TOUT EST DIT

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mardi 27 avril 2010

Bruxelles menacerait le forfait ADSL à moins de 30 euros

Un contentieux sur le régime de TVA appliqué aux fournisseurs d'accès internet français menace d'augmenter lourdement la fiscalité sur les opérateurs. Déjà exaspérés par une accumulation de taxes, il est très probable qu'ils répercutent la fin de la TVA réduite sur le prix des abonnements.

Grâce à Bruxelles, la question ne sera bientôt plus de savoir si les prix des forfaits ADSL vont augmenter, mais de combien. La Commission européenne a en effet mis en cause le régime fiscal appliqué par la France aux offres triple play, sur lesquelles deux taux de TVA sont pratiqués : un taux réduit de 5,5% sur la moitié de la facture, et un taux normal de 19,6% sur le reste. La France pourrait être obligée de revenir sur ce système, ce qui représenterait un coût de plusieurs centaines de millions d'euros pour les FAI.
Pourquoi la France est en infraction

La législation européenne permet d'appliquer le taux réduit de TVA aux services de diffusion de télévision, mais pas aux services de fourniture d'accès internet ou de téléphone. Le taux à 5,5%, en France, a été mis en place lors du lancement des forfaits ADSL comprenant des chaînes de télévision. Or, tous les abonnés n'ont pas techniquement accès au service de télévision, bien que le taux à 5,5% s'applique sur quasiment tous les forfaits ADSL. Ce qui constitue une première infraction, car dans ces cas là le taux réduit s'applique mécaniquement à l'Internet et au téléphone. Secundo, la TVA réduite n'est pas censée s'appliquer aux services fournis par voie électronique. Tertio, une application forfaitaire est incompatible avec la directive européennes, qui pose que deux taux ne peuvent s'appliquer que s'ils correspondent à deux prestations distinctes. En tout, pas moins de sept motifs d'infractions auraient été relevés par la Commission, indique La Tribune, premier quotidien à avoir révélé l'information.

Par conséquent, c'est le taux normal qui doit s'appliquer par défaut, à moins que la télévision ne constitue la prestation principale des forfaits triple play. "Une mise en demeure a été envoyée aux autorités françaises en mars", a déclaré à l'AFP la porte-parole de la Commission chargée des questions de fiscalité, Emer Traynor. Il s'agit de la première étape de la procédure d'infraction. La France a deux mois pour fournir des explications ou modifier sa législation, à défaut de quoi Bruxelles peut lui envoyer un "avis motivé". En troisième lieu, la Commission peut aller jusqu'à saisir la Cour européenne de justice.
Onde de choc sur les abonnés et les industries culturelles

Le directeur général de la Fédération française des télécoms, Yves Le Mouël, évalue l'impact d'une suppression du taux réduit de TVA pour les opérateurs à "plusieurs centaines de millions d'euros", ce qui engendrerait une hausse des tarifs d'abonnement de "plusieurs euros" pour les clients.

Grâce au système de TVA réduite, les FAI économiseraient au moins 200 millions d'euros par an, pour une contrepartie - la cotisation au compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels (Cosip) - estimée à 100 millions d'euros.

L'industrie de la production audiovisuelle et cinématographique française n'est pas la seule qui pâtirait de la charge portée par Bruxelles. La musique aussi. Le gouvernement avait en effet imaginé élargir la quote-part de la TVA à 19,6% pour financer la carte musique jeunes, un système de subvention au téléchargement légal dédié aux jeunes. Faire l'inverse (élargir la part de la TVA à 5,5%) était par ailleurs une botte secrète de la Sacem et de l'Adami pour faire payer aux FAI une contribution destinée à compenser les pertes de l'industrie musicale liées au piratage sur internet. Si l'avantage fiscal disparaît totalement, il y a encore moins de chance que les FAI soient disposés à accepter une nouvelle ponction sur leur chiffre d'affaires.

Les FAI trop taxés ?

C'est que les fournisseurs d'accès sont depuis quelques années la muse préférée des créateurs de taxe. En outre, ils sont soumis à une sorte de taxe indirecte sous la forme d'investissements obligatoires destinés à appliquer de nouvelles lois : Hadopi (la question du financement des solutions techniques qui doivent être mises en oeuvre par les FAI pour répondre aux sollicitations de la Haute Autorité n'est d'ailleurs pas encore tranchée, ce qui pourrait bloquer l'envoi des premiers courriers d'avertissement), Loppsi 2, ouverture du marché des jeux en ligne.

"Ca commence à faire beaucoup", résume le porte-parole d'un opérateur, pour lequel la question de l'augmentation des prix et des répercussions sur les investissements commence à se poser sérieusement. Yves Le Mouël s'en émouvait lors de ses voeux fin 2009, parlant d'un "déferlement législatif impactant le secteur des télécoms". "On les dit riches parce qu'ils font des bénéfices importants relativement à d'autres secteurs d'activité, en oubliant souvent que ces mêmes opérateurs développent une activité fortement capitalistique et investissent bon an mal an, de 6 à 7 milliards d'euros chaque année", jugeait-il alors.

Parmi les différentes taxes que payent les FAI, l'une d'entre elles fait d'une autre procédure d'infraction de la Commission européenne contre la France, sur une plainte de la FFT : la taxe sur l'audiovisuel public, qui représenterait "une charge de près de 350 millions d'euros par an" selon Yves le Mouël.

"Les charges deviennent insupportables pour les opérateurs", explique Yves le Mouël, qui ne voit pas comment les FAI vont pouvoir continuer à les absorber sans augmenter leurs prix ou rogner sur leurs investissements dans les réseaux. Le résultat sera probablement "un mixte des deux".

L'ensemble des taxes destinées à financer la création et les offres légales représenteraient plus de 5 euros par mois dans le prix de chaque abonnement. Soit "entre plus de 50 millions d'euros pour 2009", calcule-t-on chez un opérateur. Le droit fiscal européen risque de prendre une tournure très concrète pour les internautes.

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