samedi 2 août 2014
Antiphrase
Le hasard, qui est sans pitié, nous a remis naguère sous les yeux le discours que fit le président de la République à Échirolles, le 1er octobre 2012 : « Je vous apporte la sécurité, la justice et la réussite ». Depuis la devise républicaine, qui fait l’essentiel de son corpus rhétorique, la gauche aime les promesses en trois volets ; elles vous ont quelque chose de définitif et, pour tout dire, de tenu d’avance. La sécurité, la justice et la réussite, le triptyque est presque aussi beau, dans le genre, que “le pain, la paix, la liberté” sur quoi se fit élire la chambre du Front Populaire. Les socialistes, qui sont pourtant de grands rhétoriciens (au point, comme il y a deux ans, de l’emporter par une figure de style) sont curieusement d’une modestie de rosière quand il s’agit de rappeler leurs fastes de tribune et cette figure où ils excellent par-dessus tout : nous voulons parler de l’antiphrase. Les promesses l’appellent, mieux : elles l’invoquent avec une fatalité quasi horlogère. Il allait donc de soi que les électeurs qui, en 1936, votaient pour le pain, la paix et la liberté, auraient quatre ans plus tard la guerre et la défaite, la disette et le rationnement et, pour la plupart d’entre eux, la captivité en Allemagne. L’histoire électorale de la gauche (et de ce point de vue la droite n’est le plus souvent qu’une gauche timorée) n’est que l’histoire de ses promesses non tenues parce que non tenables, une histoire elle aussi antiphrastique, puisque l’oubli lui est constitutif, et que de scrutin en scrutin l’amnésie des électeurs vaut amnistie des élus. L’actuel élu suprême ne déroge donc pas à la règle. Dans le Nommé Jeudi, Chesterton remarquait que « le rare, le merveilleux, c’est d’atteindre le but ; le vulgaire, le normal, c’est de le manquer ». Nous vivons bien, comme lui-même l’a revendiqué, sous un président normal.
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