La défaite de l'UMP aux régionales et l'affaiblissement de l'exécutif donnent des ailes aux présidents des collectivités. La fronde financière des départements, de gauche mais aussi de droite, et des Régions contre l'État démontre que la simplification ¯ ô combien nécessaire ¯ du millefeuille territorial devient très conflictuelle. Elle illustre aussi la méthode d'un pouvoir critiqué, jusque dans ses rangs, pour sa gouvernance.
Une demi-réforme. Sans supprimer d'échelon, elle rajoute celui de la « métropole ». Jean-François Copé, le président des députés UMP, propose alors de fondre départements et Régions. Il oublie qu'il faudrait modifier la Constitution et donc de trouver une majorité des trois cinquièmes au Parlement. Comment demander à des élus nationaux cumulards de supprimer leurs mandats locaux ?
Demi-réforme, ensuite, parce qu'on oublie certains « doublons ». D'accord, c'est du gâchis que tout le monde s'occupe de tourisme ou d'emploi, sans que personne en soit le leader. Inexplicables, tous ces empilements d'agences de développement et de bureaux d'études qui coûtent et ralentissent la réactivité des politiques locales. Mais il est tout aussi incompréhensible que l'État, dont l'obésité a continué de croître, ne transfère pas ses moyens locaux au fur et à mesure qu'il confie les charges correspondantes aux collectivités, alors contraintes de recruter.
Un projet conçu à l'envers. Le bon sens aurait été de définir, dans l'ordre, les compétences de chaque échelon territorial, la fiscalité pour y répondre, le statut et le mode d'élection des élus pour les gérer.
Au lieu de cela, on brandit d'abord l'élu territorial, comme si la fusion du conseiller régional et général pouvait être la source principale d'économie. On cherche un mode de scrutin plus avantageux pour l'UMP. On allège la taxe professionnelle et on encadre des taux d'imposition qui retirent aux collectivités quasiment toute liberté et trahissent l'arrière-pensée centralisatrice du pouvoir. Le tout avant même de redéfinir les missions de chacun !
Une vision à contre-emploi. Cette reprise en mains des collectivités distingue la France des autres pays, heureux de disposer d'une décentralisation poussée. On les comprend : les études montrent que la déconcentration des politiques stimule la croissance, la recherche et l'emploi. Il suffit d'apprécier le rôle des länders allemands, par exemple dans l'aéronautique, pour rêver de Régions dix fois plus puissantes que les nôtres.
Ce débat est crucial dans une Europe qui tente de convaincre les pays centralisés d'en faire une arme contre la crise. Le problème n'est donc pas celui de la taille des collectivités ¯ il en existe de bien plus petites et aussi de plus grandes ¯ mais de leurs attributions et de leurs moyens. Regrouper deux Normandie sans plus de prérogatives ne changerait pas grand-chose à leur capacité à affronter l'avenir.
Trop tard pour bien faire ? Personne ne conteste la nécessité d'une organisation plus simple, plus efficace, plus économe. Mais les décentralisateurs - gauche et centre - redoutent une occasion ratée de rapprocher le citoyen de la politique. Les centralisateurs y voient un moyen de contrôler des contre-pouvoirs. Les débats qui s'annoncent au Parlement auront du mal à concilier deux visions aussi différentes de l'architecture du pays.
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