TOUT EST DIT

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mardi 27 avril 2010

Amalgames à peine voilés


À force de se recentrer sur les thèmes traditionnels pour inverser les sondages, la majorité joue avec le feu. L'ardeur avec laquelle elle fait du voile intégral la priorité des priorités, quand les Français s'angoissent surtout du chômage, des retraites et des fins de mois, devient suspect. On croyait oublié le débat ¯ fondamental mais instrumentalisé ¯ sur l'identité nationale. Le voici relancé de la pire manière à partir d'une amende infligée à une Nantaise en niqab pour « conduite non aisée ».

Il n'est pas question de nier que le port du voile intégral constitue une atteinte, insupportable dans notre culture, à la dignité de la femme, à la sécurité et à l'ordre publics. Ni d'occulter l'existence de cas de polygamie et de concubinage dissimulés pour toucher frauduleusement l'allocation de parent isolé.

Pour les combattre, y compris le port du voile dans certaines circonstances, il existe déjà un arsenal qui va de l'arrêté municipal à la directive européenne, en passant par la législation française. Commençons par donner à la police les ordres et les moyens pour les appliquer.

Au lieu de procéder de manière apaisée, le gouvernement privilégie l'amalgame. Quel lien entre cette femme qui conduit avec un niqab et son mari qui frauderait la Sécurité sociale ? Quel rapport entre la nationalité et la polygamie ? Quelle relation entre la religion et le voile intégral ?

La précipitation de l'UMP et du ministre de l'Intérieur à porter, avant vérification, des accusations dont même Éric Besson se méfie, alimente une chaîne idéologique malsaine : musulman = étranger = polygame = fraudeur. Ils offrent ainsi une lecture caricaturale de la société, au risque de raviver le feu raciste qui couve toujours sous les cendres des crises.

Ce faisant, la majorité pourrait bien se prendre à son propre piège. Déjà, le projet d'interdiction générale du port de la burqa, de l'avis du Conseil d'État, risque de se heurter au droit français et probablement européen. Et, à supposer qu'il s'applique, il lui sera fait d'autant moins de cadeau que la stigmatisation de la communauté musulmane excitera les plus extrémistes sur une question qui ne devrait pourtant pas concerner la religion.

La majorité prend un autre risque juridique. S'il fallait retirer leur nationalité aux fraudeurs de la Sécu, ce sont quelque 9 400 allocataires, pour la plupart des Français de naissance, qu'il aurait fallu, comment dire, « défranciser » l'an passé !

Sans compter que la polygamie ¯ supposée ¯ du mari de la conductrice nantaise, punissable d'amende et de prison, n'est pas, sauf mensonge lors du mariage, un motif de déchéance de la nationalité.

Durcir une législation déjà abondante, comme le suggère l'UMP, ne paraît pas une réponse appropriée pour chasser la fraude et la polygamie. Et bannir le voile intégral, au nom de l'ordre public, supposerait de le retirer aux reines du pétrole qui font leurs achats dans les boutiques de luxe des Champs-Élysées, ou, plus cocasse, d'interdire aux motards le port du casque intégral...

On voit les limites du « y'a qu'à » et des surenchères. S'il advenait qu'elle faisait pschitt, cette politique aurait le double inconvénient de faire fanfaronner ceux qu'elle vise sans attirer la sympathie de ceux qu'elle voudrait séduire.

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