Nous vivons dans des sociétés boulimiques de lois et de réglementations. Il n'y a guère d'aspects, y compris les plus intimes ou les plus futiles, qui ne tombent sous le coup d'une règle européenne, nationale, voire régionale dans certains États.
Les citoyens sont partagés entre des sentiments contradictoires. Ils sont souvent exaspérés par le caractère détaillé et tatillon des règles, mais, en même temps, ils en sont des consommateurs friands et en « redemandent ». C'est en partie pour répondre à cet appétit que les gouvernements se précipitent pour légiférer, souvent sous le coup de l'émotion collective, afin d'encadrer ce que les lois précédentes n'avaient pas envisagé ou prévu.
Peu d'États pratiquent la sagesse britannique qui se contente de normes suffisamment générales pour qu'ensuite le juge puisse adapter la loi aux circonstances nouvelles et imprévisibles. Nombreux sont ceux qui, en France, à commencer par le Conseil d'État, ont dénoncé ces textes de circonstance, ces « lois bavardes » sans grand contenu et faites, semble-t-il, pour convaincre que le gouvernement écoute, entend et agit avec force et diligence.
Trop de lois tue la loi ! Car le paradoxe est qu'une fois la loi faite, elle passe souvent aux oubliettes, comme si l'adoption du texte était plus importante que son application. On constate trop souvent que des lois pourtant essentielles, telles celles qui garantissent aux handicapés physiques l'accès aux transports ou autres services et facilités, ne sont que très partiellement appliquées en France. La vie quotidienne, déjà difficile, devient un calvaire dans l'indifférence du législateur.
Dans d'autres cas, la loi est une sorte de marteau-pilon pour écraser les mouches, mais le législateur ne s'en préoccupe pas, car les coûts de la réglementation sont externalisés sur les consommateurs : telle est, par exemple, l'obligation d'un diagnostic de peintures au plomb dans les logements, applicable pour tous les immeubles alors que le problème concerne exclusivement les logements anciens, vétustes et insalubres.
La propension des élites politiques à multiplier lois et règlements est encore renforcée par d'autres facteurs, tels que l'action des groupes de pression des lobbies, de plus en plus influents à Bruxelles et dans les capitales européennes. Il est crucial pour eux de favoriser leur secteur ou de contrer leurs concurrents comme, par exemple, les grands groupes agroalimentaires ou de distribution ont su si bien le faire.
La loi, qu'elle soit européenne ou nationale, tombe trop souvent sur l'un ou l'autre écueil, perdant, au passage, ce qui devrait être sa force, c'est-à-dire le respect des citoyens. Il faut savoir accepter que tout ne puisse être légiféré et laisser la possibilité des adaptations par le juge, dans le temps et dans l'espace, grâce à l'examen des cas concrets qui lui sont soumis.
Mais le courant nous pousse dans la direction opposée. Nul gouvernement ne semble prêt à dire, face aux pulsions émotives de l'opinion à la suite d'un fait divers, d'un délit ou d'un drame : « La solution n'est pas une loi nouvelle, mais une application rigoureuse de ce qui est déjà ¯ le plus souvent ¯ dans les codes. » L'inflation des textes a encore de beaux jours devant elle.
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