samedi 2 août 2014
L'été de la décision
L'été de la décision
L'été de la décision. Les élections législatives de 2017 auront lieu à la proportionnelle. Qu’est-ce que cela change ? Tout. À gauche comme à droite. Pour Sarkozy aussi.
Impuissant dans le chaos mondial actuel, François Hollande prépare lui aussi, entre les commémorations et le désordre, l’échéance de 2017. Aujourd’hui, il se sait perdu. Et s’il ne lui reste que deux 14 Juillet à vivre (2015 et 2016), il a bien l’intention de sauver ce qui pourra l’être. Comment ? Par la réforme qu’il sortira le moment venu. Sa décision est déjà prise. Il l’a annoncé, le 14 juillet dernier, durant son intervention télévisée, mais personne n’y a prêté attention : il réformera le mode de scrutin pour les législatives de 2017.
La proposition 48 de son programme présidentiel prévoyait d’introduire « une part de proportionnelle à l’Assemblée nationale ». C’est ce qu’il continue à dire à ses visiteurs : l’élection des députés comprendra « une part » de proportionnelle. En fait, et c’est là que tout le jeu politique promet d’être bouleversé, ce sera un scrutin à la proportionnelle intégrale. Modèle Mitterrand 1986.
C’est le 3 avril 1985, près de quatre ans après son accession au pouvoir, que François Mitterrand fait approuver en Conseil des ministres le projet de loi électorale qui met fin au scrutin majoritaire à deux tours et instaure la proportionnelle intégrale par département (le nombre de députés passe alors de 491 à 577). Quel était le but de Mitterrand ? Les sondages étaient très mauvais pour la gauche ; il fallait donc diviser la droite pour “limiter la casse” à gauche – ce fut l’objet de la proportionnelle. Elle ferait entrer le Front national à l’Assemblée et réduirait d’autant le nombre de députés de la droite classique.
Un an plus tard, aux élections de mars 1986, le résultat fut conforme : certes la gauche fut battue, mais de peu, et le FN obtint 35 députés, autant que le Parti communiste. En revanche, le scrutin majoritaire ayant été rétabli ensuite par la droite, la gauche devait être écrasée aux élections de 1993 : les socialistes ne sauvèrent que 57 sièges et les communistes 23. Une « hécatombe inoubliable », nota Olivier Duhamel dans son Histoire de la Ve République (Dalloz). L’hécatombe a été d’autant moins oubliée que Hollande, battu en Corrèze, aurait pu disparaître de la scène politique.
Il va donc revenir à la proportionnelle pour préserver son parti d’une débâcle annoncée. Il lui suffit d’une loi ordinaire (alors que le droit de vote des étrangers non européens nécessite une réforme de la Constitution). Il a non seulement sa propre majorité pour la faire voter, mais il aura aussi pour l’occasion le soutien entier des communistes, de l’extrême gauche, des Verts, de certains centristes — et du Front national. Hollande retrouvera soudain de la hauteur et du crédit et ne sera désavoué que par l’UMP, qui verra lui échapper la majorité massive que lui aurait promise le maintien du scrutin majoritaire. Et cette proportionnelle sera intégrale, prédisent les bons analystes, parce qu’après l’épreuve de la réforme territoriale, François Hollande ne voudra pas procéder à un nouveau découpage des circonscriptions (“tripatouillage”), nécessaire s’il s’était limité à une « part de proportionnelle »…
Mais, dira-t-on, cela ne change rien pour la présidentielle de 2017, puisque les législatives ont lieu après. Mais si, la perspective change du tout au tout ! Chacun voudra se compter au premier tour de la présidentielle pour pouvoir, dans la foulée, s’affirmer aux législatives — alors que, jusqu’à présent, le champion de chaque camp entraînait avec lui une coalition pour la distribution des investitures ensuite. La proportionnelle fait tout éclater. Chacun pour soi, après on voit.
Les élections européennes (à la proportionnelle) ont fixé un cadre de raisonnement. Appliqué au premier tour de la présidentielle de 2017, le résultat signifie que Marine Le Pen est qualifiée pour le second. Mais qui sera son adversaire, avec l’assurance d’être élu ? Au moment des européennes, c’était le candidat de l’UMP. Mais l’UMP existait encore. Que va-t-il se passer maintenant ? Les trois membres de la direction actuelle ne seront pas candidats à la présidence du parti : ni Juppé (qui a déjà donné), ni Raffarin (qui vise le Sénat), ni Fillon (qui vient de l’annoncer). Les autres seront nombreux, Mariton, Le Maire, Wauquiez, etc.
Mais si Fillon s’était tant battu pour la présidence de l’UMP contre Copé, c’était bien qu’il entendait en faire un tremplin pour ses ambitions présidentielles. Qui peut croire que celui qui sera élu à la présidence de l’UMP pour la reconstruire ne se considérera pas comme légitime pour aller ensuite à la présidentielle ? Et qui peut croire aussi que l’UMP pourrait survivre à la perspective de la proportionnelle sans se donner un président à l’énergie implacable ? La question n’est plus de savoir si Sarkozy divise ou rassemble, mais de se demander qui sera capable d’aller au second tour au duel avec Marine Le Pen. Cela se décide cet été.
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