jeudi 19 juin 2014
La “thèse parfaite”
J’aime lire et pour quiconque est dans ce cas, il n’est rien de plus enthousiasmant que de découvrir un auteur dont on n’avait jamais entendu parler et dont chaque mot résonne en vous comme s’il correspondait à ce que dans le fond vous avez toujours su mais que vous n’avez jamais eu le temps, le talent ou les connaissances d’en extraire une pensée cohérente.
C’est un choc qui arrive peu fréquemment et quand il se produit, je me précipite sur les autres l ivres qu’a écrits cet auteur pour m’abreuver à cette nouvelle source. Ce choc, je l’ai connu avec Alexandre Soljenitsyne, Bertrand de Jouvenel, Arnold Toynbee, Alexis de Tocqueville, Frédéric Bastiat, René Girard, Joseph Schumpeter, Milton Friedman, Hernando de Soto Polar et quelques autres.
Je range leurs livres à l’étage supérieur de ma bibliothèque et quand la médiocrité du monde actuel me pèse trop, j’en attrape un au hasard, je relis quelques pages et je me réconcilie avec le genre humain. Aussi incroyable que cela puisse paraître, je viens de connaître un tel choc en lisant Rome, du libéralisme au socialisme : leçon antique pour notre temps, de Philippe Fabry (éditions Jean-Cyrille Godefroy). Ce livre, dont personne n’a parlé, m’est arrivé par le service de presse de l’éditeur et je l’ai lu par hasard. Monsieur Fabry, apparemment, est un jeune universitaire à Toulouse et il s’agit là de son premier ouvrage. Pour un coup d’essai, c’est un coup de maître.
Sa thèse est que Rome est passée insensiblement et en quelques siècles d’un État de droit, consubstantiel au libéralisme, au droit de l’État, la marque du socialisme, et que cette lente glissade est à l’origine de la décadence puis de la chute de Rome. Le Romain est passé, en trois siècles, de l’état de citoyen à celui de sujet avant que de devenir esclave.
L’auteur maîtrise parfaitement les fondements théoriques du libéralisme et du socialisme. En particulier, en tant que juriste, il comprend que le libéralisme est une théorie et une pratique du droit et en aucun cas une série de recettes économiques à appliquer pour arriver à la “croissance”. La croissance est une conséquence de l’application du droit.
Étant jeune, quelques tendances libertariennes se font jour ici ou là, mais l’auteur comprend fort bien qu’un État exerçant ses prérogatives régaliennes avec force et justice est une nécessité. Monsieur Fabry fait en outre toute une série de développements heureux sur les similitudes entre la Rome antique et les États-Unis d’aujourd’hui et je suis bien sûr que Ron Paul n’aurait rien à rajouter.
Ses connaissances économiques sont parfaites et il s’est à l’évidence abreuvé aux sources de l’école autrichienne en général et de Ludwig vonMises et Friedrich Hayek en particulier, mais sans pour cela être sectaire, comme certains des thuriféraires de ces deux grands esprits.
Un grand livre, donc, en ce qui me concerne et qui infirme l’impression désolante qui était la mienne depuis un certain temps : j’en étais arrivé à penser que pour la première fois depuis cent ans, il n’y avait plus un seul grand intellectuel français, ce qui me désolait. Je suis heureux de voir que j’avais tort. La source n’est pas tarie. J’attends avec impatience le prochain livre de M. Fabry.
Les lecteurs de Valeurs actuelles n’ont pas à craindre de perdre leur temps s’ils lisent ce livre. Ils en sortiront plus intelligents et rarement auront-ils dépensé 15 euros à meilleur escient.
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