TOUT EST DIT

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mardi 4 mai 2010

Distance capitale


Oublier Paris, c'est toujours un exercice de style dans notre pays jacobin. S'éloigner de la ville-lumière ? Un risque ! On a si peur de se priver du rayonnement qu'elle prodigue. Et on a tort bien sûr. Ce serait une conception bien frileuse de l'art que de le croire prisonnier des bords de Seine, et privé de son prestige quand il parvient à s'en échapper. En ignorant ces préventions, le Centre Pompidou-Metz fait preuve d'une audace aussi insolente que réjouissante.
Malraux aurait aimé. « L'inventeur » des ambitieuses maisons de la Culture, qui virent le jour à la fin des années 60 dans plusieurs métropoles régionales, applaudirait le concept ouvert de ce lieu monumental et en perpétuel mouvement, où toutes les disciplines vont se croiser. Sans doute, l'iconoclaste ministre de la Culture du général de Gaulle regretterait-il qu'il ait fallu attendre plus de quarante ans après lui pour célébrer l'avènement de la première-institution-culturelle-nationale-décentralisée. Ses successeurs - Catherine Trautmann, notamment - s'étaient bien employés à donner de l'air aux oeuvres, aux spectacles et à la création en général, pour que le meilleur ne soit pas réservé aux élites parisiennes. Mais on ne change pas si facilement les mentalités.
Il s'agit pourtant de renouer avec un héritage de la Révolution - d'essence girondine - qui voulait que la richesse des musées, des collections, et de l'esprit soit partagée par la nation toute entière. La création du Louvre, en 1793, répondit même très officiellement à cette ambition allégorique. Plus tard, y compris sous l'Empire, on parla de « part sacrée » qu'il fallait réserver aux régions avant d'oublier pour longtemps ces exhortations.
Aujourd'hui, le Beaubourg messin, et le futur Louvre-Lens, contrarient avec bonheur un inconscient recentralisateur qui, ces derniers temps, a réveillé les vieux soupçons sur les capacités de la province et de ses grandes villes à incarner des rêves nationaux. En Lorraine, comme dans le Nord-Pas-de-Calais, les collectivités territoriales se sont emparées pleinement de ce dessein pour assumer une triple dimension européenne, hexagonale et locale. Dans ces deux régions touchées par les épreuves de la désindustrialisation, ces grands équipements culturels sont autant de phares rassembleurs. Des lueurs optimistes, génératrices d'emplois, de vie, d'imagination. Leurs faisceaux réveillent des quartiers, comme à Metz et mobilisent déjà toutes les énergies avant d'attirer des milliers de visiteurs.
A Bilbao, au pays basque espagnol, « l'effet Guggenheim », provoqué par l'installation, en 1997, du musée d'art moderne dessiné par Franck Gehry a radicalement changé le destin d'une ville ravagée par le marasme économique. Par modestie, Metz et Lens n'osent pas revendiquer pareil phénomène. Mais elles ne s'interdisent pas un songe aussi excitant.

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