débats avec le PC avant 1981. Fondamentales quand la gauche doit parler à un pays énervé, en marge de l’évolution du monde, assiégé dans une Europe en déclin… Il ne faut rien éviter, et surtout pas ce qui fait mal, parce que l’exercice du pouvoir, ensuite, sera impitoyable…
Ces jours-ci, dans un livre collectif (Repartir du pied gauche, Libération/Flammarion) un vétéran de la gauche, compagnon de Rocard et de la CFDT, l’historien Jacques Julliard, porte le fer politique contre Dominique Strauss-Kahn: "La gauche ne saurait être représentée, lors de l’élection présidentielle, par un représentant de l’establishment financier", écrit-il, sans masquer sa cible. L’exclusive est contestable? Mais on doit la débattre, parce qu’elle existe dans les préventions d’une partie des gauches; parce qu’elle met en jeu tout le rapport de la gauche avec le capitalisme, ses institutions, ses réformes possibles, ses ruptures tenables… Ce débat-là, pour DSK lui-même, s’il veut en faire justice, vaut mieux qu’une adhésion sondagière à un homme providentiel, que mineraient des murmures et des ralliements contrits. Il faut des débats et de la douleur pour accoucher d’un autre monde. Les socialistes le savent-ils?
Claude Askolovitch
Dans quelques semaines, les Français assisteront à un spectacle inédit: un ancien Président de la République au prétoire. Les images feront le tour du monde. Ce sera le dernier acte public de l’animal le plus coriace de la vie politique française.
Jacques Chirac devra répondre de délits commis comme maire de Paris, il y a plus de quinze ans. Tous les partis faisaient alors travailler des collaborateurs payés par des collectivités locales. Tous avaient leurs bonnes oeuvres, même si le RPR, à Paris, a érigé ces pratiques en système. Le maire s’apprête à signer un accord avec Jacques Chirac et l’UMP, héritier du RPR.
Si le Conseil de Paris l’approuve, il n’y aura plus de plaignant. La Ville récupérerait le maximum de ce qu’elle aurait pu percevoir au terme d’une procédure. Elle obtiendrait entière réparation du préjudice subi par les contribuables. Cet accord, validé par d’éminents avocats, béni au plus haut niveau de l’Etat, permet de tourner la page d’un système aboli. La justice doit évaluer s’il y a délit.
Mais peut-être serons-nous privés du vrai procès d’un vieil homme. Les Français s’en plaindront-ils? Pas sûr. Ils ont leur opinion sur Jacques Chirac et son bilan politique. Mais ils veulent garder du respect pour l’institution qu’il a incarnée pendant douze ans. Ils ne sont dupes de rien mais se défient des Torquemada. Bertrand Delanoë permet, avec élégance, de sortir la politique du prétoire.
Les rendez-vous culturels de la rentrée
On peut avancer le pronostic sans risque : l'automne des expositions sera dominé par Claude Monet. Au Grand Palais, 175 de ses oeuvres sont réunies pour une rétrospective (22 septembre-24 janvier 2011). Elle s'annonce porteuse d'idées nouvelles sur le plus universellement célèbre des impressionnistes. La sélection est dense et relevée de toiles méconnues, qualités qui ne rendront que plus longues les files d'admirateurs. Pour essayer d'abréger un peu l'attente, pour la première fois de son histoire, le Grand Palais sera ouvert tous les jours, mardi compris.
De l'autre côté de l'avenue Winston-Churchill, au Petit Palais (21 octobre-16 janvier 2011), il y aura un autre impressionniste, bien moins illustre, l'Italien Giuseppe De Nittis (1846-1884). Cet observateur de la vie moderne, protégé de Manet et de Degas, mourut jeune et fut oublié. La preuve : sa précédente exposition à Paris date de 1886... Autre contemporain de Monet, Jean-Léon Gérôme sera au Musée d'Orsay (19 octobre-23 janvier 2011). Gérôme fut l'un des ennemis les plus résolus de l'impressionnisme et la coïncidence est plaisante : le peintre moderne et l'imagier académique se retrouvent à nouveau face à face.
Remontons le temps. L'art du XVIIIe siècle, qu'éclipsent d'ordinaire littérature et musique de cette époque, est, pour une fois, à l'honneur. Le Louvre lui consacre trois expositions, "Musées de papier - l'Antiquité en livres" (25 septembre-3 janvier 2011), "Le Louvre au temps des Lumières (11 novembre- 7 février 2011) et "L'Antiquité rêvée" (2 décembre-14 février 2011), qui traitera en grand du goût pour l'antique et du néoclassicisme en Europe. A compléter en se rendant au Musée Cognacq-Jay, qui s'interroge sur le genre du paysage dans ses rapports avec l'Antiquité et l'histoire à travers le cas de Tivoli, sa cascade et ses temples (18 novembre-20 février 2011).
Remontons plus loin. On aimerait que l'autre exposition du Grand Palais ait autant de succès que Monet. Son titre, "France 1500", est vilain, mais son sujet, les arts au temps de Charles VII et de Louis XII, fort intéressant. Plus de 200 oeuvres - sculptures, vitraux, tapisseries, orfèvreries, livres, retables, émaux - sont réunies pour l'occasion. Un chapitre est consacré à la circulation des oeuvres et des artistes venus du Nord - les Flandres - et du Sud - l'Italie. C'est une bonne manière de rappeler combien la notion d'art national ne convient guère à la situation française (6 octobre-10 janvier 2011).
Retour au XXe siècle. Le Musée d'art et d'histoire du judaïsme ressuscite Felix Nussbaum. Longtemps méconnu, Nussbaum est l'un des seuls à avoir peint, dans la clandestinité, la proscription et l'extermination des Juifs d'Europe. Dénoncé, il mourut à Auschwitz (22 septembre-23 janvier 2011).
Tout autre chose au Centre Pompidou : le cas Arman (22 septembre-10 janvier 2011). Il y aura 120 pièces pour répondre à cette question : comment l'artiste inventif et acerbe que fut Arman au temps du nouveau réalisme, qu'il a contribué à fonder, a-t-il pu devenir l'industriel qui inondait le marché de l'art de ses productions banalisées vingt ans plus tard ? Autant le premier Arman mérite toute l'attention, autant le second...
Prions pour que la même évolution ne gagne pas Gabriel Orozco, autre invité du Centre Pompidou (15 septembre-3 janvier 2011). Pour l'instant, l'artiste mexicain, né en 1962, est vif, aigu, narquois souvent. Autre vivant, autre narquois, lui aussi guetté par la diffusion de masse : l'artiste japonais Takashi Murakami dispose ses oeuvres actuelles dans les appartements du château de Versailles. Polémique garantie (14 septembre-12 décembre).
Reste la plus énigmatique des manifestations de la rentrée. Elle se tient au Musée du quai Branly et se nomme "Baba Bling" (5 octobre-30 janvier). Le sous-titre est moins crypté : "Signes intérieurs de richesse à Singapour". Ce qui explique Bling. Mais Baba ? A Singapour, "Baba" désigne les descendants des communautés chinoises venues dès le XIVe siècle dans le sud-est asiatique. Il y aura donc du mobilier, des textiles et des porcelaines qui hybrident éléments chinois et malais. Nouvelle occasion de réfléchir à la fertilité des métissages artistiques.
Face à cette abondance, les métropoles régionales ne peuvent lutter. La principale nouveauté est la réouverture du LAM, Lille Métropole Musée d'art moderne, d'art contemporain et d'art brut, à Villeneuve-d'Ascq, le 25 septembre.
Un peu plus loin, il y a Londres, où deux grandes expositions s'annoncent, les collections du musée de Budapest à la Royal Academy (25 septembre-12 décembre) et, surtout, la rétrospective Gauguin de la Tate Modern (30 septembre- 16 janvier).
samedi 28 août 2010
Ce que vous pensez des hypermarchés
Nos articles sur l'avenir de la grande distribution ont suscité beaucoup de réactions. Vous êtes souvent déçus par les hypermarchés. Nous publions une synthèse de vos commentaires.
En début de semaine, l'UFC Que Choisir révélait que seuls 83% des clients étaient satisfaits des grandes et moyennes surfaces. Trop de promotions, des publicités jugées mensongères et un manque de lisibilité des programmes figuraient parmi les critiques.
Des griefs repris par une dizaine de lecteurs, dont Hernie01. "Certaines promotions sont tellement bien rédigées qu'elles induisent les clients en erreur", constate l'internaute, pour qui "quand la direction constate que les clients alléchés commencent à manifester, des affiches "Erratum" sont vite apposées en divers lieux du magasin". "Ce qui m'agace le plus dans les supermarchés, ce sont les "promotions" de produits dans l'emballage desquels il y a 10 ou 20% de matière en moins", ajoute Ulysse65.
Autre habitude qui fait bondir les clients, le bouleversement perpétuel de l'organisation des rayons, "une pure technique commerciale pour nous obliger à acheter", résume Tiber62. "Personnellement, je ne vais presque plus dans ces grandes surfaces parce que (...) je ne trouve jamais les marchandises que j'étais venu acheter aux mêmes rayons. Je pense que c'est une façon de se moquer du client", estime Lemazet13.
"J'achète un minimum en supermarché"
Du point de vue financier, le mythe des grandes surfaces moins chères semble aussi s'effriter. "Faites un caddie de produits d'utilisation courante, vous vous retrouvez avec 200 euros d'achat mais pratiquement rien dans votre caddie!", regrette Amor. Comme les produits non plus ne sont pas à la hauteur, les internautes retournent vers les petits commerces. Pour Innocento, "au niveau des fruits et légumes, les hypermarchés sont submergés par des produits venus d'Espagne et beaucoup de consommateurs se dirigent de plus en plus vers des halles-fruits/légumes de quartier où l'on trouve davantage de produits cultivés en France". "J'achète un minimum en supermarché (...), sinon c'est marché, boulanger, etc., et le rapport qualité prix est sans nul autre pareil", affirme Viking.
Labyrinthiques, éloignées des centres villes, les hypermarchés impliquent aussi de se déplacer en voiture. Une contrainte de moins en moins acceptée par certains internautes. "J'habite Toulouse, les grandes surfaces sont en majorité dans les communes voisines. Certains articles de journaux disent que 40% du trafic sur la rocade est dû aux déplacements vers les centres commerciaux périphériques. Le centre ville pâtit de cette situation et encore plus les quartiers de la première couronne de Toulouse", commente Jean-Marie Bransoles. Du coup, "les grandes surfaces sont responsables des difficultés et de la disparition des petits commerces à peu près partout", déplore JeanLouis69.
Pas de zones de repos
Plus généralement, la grande distribution ne répond pas aux exigences d'un commerce plus humain et responsable. Le vieillissement de la population par exemple est peu pris en compte : Vue de haut reproche aux hypers "l'absence de zones de repos pour les handicapés et les personnes âgées" et "l'absence de toilettes au sein de l'espace avant les caisses (pour les petits enfants, les malades et les vieillards)", en bref "l'inhumanité de ces machines à consommer fondées plus sur l'envie émotionnelle instantanée que sur le vrai besoin raisonné". Pour Jacques Bury" la diminution de personnel avec l'apparition des caisses automatiques" est synonyme d'une déshumanisation croissante qui contribue "à l'augmentation du chômage des non diplômés". Marif rappelle lui que les hypermarchés sont aussi critiqués pour "les marges importantes qu'ils se font sur le dos des agriculteurs".
Pour toutes ces raisons, plusieurs lecteurs n'y mettent plus les pieds. "Je confirme ne plus fréquenter les grands hypers depuis 2-3 ans et me recentrer vers un supermarché de proximité, voire de retourner vers des artisans de quartiers, témoigne Berns06. Eux seuls peuvent conseiller selon vos goûts et ainsi vous fidéliser avec un accueil tout à fait personnalisé. L'artisan n'a pas droit à l'erreur sous peine de vous voir déserter son échoppe."
Ce qu’il y a de bon dans la déconnexion
En mai dernier, 5 neuroscientifiques américains ont passé 3 jours dans une région reculée du sud de l'Utah à faire du rafting sur le fleuve San Juan, à camper sur les plages et à faire de la randonnée dans les canyons, rapporte le New York Times (voir également l'interview de deux des protagonistes sur CNN). Contrairement aux vacances de monsieur Tout-le-Monde, celles-ci avaient un but : comprendre comment l'utilisation constante d'objets technologiques transforme notre manière de penser et de se comporter, et voir en quoi une retraite dans la nature sauvage pourrait inverser ces effets. La compréhension de l'impact sur le cerveau d'un fort usage des technologies en est encore à ses balbutiements, explique David Strayer, professeur de psychologie à l'université de l'Utah et spécialiste de la distraction des conducteurs.
Dans ce coin reculé et sauvage de l'Utah, les psychologues ont petit à petit abandonné leurs objets électroniques (ordinateurs et téléphones) et remisé leur connexion permanente. Mais le manque de connexion se fait vite sentir… A l'hôtel, avant de partir définitivement pour trois jours de randonnée déconnectée, l'un des participants, Art Kramer, directeur du Beckman Institute, un centre de recherche qui compte plus de 1000 scientifiques, allume une ultime fois son Blackberry pour prendre des nouvelles d'une importante subvention que ses équipes attendent.
La technologie redéfinit la notion de ce qui est urgent, estime l'un des chercheurs. À moins qu'elle ne redéfinisse un faux sentiment d'urgence, qui affecte la capacité des gens à se concentrer, lui répond un autre. En même temps, estime Art Kramer, les effets secondaires sont rares : pour sa part, la seule fois où la technologie l'a trop distrait était quand il était plongé dans la rédaction d'un papier sur son ordinateur et qu'il a oublié d'aller récupérer sa fille à l'école. Art Kramer essaye de se connecter pour obtenir des nouvelles de sa grosse subvention, sans plus y parvenir.
Ses collègues se moquent de sa dépendance, mais il est plus facile de voir les problèmes des autres que les siens. D'ailleurs de quoi souffrons-nous ? Dépendance ou pression ? N'est-ce pas plutôt le stress lié à ses responsabilités qui le conduit à tenter de se connecter en permanence, estime David Strayer, conciliant ?
Avant même de s'enfoncer dans le canyon, le groupe de chercheur se divise en deux clans. Ceux qui font valoir que l'utilisation des technologies peut causer de l'anxiété, inhiber la pensée profonde, et qui prennent déjà soin de se déconnecter régulièrement. Et ceux qui utilisent leurs gadgets sans réserve et partent sans être convaincus que le voyage leur apportera quelque chose.
LES VERTUS DE LA NATURE ?
Durant des moments de pause, les vacanciers discutent, notamment de l'étude de l'université du Michigan qui a montré comment les sollicitations urbaines agissent sur notre capacité d'attention. Pour autant la nature peut-elle régénérer un cerveau (et un corps) trop sollicité par le stress urbain ? C'est ce que laisse entendre une récente étude sur ce qu'on appelle déjà l'écopsychologie menée par Peter H. Kahn, montrant que l'environnement a un rôle sur notre stress et qu'un jardin ou quelques arbres sont plus reposants qu'un mur blanc ou qu'un écran de télévision. "Oui, heureusement que les vacances sont reposantes !", ironise l'un des participants.
Au bout de 3 jours de rafting et de randonnée, petit à petit, les vacanciers sont parvenus à se détendre, cessant de vérifier continuellement le téléphone qu'ils n'avaient plus dans la poche. Art Kramer ne pense plus au mail qu'il attendait. Tout le monde est plus réfléchi, plus calme. David Strayer explique que les voyageurs connaissent une phase de détente appelée le syndrome du troisième jour. Est-ce à dire que 3 jours de repos suffisent pour revenir à notre plein potentiel cognitif ?
De retour à l'hôtel, M. Kramer récupère son ordinateur. Il a reçu 216 e-mails, mais aucune nouvelle de la subvention. Le voyage ne les a pas transformés. M. Braver a récupéré son téléphone la veille au soir, et il remarque que souvent, il se tourne vers lui au moindre moment d'ennui… "Trop souvent, je l'utilise comme excuse pour avoir un comportement peu sociable". De retour à Saint Louis, il se promet de chercher à mieux comprendre ce qu'il se passe quand le cerveau se repose et souhaite utiliser l'imagerie médicale pour voir si les effets de la nature sur le cerveau peuvent être mesurés, voir reproduits, par la méditation par exemple.
Art Kramer quant à lui s'interroge pour savoir si le bien-être ressenti à l'issu de ces 3 jours est lié à l'expérience de la nature, à l'effort sportif ou à une combinaison des deux… Mais il reconnait également se mentir à lui-même en affirmant pouvoir écouter ce qu'il se dit pendant une réunion pendant qu'il consulte son ordinateur pendant une réunion. "Peut-être dois-je veiller à être plus attentif aux autres", conclut-il.
Sans savoir très bien comment ces courtes vacances ont eu un impact sur le cerveau, l'ensemble des participants est tout de même prêt à recommander à tout le monde de faire une petite pause de temps à autre. "Nous prescrivons bien de l'aspirine sans en connaître le mécanisme exact", conclut modestement Art Kramer.
A croire que quand il se repose, l'esprit est vraiment moins exigeant avec lui-même.
Zone euro : les économistes jugent trop faible le volume des crédits accordés aux entreprises
Les prêts accordés au secteur privé ont progressé en juillet dans la zone euro selon les dernières données de la BCE. Mais les économistes estiment que, pour les entreprises, cette progression n'est pas assez significative. Des doutes persistent sur la croissance.
La croissance des prêts accordés au secteur privé dans la zone euro s'est accélérée en juillet, a annoncé jeudi la Banque centrale européenne. Ces prêts ont progressé de 0,9% en glissement annuel, un rythme supérieur à la hausse de 0,5% anticipée par les analystes.
Les prêts aux ménages ont augmenté de 2,8% en juillet, comme le mois précédent. Les crédits immobiliers ont accéléré avec une progression de 3,5%. Cependant, l'évolution des prêts aux sociétés reste toutefois négative avec une baisse de 1,3% sur un an, après un recul de 1,6% en juin.
"Aucun retournement de tendance n'est en vue" pour les crédits accordés aux entreprises, essentiels pour alimenter la croissance économique, a précisé Michael Schubert, de Commerzbank.
La masse monétaire M3 a quant à elle enregistré une croissance de 0,2% en rythme annuel, alors que les analystes attendaient +0,3%.
La moyenne mobile sur trois mois de la masse M3 ressort en hausse de 0,1%. Cette moyenne évolue ainsi toujours très en deçà du taux de référence de 4,5% fixé par la BCE et au-dessus duquel la banque centrale perçoit un risque pour la stabilité des prix à moyen terme.
"L'évolution de M3 ne révèle toujours aucune tendance inflationniste. L'octroi de crédit reste faible et la BCE ne devrait donc pas avoir à augmenter ses taux dans un futur prévisible", a expliqué Thilo Heidrich de Postbank.
"Avec des conditions de crédit toujours tendues et de nombreuses banques périphériques (de pays considérés comme fragiles en zone euro) toujours vulnérables, la BCE va devoir maintenir sa politique exceptionnelle pendant encore un bon moment", conclut Ben May, de Capital Economics.
Le PIB britannique enregistre sa plus forte croissance depuis plus de neuf ans
L'Office national de la statistique (ONS) a révisé à la hausse ses chiffres pour la croissance du PIB britannique pour le deuxième trimestre. Le pays a enregistré son plus fort rythme de croissance en plus de neuf ans.
Au Royaume-Uni, le produit intérieur brut (PIB) a crû de 1,2% au deuxième trimestre. Sa croissance en première estimation était évalué en hausse de 1,1%; une croissance bien plus importante qu'au premier trimestre 2010, avec une hausse de seulement 0,3%.
Les données révisées de l'ONS, publiées dernièrement, ont montré que le secteur de la construction pouvait ajouter 0,1 point de pourcentage au PIB.
En variation annuelle, la production intérieure britannique a elle aussi été corrigée à 1,7% au lieu de la hausse de 1,6% annoncée en première estimation.
Les dépenses des ménages ont progressé de 0,7%, sur le trimestre et de 1% sur l'année, soit leurs plus fortes hausses depuis le premier trimestre 2008, après avoir reculé de 0,1% au premier trimestre 2010.
Comment bien placer vos liquidités ?
Les taux n'ont jamais été aussi bas. Pour autant, il reste quelques solutions pour placer votre argent à court terme. Le point complet sur toutes les solutions qui s'offrent à l'épargnant.
Le nouveau taux de rémunération des livrets défiscalisés à 1,75% va certes permettre aux particuliers détenant ce type de placements monétaires de gagner plus que l'inflation, qui tourne actuellement autour de 1,50 %. Pour autant, le rendement n'est toujours pas vraiment palpitant : il est donc inutile de vous précipiter.
Même si la situation est meilleure qu'auparavant, vous n'avez pas intérêt à immobiliser de trop fortes sommes sur les placements à court terme. « Les particuliers doivent détenir entre deux et six mois de revenus sous forme de placements liquides, la proportion dépend de leur appétence pour le risque et de leurs besoins financiers », conseille un gérant de patrimoine. Lorsque les taux à court terme, aujourd'hui proches de zéro, flirtaient avec les sommets, il était rentable de ne pas respecter cette règle. Mais désormais placer une large part de votre épargne sur des produits de trésorerie, revient à minorer très fortement son rendement global. « Les épargnants ont connu une situation exceptionnelle à la fin 2008, durant laquelle les taux d'intérêt à court terme étaient supérieurs aux taux d'intérêt à moyen terme. Désormais, c'est l'inverse. Il y a donc une prime assez forte en faveur des placements plus longs », confie Benoît Gommard, directeur général de Cortal Consors. Pour preuve, l'Eonia et l'Euribor, taux du marché interbancaire qui déterminent le rendement des produits monétaires, vont rester inférieurs à 1 % au moins jusqu'à la mi-2011.
Assurance-vie en euros
Si vous voulez gagner davantage avec vos liquidités, il vaut mieux opter pour des placements dont l'horizon est plus éloigné, ce qui nécessite également une période d'immobilisation plus longue. Première piste : épargner sur un contrat d'assurance-vie. À condition de placer des sommes sur le fonds en euros de ce contrat, vous êtes certain de ne prendre aucun risque en capital. Même si les rendements de ces placements ont tendance à diminuer chaque année, les fonds en euros devraient rapporter en 2010 entre 3,5 % et 4 %. Inutile d'attendre huit ans pour effectuer des retraits, car l'argent placé sur une assurance-vie est disponible à chaque instant. Simplement, si vous avez dépassé huit ans de détention, l'investissement sera fiscalement moins pénalisé, car, dans ce cas, vous ne paierez que 7,5 % de prélèvements sur les plus-values (après abattement de 4.600 euros pour un célibataire). Et même si votre contrat n'a que quatre ans, la taxation forfaitaire de 15 % continue de rendre un placement sur le fonds en euros plus rentable que sur bien des super livrets.
Plan d'épargne logement
Seconde piste pour placer votre épargne : le plan d'épargne logement (PEL), qui rapporte 2,50 % net. À condition d'attendre deux ans de détention, vous pourrez sortir de ce placement avant terme, en perdant les droits aux prêts et la prime d'État. En contrepartie, votre épargne sera rémunérée à 2,20% net, après prélèvements sociaux. Franchement intéressant pour un placement sans aucun risque.
Franck Pauly
SUCCESSION DE FRANÇOIS FILLON - Christine Lagarde est la préférée des Français
Deux sondages, une même tendance. Christine Lagarde aurait davantage la préférence des Français que Michèle Alliot-Marie ou Jean-Louis Borloo parmi les personnalités citées pour éventuellement succéder à François Fillon au poste de Premier ministre à l'automne.
Dans un sondage Ipsos/Le Point* paru jeudi, la majorité des Français - 54 % - ne souhaite pas que François Fillon soit remplacé lors d'un remaniement. Mais, s'il doit quitter Matignon malgré tout, les deux personnalités préférées de l'ensemble des sondés pour le remplacer sont Christine Lagarde, ministre de l'Économie, et le maire de Bordeaux, Alain Juppé, tous deux en tête avec 17 % chacun, talonnés par Michèle Alliot-Marie, avec 16 % des voix, et par Jean-Louis Borloo, avec 15 %.
Les sympathisants UMP plébiscitent Christine Lagarde
Une autre enquête Ifop pour Sud-Ouest Dimanche** montre que 42 % des Français estiment que Mme Lagarde "ferait un bon Premier ministre", contre 41 % pour Michèle Alliot-Marie et 30 % pour Jean-Louis Borloo. Chez les sympathisants UMP, la ministre de l'Économie est créditée de 64 % d'opinions favorables, contre 61 % pour la garde des Sceaux et 40 % pour le ministre de l'Écologie.
*Sondage réalisé par téléphone sur un ensemble de 948 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, entre le 20 et le 21 août 2010.
**Sondage réalisé les 26 et 27 août 2010 par téléphone au domicile des personnes interrogées sur un échantillon de 957 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
Ah que c'est beau les professions de foi d'unité ! Les promesses adolescentes. Ségolène et Martine. Martine et Ségolène. Salut les copines. Elles sont des amies, pour la vie. Enfin... pour deux ans, officiellement. Une alliance sacrée contre le loup de l'Élysée qui doit résister à tout. Aux ambitions contrariées, aux rancoeurs, aux rancunes. Les déclarations d'abnégation sont tellement plus intenses quand elles sont faites devant une forêt de caméras et de micros tendus pour immortaliser ces instants d'éternité. Si je mens, je vais en enfer, etc. Les vieux routiers du circuit connaissent la musique...
Il ne manquait vraiment que le feu de bois et les carnets de chants hier à la Rochelle. Des scènes surréalistes pour tous ceux qui avaient assisté aux déchirements du congrès de Reims, il y a vingt mois. Décidément, tout est possible en politique... même l'extinction des haines les plus durables. Quand les intérêts sont communs, on peut tout effacer, tout oublier, tout mettre en pause, le temps qu'il faut.
Entendre Ségolène Royal entonner le refrain du rassemblement, suggérer qu'il n'y a pas une feuille de papier à cigarettes entre elle et la première secrétaire fait un peu sourire, tout de même. L'ancienne candidate ne manque pas une occasion de se démarquer de la direction du parti. Et de faire ouvertement bande à part. Il n'y a pas trois jours, elle faisait encore écouter sa différence sur la sécurité et sur la stratégie à adopter dans la critique de Nicolas Sarkozy. Elle se réservait même le droit de reprendre sa liberté en cas de primaires déloyales. Mais avec le culot d'enfer qui la caractérise, elle parvient aujourd'hui à jouer sur les deux tableaux.
Ségolène et Martine ont mis en scène leur affection nouvelle parce qu'elles savent l'une et l'autre que le moindre discours diviseur serait mortel. Pour le moment, le plus rentable, c'est de jouer collectif. Pour le moment. Mais après ?
Le romantisme de La Rochelle peine à faire oublier que l'unité retrouvée reste artificielle. Les rivalités sont seulement mises en sourdine et le poison des sondages montrant que chacun des prétendants - même François Hollande - peut battre Nicolas Sarkozy, risque de faire peu à peu son œuvre. Autrement dit, personne ne voudra lâcher le morceau.
Conscient du danger, le PS en est encore à scénariser ses bises de réconciliation avant d'avoir réussi à démontrer qu'il avait trouvé une ligne commune. Cette incapacité à définir une vision partagée reste une bombe à retardement.
Olivier Picard
La vie sociale de la fourmi éclairée par le séquençage de son génome
Le génome de la fourmi a été entièrement séquencé par des chercheurs américains, ce qui apporte un nouvel éclairage aux comportements sociaux exceptionnellement développés de ces insectes et peut contribuer à percer les secrets de la longévité.
"Les fourmis sont des créatures extrêmement sociales et leur capacité de survie dépend de leur groupe d'une manière très similaire aux humains", observe Danny Reinberg, professeur de biochimie au Centre médical Langone de l'Université de New York, responsable d'un projet de recherche publié dans la revue Science parue vendredi.
Après l'abeille domestique en 2006, le séquençage du génome de la fourmi, entamé en 2008, est le second portant sur une famille d'insectes vivant en colonie.
"Qu'elles soient travailleuses, soldats ou reines, les fourmis sont un modèle de recherche idéal pour déterminer si l'épigénétique influence le comportement et le vieillissement", poursuit le chercheur.
L'épigénétique étudie comment l'environnement et l'histoire individuelle influent sur les gènes, et plus précisément l'ensemble des modifications génétiques transmissibles d'une génération à l'autre.
Le professeur Reinberg cherche à comprendre comment l'épigénétique agit sur la longévité dans certaines fourmilières où les reines vivent jusqu'à dix fois plus longtemps que les fourmis travailleuses. L'espérance de vie de ces dernières varie de trois semaines à un an tandis que la reine peut vivre plusieurs années.
Les fourmis, dont le génome a été séquencé, appartiennent à l'espèce dite de "fourmi sauteuse de Jerdon" et à celle appelée "fourmi du charpentier de Floride".
"L'étude des génomes de ces deux espèces de fourmi était fascinante car elle a révélé les différents comportements et rôles joués par les travailleuses", relève le Dr Reinberg.
"Puisque toutes les fourmis de la colonie naissent avec le même code génétique, les différents branchements neuronaux qui déterminent le comportement correspondant à chaque rang social doivent être contrôlés par des mécanismes épigénétiques", déduit ce chercheur.
L'épigénétique détermine quels sont les gènes qui sont activés dans les cellules et comment une modification génétique peut se transmettre dans les futures générations de cellules, explique-t-il.
Selon lui "ces travaux sur le génome de la fourmi pourraient aider à mieux comprendre les effets de l'épigénétique sur les fonctions du cerveau humain".
Environ 20% des gènes des deux espèces de fourmi sont uniques tandis que quelque 33% sont identiques à ceux des humains.
La recherche a déterminé que le génome de la "fourmi du charpentier de Floride compte environ 240 millions de paires de base --éléments de base de l'ADN-- tandis que celui de la fourmi sauteuse en totalise 330 millions, soit 10% du génome humain.
Les chercheurs ont découvert que le génome de la fourmi du charpentier avait 17.064 gènes, contre 18.564 pour la fourmi sauteuse. Comparativement, le génome humain est formé de quelque 23.000 gènes.
Les fourmis sauteuses vivent dans de petites colonies. Quand la reine meure, des combats éclatent entre les ouvrières jusqu'à ce qu'une nouvelle souveraine s'impose.
Les auteurs de l'étude ont trouvé chez ces nouvelles reines, qui vivent plus longtemps que leurs ouvrières, davantage de protéines liées à la longévité et de télomérases, une enzyme réparatrice de chromosomes.
"Il reste désormais à manipuler le génome de ces fourmis pour déterminer la fonction spécifique des gènes liés au vieillissement et au comportement", commente Roberto Bonasio, un des chercheurs.
vendredi 27 août 2010
Le PS ne retombera pas dans les divisions, selon Fabius
L'ancien Premier ministre socialiste affirme que "priorité sera donnée à l'unité" lors de la désignation du candidat à la présidentielle de 2012.
L'ex-Premier ministre Laurent Fabius se dit convaincu que le PS ne retombera pas dans les divisions lors de la désignation de son candidat pour 2012 et confirme l'existence d'un pacte tacite de non-agression avec Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn "et d'autres dirigeants".
"Nous avons été tellement douchés par les divisions passées que nous ne retomberons pas dans ce travers", assure le leader socialiste dans un entretien au Monde daté de samedi 28 août.
"Cela se passera bien"
Interrogé sur l'existence d'un pacte entre lui-même, Martine Aubry et Dominique Strauss-Khan, le député de Seine-Maritime explique vouloir, "avec Martine, Dominique et d'autres dirigeants gagner la présidentielle, non pas faire un tour de piste".
"Sans avoir besoin de document écrit déposé chez notaire, nous partageons depuis plus de deux ans une cohérence politique et une concertation des intelligences. Nous savons toute l'importance de l'unité. Dans ce contexte, nous n'allons pas, tels les héros d'Homère, nous défier les uns les autres. J'ai donc le savoureux regret de dire à nos adversaires que cela se passera bien", dit Laurent Fabius.
Pour lui, cette entente préalable n'entre pas en contradiction avec l'idée de primaires car "il y aura sans doute d'autres candidats, des discussions, des débats". "Mais, insiste-t-il, en ce qui nous concerne, d'entrée de jeu, priorité sera donnée à l'unité".
Chirac: coupable arrangement
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La nouvelle arme de l'ONU contre les pirates : Jack Lang
Décidément infatigable, Jack Lang, qui aura 71 ans le 2 septembre, a été nommé, jeudi, conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, pour les questions juridiques liées à la piraterie au large de la Somalie. Il avait été un temps question, l'an dernier, que le député du Pas-de-Calais fût nommé ambassadeur de France à l'ONU, mais cette idée avait fait long feu, soit qu'elle ait finalement été abandonnée par Nicolas Sarkozy, soit que l'intéressé ne l'ait pas trouvée suffisamment intéressante. Par la suite, le président de la République l'avait choisi comme émissaire spécial successivement à Cuba, puis en Corée du Nord.
Pour expliquer la nomination de Jack Lang, le porte-parole de l'ONU Martin Nesirky a mis en avant les compétences du député français en droit international. De fait, ce socialiste s'était d'abord fait connaître comme un juriste éminent, agrégé de droit public et professeur de droit international. L'ancien ministre de la Culture de François Mitterrand sera chargé "d'identifier de nouvelles mesures pouvant être prises pour aider les États, notamment ceux de la région, à poursuivre en justice et incarcérer les personnes qui se livrent à la piraterie." Le porte-parole a ajouté que Jack Lang devra "étudier dans quelle mesure les États de la région sont prêts à accueillir sur leur sol d'éventuels nouveaux mécanismes judiciaires dont la création a été envisagée par M. Ban dans son dernier rapport." Dans ce texte, publié le 20 août, le secrétaire général de l'ONU propose les options suivantes :
- Consolidation de l'aide de l'ONU pour renforcer les capacités des États de la région en matière de poursuite et d'incarcération des personnes responsables d'actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes somaliennes.
- Mise en place d'un tribunal somalien siégeant sur le territoire d'un État tiers de la région, avec ou sans la participation de l'ONU.
- Mise en place d'une chambre spéciale relevant de la juridiction d'un ou de plusieurs États de la région, sans participation de l'ONU.
- Mise en place d'une chambre spéciale relevant de la juridiction d'un ou de plusieurs États de la région, avec la participation de l'ONU.
- Création d'un tribunal régional sur la base d'un accord multilatéral entre États de la région, avec la participation de l'ONU.
- Création d'un tribunal international sur la base d'un accord entre un État de la région et l'ONU.
- Mise en place d'un tribunal international par une résolution du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies.
Le Conseil de sécurité de l'ONU, dans sa résolution 1918 d'avril 2010, avait appelé l'ensemble des États à criminaliser la piraterie et à durcir les lois destinées à juger et emprisonner les pirates interpellés au large des côtes somaliennes.
Lors d'une réunion sur la piraterie mercredi, le Conseil a pris acte de ces propositions, sans choisir entre elles, et s'est félicité de la création du poste de M. Lang.
L'ambassadrice américaine Susan Rice, qui représente les États-Unis à l'ONU, a adoubé le nouveau représentant spécial, dans un communiqué diffusé jeudi, dans lequel elle dit "se réjouir de collaborer étroitement avec lui et de pouvoir coordonner nos efforts"
Jack Lang a indiqué, de son côté, qu'il travaillerait en étroite coopération avec le Groupe de contact sur la piraterie au large des côtes somaliennes.
Il a ajouté au micro d'Europe 1 : "Je ne suis pas un spécialiste de la piraterie. Mais je suis un spécialiste du droit de la mer." Dans un grand livre d'entretien biographique (Demain comme hier, Entretiens avec Jean-Michel Helvig, Fayard) publié l'an dernier, Jack Lang n'aborde nullement cette "spécialité", le droit maritime ne semblant pas appartenir aux centres d'intérêt qu'il souhaitait alors mettre en avant. Aujourd'hui, l'élu socialiste détaille sa vision. Selon lui, il convient d'"essayer d'imaginer des solutions juridiques pratiques qui permettent d'être beaucoup plus efficaces dans la poursuite, l'arrestation et le jugement des pirates (...). La piraterie est un symptôme. Il faut s'attaquer à la source même de la piraterie, la pauvreté, l'instabilité, la présence de plus en plus importante d'Al-Qaeda au sud de la Somalie."
Laurent Fabius : "L'insécurité est la rente viagère de Nicolas Sarkozy"
Une méthode pour gagner en 2012. C'est ce que livre Laurent Fabius dans un entretien au Monde – dont voici quelques extraits –, à l'ouverture de l'université d'été du PS à La Rochelle. L'ancien premier ministre définit son rôle comme "sage, actif et unitaire". Il qualifie la politique de M. Sarkozy de "gesticulatoire", en démonte les ressorts et appelle à définir un projet fondé sur "le triptyque effort- progrès-justice".
L'Eglise s'est indignée, Martine Aubry n'aurait-elle pas dû s'exprimer plus tôt sur l'offensive sécuritaire de M Sarkozy ?
Evitons d'appeler "sécuritaire" cette action. Pour 90 % des Français, ce terme signifie "qui apporte de la sécurité". Or, depuis 2002 où il a choisi d'en faire son thème central avec une pléthore de lois et de discours scénarisés, M. Sarkozy n'a pas apporté de progrès en matière de sécurité.
Au contraire, l'insécurité est, politiquement, sa rente viagère. Ce n'est donc pas une politique "sécuritaire", c'est une politique incendiaire. Au lieu d'agir efficacement, les ministres polémiquent et s'en prennent systématiquement aux autres : aux maires, aux étrangers, à la crise, aux bien-pensants, à Saint-Germain des Près. Ne manque plus dans leurs propos que Léon Blum et sa vaisselle d'or.
Pourquoi la gauche continue-t'elle à souffrir d'un déficit de crédibilité sur cette question de la sécurité ?
Parce que ces gesticulations électoralistes ne sont pas sans effets. Elles ont enfoncé chez beaucoup l'idée fausse que la gauche était du côté des délinquants et pas des victimes. L'imbécillité d'une telle imputation la dispute à la mauvaise foi (...).
Comment inverser l'opinion ?
En démontant les mécanismes et en contre-proposant. La gesticulation sarkozyste, c'est à la fois une aptitude, une habitude et une habileté. Comme un joueur de casino qui double la mise pour se refaire, M. Sarkozy veut aller toujours plus loin dans les fausses promesses, en espérant qu'on oubliera les vrais résultats. La gauche doit déconstruire ce système et assortir ses critiques légitimes de propositions sérieuses. C'est toute la question de notre projet, qui doit reposer sur le triangle fondamental : effort-progrès-justice.
Existe-t-il vraiment un pacte entre Martine Aubry, Dominique Strauss-Kahn et vous ?
Avec Martine, Dominique et d'autres dirigeants, nous voulons gagner la présidentielle, non pas faire un tour de piste. Sans avoir besoin de document écrit déposé chez notaire, nous partageons depuis plus de deux ans une cohérence politique et une concertation des intelligences. Nous savons toute l'importance de l'unité. Dans ce contexte, nous n'allons pas, tels les héros d'Homère, nous défier les uns les autres. J'ai donc le savoureux regret de dire à nos adversaires que cela se passera bien.
Propos recueillis par Françoise Fressoz et par Sophie Landrin