TOUT EST DIT

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mardi 20 avril 2010

Le marché de l'édition répond aux défis du numérique, par Luc Spooren

Le marché de l'édition en France, comme nous l'ont rappelé les conférences au dernier Salon du Livre de Paris, est face à plusieurs défis considérables, dont la question du numérique n'est qu'un des volets. Pour poursuivre leurs activités, ses acteurs doivent impérativement contrôler, si ce n'est stabiliser, leurs résultats économiques. L'arrivée de nouveaux leviers de croissance avec le numérique est à double tranchant : si à terme les projections sont optimistes en termes de retour sur investissement, dans quelles mesures son développement impactera-t-il la croissance du marché traditionnel ? On comprend que les éditeurs tiennent à ménager leurs partenaires historiques, les acteurs de la chaîne traditionnelle du livre, et cherchent à les associer à cette évolution numérique.
Dans le même temps, les fabricants de matériel informatique avancent à marche forcée et il est fondamental que les éditeurs aient le contrôle de leurs contenus dématérialisés et soient présents le plus tôt possible dans le développement des nouveaux usages et modes de lecture, et, bien sûr, dans l'édification d'une chaîne de création des valeurs qui soit fructueuse pour tous les acteurs, dans le respect des lois de la concurrence et des législations particulières.

Les acteurs de l'impression à la demande ont un rôle évident à jouer et une expérience à partager, eux qui sont par nature à cheval entre le dématérialisé et le livre physique. La tendance de fond aujourd'hui consiste à proposer en ligne toute la gamme de solutions de lecture, la vente de lecteurs-liseuses et de livres en format numérique ou imprimé, une offre proposant autant des livres édités que des ouvrages autoédités. En d'autres termes, il s'agit de réunir tout ce qui peut se lire et s'imprimer dans un même espace. Même s'ils sont partis de services originellement distincts, c'est vers cette convergence que tendent les sites d'Amazon, de la Fnac ou encore d'UniBook.com.

Ce que l'on retient surtout de ces évolutions, en dehors des enjeux linguistiques (suprématie de l'anglais dans le numérique) et économiques (apparition de nouveaux acteurs dans l'édition issus de l'informatique), c'est que désormais les livres et leur contenu sont déclinables et personnalisables en fonction des choix du lecteur. Un éditeur de bandes dessinées, Dupuis, proposait par exemple récemment des albums de son catalogue aux couvertures personnalisables via une plate-forme Internet. Les textes classiques numérisés peuvent être enrichis de métadonnées apportées par le chercheur ou l'étudiant. Un particulier peut, pour un prix enfin accessible, produire un livre personnel à un exemplaire en impression à la demande, qui a fait tomber des barrières autrefois difficilement franchissables pour les bourses modestes. Il peut proposer le même manuscrit en PDF pour une somme modique, voire gratuitement. L'argent n'est plus le facteur primordial pour l'accès à l'objet livre, comme le CD gravable a grandement facilité la création de CD "maison". Ce n'est pas précisément le sens de la personnalisation d'être généralisable mais plutôt d'inspirer les initiatives.

Les acteurs du marché de l'édition prennent peu à peu conscience du champ des possibles qu'ouvre aujourd'hui le numérique. Bien sûr, malgré l'entrain des fabricants de matériel informatique, cette exploration et son exploitation ne se feront pas en un jour. L'édition française est protégée par sa langue et la législation qui l'encadre, et elle en profite pour mettre en place des modes opératoires qui doivent lui assurer le contrôle total des contenus, ce afin d'éviter d'avoir à signer des partenariats déséquilibrés. Nous ajoutons qu'il faut mettre à profit cette protection pour maximiser la sensibilisation du public à cette formidable révolution et ne plus s'égarer dans des discours stériles sur la fausse mort du livre.

Non, le livre ne va pas disparaître au profit (?) d'un écran lumineux. La multiplication des points d'accès aux contenus des livres – via son écran d'ordinateur professionnel, sur son smartphone, sur sa tablette ou, plus classiquement, sur papier – garantit une transmission et une réception augmentées voire améliorées des connaissances. Cela représente une chance considérable pour promouvoir des savoirs, une culture, des valeurs, une langue, sous toutes leurs formes, pour, par exemple, permettre à des ouvrages en français d'être beaucoup mieux diffuser aux Etats-Unis et dans le reste du monde. Le marché de l'édition numérique est un puzzle dont toutes les pièces sont peu à peu en train de se former et de se mettre en place. Charge à chacun d'agrandir encore son morceau. Le schéma qui se révèlera servira de modèle à tous les éditeurs de demain, dont certains, nous n'en doutons pas, auront d'ailleurs commencé par l'autoédition et l'impression à la demande. Dire que nous sommes impatients de le découvrir est un doux euphémisme !

Luc Spooren est directeur des ventes d'UniBook pour l'Europe

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