vendredi 18 avril 2014
La France et le désarroi identitaire
Ceux qui comparent la situation actuelle avec celle des années trente n’ont pas compris à quel point, aujourd’hui, la France souffre d’une profonde crised’identité.
Il y a, sous la Coupole, une petite dizaine de personnalités qui ont fait leur cette phrase terrible de Georges Bernanos : « Quand je n’aurai plus qu’une paire de fesses pour penser, j’irai l’asseoir à l’Académie française. » Ce sont tous ces porte-drapeaux autoproclamés de la bien-pensance qui ont barré d’une croix noire leur bulletin de vote, alors que la majorité des immortels choisissait d’accueillir parmi eux le philosophe Alain Finkielkraut. L’auteur de la Défaite de la pensée ne laisse personne indifférent, par ses écrits, par ses prises de position médiatiques, et surtout par un attachement formidable à la France et à ses valeurs. Lui, le juif d’origine polonaise, pur produit de la méritocratie française, professeur à Berkeley puis à Polytechnique, ne reconnaît plus notre pays tel qu’il était il y a cinquante ans. Il ne fait que dire cela. Et il l’a à nouveau magnifiquement écrit à l’automne dernier dans un ouvrage qui a suscité la polémique : l’Identité malheureuse.
Jean d’Ormesson, qui s’est beaucoup battu pour qu’Alain Finkielkraut puisse entrer Quai de Conti, a écrit dans Au plaisir de Dieu que « la tradition est un progrès qui a réussi ». L’Académie française est un lieu ô combien traditionnel, mais qui se retrouve parfaitement, avec ses quatre siècles d’existence, dans cette jolie formule. C’est un progrès qui a réussi en s’ouvrant successivement aux femmes, aux étrangers, formidables défenseurs de la francophonie, et maintenant à un philosophe français “de sang mêlé” qui, en osant prendre la défense des “Français de souche”, représente davantage l’opinion majoritaire dans le pays que ces quelques habitués du Café de Flore, auteurs, à son encontre, d’une cabale insupportable.
Non, Alain Finkielkraut ne fait pas rentrer « le Front national sous la Coupole » comme ses détracteurs ont pu le déclarer avant de gribouiller des croix noires contre celui dont la famille avait autrefois connu les étoiles jaunes. Il y fait rentrer un attachement impressionnant aux valeurs d’une France qui est en train de disparaître et que l’Académie a pour mission de perpétuer autant que de défendre. Il ne cesse de s’inquiéter d’une école de la République incapable d’enseigner la lecture, en passe de sombrer sous le coup d’un absurde pédagogisme et qui refuse les différences, notamment les signes religieux. Alain Finkielkraut est certainement celui qui a le mieux montré la bêtise des mesures issues de la commission Stasi, privant les gamins de leur kippa ou de leur médaille de baptême, sous prétexte que cela pouvait offenser certains de leurs camarades de classe, voire même fausser leur discernement.
Maintenant, c’est vrai, il s’inquiète haut et fort d’un islam qui se fait trop présent et devant lequel toutes les institutions françaises s’inclinent avec une facilité déconcertante. Et lorsqu’il ressasse l’exemple de Villers-Cotterêts, où la maison du maître d’école a été remplacée par une mosquée et la charcuterie par une boucherie halal, il ne fait que pointer du doigt ce que d’autres appellent « le grand remplacement ». Son but n’est pas d’appeler à une fermeture des frontières, mais d’être l’une des dernières sentinelles de cette France que nous aimons tous, forgée par mille ans d’histoire, décrite par Victor Hugo, chantée par Péguy et défendue par Clemenceau, cette France dont les repères, sacrifiés par l’angélisme béat de certaines élites à l’égard du multiculturalisme, sont en train de disparaître.
C’est cette “trahison des clercs”, à laquelle nous assistons lorsque Manuel Valls déclare que « l’islam est compatible avec la démocratie », qui crée un véritable désarroi identitaire. Bien sûr, vient s’ajouter à cela une crise économique qui affecte bon nombre de Français dans leur vie quotidienne. Mais tous ceux qui s’obstinent à comparer la situation actuelle avec celle des années trente, aveuglés par la seule montée du populisme, n’ont pas compris à quel point, aujourd’hui, les malheurs de la France se résument d’abord à cette incroyable crise d’identité. À ce que des millions et des millions de Français de souche ou qui ont été assimilés ne reconnaissent plus le pays dans lequel ils ont grandi. Le premier ministre ferait bien, tant que sa popularité est au zénith, de relire les livres d’Alain Finkielkraut, lui qui, comme ministre de l’Intérieur, a participé plus que d’autres à l’émergence de ce désarroi identitaire. Comment s’étonner, pourtant, que ce sentiment s’accroisse encore cette semaine pour nos frères juifs qui fêtent leur pâque (Pessah) et pour les catholiques qui vont célébrer la résurrection du Christ. Sans un voeu des autorités républicaines pourtant si promptes à accompagner l’ouverture du ramadan et l’Aïd el-Kébir !
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