Martine Aubry et Nicolas Sarkozy ont un point commun. L'un et l'autre ont cru qu'ils ne feraient, le jour venu, qu'une "bouchée" de François Hollande. L'un et l'autre se sont (lourdement) trompés.


Lors de la primaire PS, la maire de Lille -qui avait reproché à Hollande, en arrivant rue de Solférino, de lui avoir laissé le PS (toilettes incluses) dans un piteux état- n'est jamais parvenue à bloquer son rival dans un coin du ring. Résultat: elle a boxé dans le vide. Et elle est repartie frustrée, et vaincue. Quelque part, de ce combat-là, elle ne s'est jamais remis. 
Entre les deux tour de la présidentielle, Nicolas Sarkozy -pourtant puncheur- n'a jamais non plus réussi à trouver, comme disent les sportifs, l'ouverture. Lui aussi, ce soir-là, a globalement boxé dans le vide. Hollande ? Insaississable. Défaite, frustration. L'ancien chef de l'Etat (rebaptisé lundi par François Hollande, sans particulière élégance, "L'Autre") s'en remettra-t-il un jour ? 
Lundi soir, pendant deux heures, face à la presse présidentielle, François Hollande a confirmé son sens de l'esquive, son absence apparemment totale d'affect, son aptitude, comme disait la maire de Lille en 2011, à "'passer entre les gouttes" et aussi,  tout de même, son art de frapper au corps quand l'adversaire ne s'y attend plus.
Spécialement visés : Pierre Gattaz ("La situation économique du pays est catastrophique", avait-il dit le matin, sans utiliser le vocabulaire ondoyant du chef de l'Etat) et Martine Aubry (qui avait jugé, vendredi dernier, presque plus cruelle que l'actuelle opposition, que "si, depuis deux ans, on avait eu une grande vision et une méthode, on aurait eu moins de problèmes").
Au premier, le président, tel un maître d'école, a dit qu'il serait bien inspiré de surveiller son langage (sic), et que le patronat, puisqu'il avait signé le "pacte de responsabilité", ferait bien de "'songer à ses intérêts (re-sic)". A la seconde, le président, glacial, a répondu que c'était un peu fort de café de lui reprocher les jours pairs, via ses amis "frondeurs", de négliger le Parlement et, les jours impairs, de le supplier de revoir la "carte des régions" rectifiée, en toute indépendance n'est-ce pas, par les députés. Et toc!   
Entendons-nous: lundi soir, à la Maison des Polytechniciens, entre le président et les journalistes,  il ne s'agissait évidemment pas -à la différence de la primaire PS de 2011 ou de la présidentielle de 2012- d'un match, et encore moins d'un match de boxe. Mais l'échange a, à nouveau, mis en lumière des traits qui font la singularité troublante de celui que ses partenaires et rivaux ont si longtemps sous-estimé ("Culbuto", se moquait Fabius). Adossé aux institutions que la gauche a si longtemps vilipendées, l'homme -qui, depuis le 6 mai 2012, a découvert avec passion la politique étrangère, il est vrai, toutes choses égales, plus gratifiante que la courbe du chomage- poursuit aujourd'hui son chemin. De plus en plus solitaire, mais pas ébranlé dirait-on.
Sans s'arrêter aux sondages.
Sans entendre les soupirs autour de lui.
Sans prêter attention aux chiffres et statistiques qui renvoient du pays -objectivement- une très inquiétante image.
Sans exclure pour l'avenir aucun scénario (y compris, c'est un comble, un... "ralentissement" de la croissance, déjà en panne).
Avec la double conviction (après tout!...) qu'il a la baraka, et qu'avec le "temps"tout s'arrangera.  
"Ma seule préoccupation, a dit lundi François Hollande avec tout de même une sorte de doute dans la voix, c'est comment faire pour qu'il y ait, entre les Français, du lien". Et d'enchaîner: "Beaucoup de Français se disent: on n'y arrivera pas". Le président de la République, alors, martèle, pesant ses mots: "On ne peut pas se résoudre à l'impuissance de la politique". Tout est dit.
On était loin à ce moment-là des envolées du Bourget, des dix-huit mois de matraquage fiscal ou encore de la France prétendant faire la leçon à Bruxelles et à l'Allemagne. Retour au réel. Pour l'Elysée et pour la gauche, un retour, au fil des semaines, de plus en plus douloureux. Idéologiquement, politiquement, socialement. Le président, lui, fait "comme si...". Martine Aubry, en 2011, lors de la primaire PS: "Ma grand'mère me disait: quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup".