Le plus expérimenté des ministres d'Angela Merkel explique en exclusivité aux « Echos » en quoi le programme budgétaire allemand peut soutenir la consommation.
Vous participez au Conseil des ministres français. Que voulez-vous dire au gouvernement ?
Le président de la République et la chancelière fédérale ont des contacts étroits, courants, fréquents. La lettre par laquelle le président m'a invité précise que le Conseil des ministres traitera de la position française dans le groupe de travail dirigé par Herman Van Rompuy [sur le renforcement de la gouvernance économique dans l'Union européenne, NDLR]. Je suis invité à participer à ce débat parce que nous travaillons à une position commune. Nous avons déjà indiqué que nous la transmettrions aux membres de la « task force », après la réunion qui s'est tenue lundi de la semaine dernière. Et c'est ce que nous allons faire aujourd'hui. Puis nous débattrons du renforcement du pacte de croissance et de stabilité.
Que souhaitez-vous ?
La question, c'est comment rendre le pacte plus efficace qu'il ne l'est aujourd'hui, à l'intérieur des traités existants. Mais il est aussi clair que nous devons en outre faire d'autres propositions, éventuellement en acceptant des modifications des traités. Il y a chez nos partenaires un certain scepticisme à l'égard de possibles modifications. Beaucoup disent que c'est un processus de longue haleine. Mais si nous considérons que nous ne pouvons nous limiter à des mesures financières, mais devons aussi prendre en ligne de compte des instruments non financiers, comme la perte temporaire des droits de vote, pour faire en sorte que les Etats-membres respectent le pacte, alors des modifications des traités sont nécessaires. Nous sommes d'accord que les avertissements en cas d'évolution dangereuse doivent être lancés plus tôt, que nous devons avoir une procédure de surveillance plus efficace, et que nous devons élargir notre boîte à outils, afin d'inclure les fonds européens dans la réflexion. Celui qui ne se tient pas aux règles communes court le risque d'être désavantagé dans l'utilisation des fonds européens.
Comment jugez-vous les plans de rigueur du Royaume-Uni et de la France ?
Nous évaluons les mesures des différents Etats membres, toujours et encore, au sein de l'Ecofin. Personne n'a mis en doute que les décisions prises par le gouvernement britannique sont vraiment impressionnantes. Tout le monde a pris connaissance avec grand respect des mesures que la France a annoncées et est sur le point de mettre en oeuvre. Cela ne va pas se passer sans débat de politique intérieure - comme dans tous les pays, y compris l'Allemagne. La réduction des déficits est dans la plupart des pays d'abord populaire, tant qu'elle n'est pas concrète. Quand les choses se précisent, cela devient plus difficile.
L'économie allemande semble se redresser plus vite que dans d'autres pays européens. Craignez-vous dans les années à venir une croissance molle dans l'Union européenne ?
La bonne évolution actuelle de l'économie allemande et, avant tout, la surprenante bonne tenue du marché du travail démontrent précisément que le chemin à suivre, ce sont les réformes structurelles. On doit regarder la situation dans chaque pays. Chacun a des structures différentes, des expériences différentes. Mais nous sommes totalement convaincus qu'une réduction des déficits publics mesurée, propice à la croissance, ne met pas cette dernière en danger, mais à long terme la stimule plutôt. Il y a là un large consensus. Parce qu'il y avait ce consensus parmi les Européens, nous avons pu nous imposer avec cette position à Toronto. A la fin du sommet du G20, il n'y avait plus de critiques à l'encontre des Européens, nos vues avaient été acceptées.
Comment recevez-vous les critiques des économistes pour qui l'Allemagne devrait plus soutenir sa demande intérieure ?
Quand on sait comment se comporte la population allemande, la réduction de nos déficits publics, c'est-à-dire ce que nous sommes en train de faire, est le facteur le plus important pour renforcer la demande intérieure. Les Allemands se font du souci quand la stabilité monétaire ne semble plus garantie. Ils s'inquiètent beaucoup de savoir si les déficits sont maîtri-sables. En les réduisant de manière modérée, nous luttons contre le sentiment d'incertitude de la po-pulation et nous soutenons ainsi la demande.
Le concept de gouvernement économique est désormais utilisé, également par le gouvernement allemand. Mais tout le monde en Europe comprend-il la même chose sous ce vocable ?
En substance, oui. Nous avons une monnaie commune et, si nous voulons encore avancer dans l'Union européenne, nous avons besoin d'une meilleure harmonisation. Il y a eu un débat pour savoir si on y arrive le mieux au sein de la zone euro ou au sein de l'Union à vingt-sept. La position du gouvernement fédéral a toujours été d'agir autant que possible dans le cadre à vingt-sept, sans contester que la monnaie commune confère des responsabilités particulières aux seize. Nous nous sommes mis d'accord là-dessus depuis longtemps. Je veux en outre vous rappeler que nous avons beaucoup de discussions franco-allemandes car nous pensons que nous devons discuter les questions fondamentales de la politique économique aussi en bilatéral. Bien sûr, la France a traditionnellement, je dis toujours depuis Colbert, une histoire différente de celle de l'Allemagne depuis Ludwig Erhard. Mais cette opposition est un peu dépassée. Entre-temps, nous nous sommes beaucoup rapprochés.
Quel bilan faites-vous des G20 des derniers mois ? Les citoyens ont l'impression que peu de décisions ont été mises en oeuvre.
Il faut d'abord dire qu'on a fait beaucoup plus de progrès dans le cadre du G20, depuis le début de la crise financière et bancaire, qu'on aurait pu se l'imaginer auparavant. Bien sûr, l'opinion publique est parfois un peu impatiente et sous-estime les difficultés. Je crois que nous devons clairement faire comprendre ce que le G20 peut et ce qu'il ne peut pas. La situation au Brésil, au Vietnam, en Afrique du Sud, en Chine ou en Inde est complètement différente de celle de la France, des Etats-Unis ou de l'Allemagne. On ne doit pas miser sur des solutions totalement uniformes. On l'a bien vu à Toronto sur la question de la taxe bancaire.
Et la taxe sur les transactions financières ? Est-elle encore réalisable au niveau mondial ?
Toronto a montré que nous ne pourrons pas trouver d'accord dans le cadre du G20 à un horizon prévisible. La position commune de la France et de l'Allemagne était : si après Toronto nous voyons que cette taxe ne verra pas le jour dans un délai prévisible, alors nous prendrons l'initiative pour la mettre en place en Europe. C'est pourquoi Madame Lagarde et moi-même avons demandé à la Commission et à la présidence de l'Union européenne de travailler sur le sujet. Nous avons décidé à l'Ecofin de la semaine dernière de faire des premières propositions dès notre réunion du début septembre.
Le 23 juillet seront publiés les résultats des « stress tests » appliqués aux banques. Craignez-vous de mauvaises surprises ?
Je ne veux pas spéculer sur le sujet. Le Conseil européen a décidé de mener ces tests et je suis sûr que c'était une bonne décision, car pour les marchés, le pire, c'est l'incertitude. C'est pourquoi nous avons dit que nous mènerions ces tests avec des scénarios réalistes, et que les résultats seraient rendus publics. Cela va conduire, on le voit déjà, à ce que l'inquiétude des marchés quant à la solidité des banques européennes diminue.
Que se passera-t-il si des banques se révèlent sous-capitalisées ?
Alors elles doivent voir si elles peuvent lever suffisamment de capital sur le marché. Si ce n'est pas le cas, les Etats membres doivent se demander comment ils peuvent les aider. Si jamais un Etat membre éprouve des difficultés à le faire, alors il peut se tourner, sous les conditions en vigueur, vers la faci-lité de financement [prévue dans le mécanisme de stabilisation de la zone euro]. Les banques n'ont bien sûr pas d'accès direct à cette faci-lité.
La nouvelle autorité européenne de surveillance des marchés financiers doit commencer son travail au 1er janvier 2011, mais le processus de codécision n'a pas encore abouti. Etes-vous optimiste ?
Je suis confiant. Christine Lagarde et moi, avec la présidence espagnole puis belge, nous nous sommes donné beaucoup de mal pour contribuer à une solution. Nous avons trouvé un accord avec notre homologue britannique en décembre dernier au sein de l'Ecofin. Il n'a pas été approuvé, en l'état, par le Parlement européen. Mais je crois que nous avons fait un grand pas en avant la semaine dernière. Le Parlement a reporté sa première lecture. Nous avons décidé un nouveau mandat de négociation pour la présidence -de manière consensuelle au sein de l'Ecofin, avec une participation très constructive du collègue britannique -et tous ceux qui mènent cette négociation avec le Parlement sont à vrai dire très optimistes. Il devrait être possible d'arriver à une solution dans les semaines qui viennent, de sorte que le Conseil et le Parlement approuvent le projet, espérons-le, en septembre.
mercredi 21 juillet 2010
Wolfgang Schäuble : «Une réduction modérée des déficits stimule la croissance»
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