lundi 8 septembre 2014
Hollande attend Draghi et désespère Merkel
Mario Draghi, le président de la BCE doit, ce jeudi, rendre public les prévisions économiques de la zone euro et préciser un programme d’intervention et de soutien monétaire dont il avait parlé lors de la conférence de Jacksonville, il y a deux semaines. François Hollande l’attend avec impatience, mais il est bien le seul en Europe.
Aucun chef d’État ou de gouvernement en Europe ne se berce d’illusions sur la capacité de la BCE à faire des miracles pour sauver les pays qui sont en difficultés. Et ce, pour deux raisons principales.
La première, c’est que la BCE n’a pas de mandat pour injecter de la monnaie aux pays qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se soigner eux-mêmes. Elle pourrait le faire si la zone euro était organisée comme un vaste état fédéral : les États-Unis d’Europe, le rêve des fondateurs, l’aventure qu’il aurait été opportun d’offrir aux nouvelles générations. Cette ambition est encore à l’état de projet, abimée par les tendances protectionnistes que la crise a réveillé. Enfin, techniquement, la BCE a déjà utilisé beaucoup de moyens pour intervenir, elle en a surtout quatre :
Le premier, c’est le taux directeur, le taux d’intérêt que les banques règlent lorsqu’elles empruntent des liquidités. Ce taux est désormais au plancher de ce que la banque pourrait faire 0,15%. Jamais l’argent n’a coûté aussi peu cher.
Le deuxième, c’est le taux de dépôt. Il s’agit du taux que la BCE applique pour rémunérer les liquidités que les banques lui confient. Plus ce taux est bas, moins les banques ont avantage à stériliser l’argent. Elles sont donc plus enclines à faire des crédits à l’économie. Actuellement ce taux de rémunération est négatif, ça veut dire que les banques doivent payer pour déposer des liquidités. Bref, elles sont pénalisées quand elles ne travaillent pas. La BCE peut difficilement aller plus loin.
Les prêts à long terme. C’est une arme redoutable utilisée par les banques centrales américaine et anglaise. Dans ce cas, la BCE prête à long terme (parfois très long terme) aux banques. Mario Draghi a annoncé qu’il allait ouvrir plusieurs lignes de crédit pour près de 500 milliards d’euros sur 4 ans. C’est la troisième fois que la BCE le ferait depuis le début de la crise. C’est ce programme sur lequel il devrait donner quelques précisions. C’est ce programme que la France attend avec impatience parce que ça permettrait des refinancements encore moins chers qu’actuellement. Ces prêts à très long terme reviennent pour les bénéficiaires à repousser les échéances à plus tard. Certains diraient « aux calanques grecques… «
Enfin, l’assouplissement quantitatif, le quantitative easing . C’est l’arme non conventionnelle de la BCE. Il est à la politique monétaire, ce que sont les gaz chimiques dans la guérilla urbaine. Les américains en sont les champions. Cela revient à brancher la planche à billets, la BCE injecte des liquidités en rachetant des titres et principalement des obligations d’État. En clair, ça revient à écraser les dettes publiques. La BCE est très prudente avec ce système pour une seule raison : il lui faut décider quelles dettes elle peut racheter. Quel État de la zone euro va-t-elle alléger de son fardeau et pourquoi ? Tant que la zone euro ne sera pas organisée en fédération avec un seul budget, une seule fiscalité, une dette commune, les arbitrages politiques seront toujours délicats. Il faut bien se rendre compte que d’écraser des dettes publiques c’est prendre le risque de ruiner ou de léser des créanciers et permettre aux débiteurs de s’exonérer de ses engagements et de ses obligations.
Mario Draghi ne branchera pas, ou alors très peu, la planche à billets en dépit des demandes pressantes de la France et de François Hollande. Ce dernier a, de son coté, la pression d’une grande partie de sa majorité.
Au contraire, Mario Draghi va une fois de plus exhorter les pays de la zone euro à entreprendre des réformes de structures pour retrouver leur compétitivité. Il ne s’agit pas d’ajouter de l’austérité à la rigueur, il s’agit de réformer le droit du travail, l’organisation de la production et surtout de réduire les dépenses publiques de fonctionnement afin d’alléger le poids de la fiscalité.
Pour appuyer son raisonnement, le président de la BCE va rendre publique les prévisions économiques dans la zone euro qui sont très mauvaises : pas d’activité, pas d’emplois, risques sérieux de déflation.
Parallèlement, il va souligner la situation particulière de l’Irlande et de l’Espagne qui affichent des signes forts de redressement avec des taux annuels de croissance supérieurs à 2%. Or l’Espagne et l’Irlande sont les deux pays qui ont appliqué des plans de réformes les plus aboutis. Ces réformes de structures portent leurs fruits aujourd hui. En revanche, la France et l’Italie sont à la traine.
Parallèlement les prévisions de Davos qui viennent de sortir vont dans le même sens. Les pays qui ont commencé à restaurer leur compétitivité s’en sortent mieux que les autres
Ces statistiques expliquent la détermination du gouvernement Valls, Sapin, Macron dans la mise en œuvre d’une politique « sociale libérale » qui tienne compte de la réalité des comptes et leur refus de céder à des facilités monétaires qui, de toute façon, sont impossibles à mettre en œuvre dans le cadre actuel de la zone euro.
Mais les tergiversations de François Hollande, sa visite à Mario Draghi la semaine dernière et la cacophonie du discours politique français agacent profondément la chancelière allemande. Angela Merkel est désespérée par la presse d’outre Rhin. Les journaux allemands rappellent avec moult détails que François Hollande est dans la même situation que Schröder en 2003.« Le chancelier allemand a tout fait pour restaurer la compétitivité de l’économie allemande, il a violé ses amis socialistes, il a obligé les syndicats à trouver des compromis, il a mis son job en jeu, il a risqué sa peau, mais il n’a rien cédé. Aujourd hui le pays lui doit beaucoup. »
La presse allemande cette semaine doute très fortement de la capacité de François Hollande à aller jusqu’au bout de son entreprise de modernisation, même s’il est poussé par son entourage immédiat. Pour les éditorialistes allemands, si la France ne se reforme pas dans les deux ans, la France se retrouvera dans la situation du Japon en 1990 avec des dettes encore plus grandes. Le japon qui est, 20 ans plus tard, a peine sorti de sa dépression. Le spectre japonais plane sur l’hexagone.
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