TOUT EST DIT

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mercredi 7 juillet 2010

Le dilemme

Jamais depuis le début de la polémique touchant Eric Woerth, la question d'une démission du ministre des Affaires sociales et trésorier de l'UMP ne s'était posée avec autant d'acuité. Cette question que tout le monde se pose, curieusement personne ne la pose. L'opposition socialiste ne la réclame pas. Plus habile ou plus perverse, elle se contente de tout faire pour l'obtenir. Jour après jour, attaquant l'intéressé, harcelant le gouvernement, accablant le régime. Elle veut bien une tête, mais sans se salir les mains.

Et, jour après jour, cette guerre d'usure s'alimente d'allégations et d'informations mêlées, relayées avec une égalité de traitement qui confine à l'inéquité. Au débat légitime sur le cumul - acceptable sans doute, mais souhaitable ? -des fonctions de trésorier de parti et de ministre de la République, succède la réprobation épidermique d'un remboursement d'impôt, légal quoique colossal, à la première fortune française. Dans ces tourbillons qui ont emporté bien des ministres, il n'est plus donné à l'opinion de distinguer l'accessoire de l'essentiel.

Or l'essentiel est que seuls deux motifs sérieux pourraient contraindre Eric Woerth à démissionner ou à être démissionné. Le premier serait d'avoir commis des actes contraires à la loi, à l'éthique, ou à l'honneur. Pour le savoir, la sagesse d'une démocratie commande de s'en remettre aux faits, pas aux souhaits. D'attendre les conclusions des enquêteurs et des juges.

Or les seules charges retenues aujourd'hui sont celles du soupçon, de la suspicion, la dernière étant celle d'un financement occulte de la campagne de Nicolas Sarkozy. La présomption d'innocence s'applique certes moins aux responsables politiques qu'aux citoyens ordinaires, de là à les en priver… Condamné par l'opinion à la démission de son poste de ministre des Finances, en 1999, Dominique Strauss-Kahn faillit payer de son destin son geste honorable.

Si rien ne peut lui être reproché, Eric Woerth pourrait néanmoins être conduit au départ pour une deuxième raison, d'intérêt supérieur : s'il apparaît que son maintien devient un frein à la mise en oeuvre de réformes essentielles pour l'avenir du pays, si essentielles qu'en regard une carrière ministérielle pèse peu. C'est le cas de la réforme des retraites bien sûr, mais aussi de chantiers aussi vitaux que la réduction des déficits, et qui exigent un exécutif inattaquable. Cette analyse de la situation appartient au chef de l'Etat, et à lui seul. Mais en sacrifiant, fût-ce dans un plus vaste remaniement, un ministre sur l'autel du populisme, Nicolas Sarkozy affaiblirait son pouvoir plus qu'il ne le renforcerait.

JEAN-FRANCIS PÉCRESSE

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