lundi 16 septembre 2013
La crise fête ses cinq ans et elle se porte bien
Depuis 2008, la crise a pris plusieurs visages. Malgré l'optimisme ambiant, elle est loin d'appartenir à l'histoire.
Cinq ans après la faillite de Lehman Brothers, rien n'y fait. Le PIB de la zone euro a beau s'être redressé au deuxième trimestre de 0,3 %, la Fed a beau réfléchir à une stratégie de sortie de l'urgence, l'optimisme a beau être de mise. La crise est toujours là. Et l'Europe est plus que jamais en première ligne.
Dilemme européen
Les Etats européens demeurent confrontés à un dilemme insurmontable dans l'état des forces politiques actuelles : doit-on donner la priorité à la croissance ou au désendettement ? Les récents débats français viennent de le rappeler. Le gouvernement hexagonal, qui a tant fait le fanfaron en août sur les chiffres de la croissance est ainsi le premier à ne pas hésiter à prendre le risque de briser ce timide élan pour revenir au plus vite dans les clous fixés par le traité de Maastricht.
Poids de la dette
Mais la question du poids de la dette empoisonne tout autant le Portugal, l'Irlande ou la Grèce. Des pays dont les demandes intérieures ont été sacrifiés sur l'autel de la dette et de la réduction des déficits et qui voient, malgré tout, le poids de leur endettement continuer à progresser. La troïka arrive au Portugal pour encore imposer de nouvelles mesures d'austérité et la Grèce ne peut guère se réjouir d'avoir dégagé un excédent budgétaire primaire qui sera englouti par le service d'une dette dont le poids est intenable.
Le « consensus européen » brisé
Alors que l'Europe, et en premier lieu sa seule puissance crédible devant les marchés, l'Allemagne, semble incapable de faire des choix clairs, les effets de la crise n'ont pas fini de se faire sentir sur le vieux continent. Partout montent les « populismes » qui remettent en cause le « consensus européen » qui dominait avant 2007-2008. Dans des pays traditionnellement europhiles comme l'Italie ou la Grèce, ces forces représentent des poids politiques désormais incontournables. Le danger d'une progression encore plus forte et surtout d'une alliance stratégique avec un parti « de gouvernement » ne peut être écartée et ouvrirait un nouveau front dans la crise. On voit déjà que le rapprochement entre l'UMP et le FN en France ou celui de Beppe Grillo et du Parti démocrate en Italie est une hypothèse de travail. Dans ce cas, la confiance dans la zone euro pourrait encore en souffrir.
Economie mondiale en lambeaux
Bref, rien n'est réglé, loin de là. Et l'accalmie ne doit pas cacher une autre réalité : cinq ans après Lehman les économies européennes et mondiales demeurent tout aussi instables et déséquilibrées. Les structures sociales et politiques sont en lambeaux. Le printemps et l'été derniers nous ont rappelé cette vérité. Le ralentissement des exportations induit par le ralentissement européen a provoqué des chocs sociaux, politiques et monétaires qui ont frappé pêle-mêle l'Egypte, la Turquie, le Brésil ou encore l'Inde. Autre signe inquiétant : la tension qui s'est emparé du marché boursier lorsque la Fed a annoncé sa volonté de réduire ses injections monétaires. Signe que nul ne croit en une croissance « autonome. » Les marchés comme l'économie « réelles » sont sous perfusion.
Incapacités politiques
Tout est à reconstruire, mais on a peine à croire que cette reconstruction puisse avoir lieu. L'incapacité des dirigeants mondiaux à gérer cette crise depuis six ans est désormais avérée. Lorsque le système financier a montré des signes de faiblesses à l'été 2007, on a nié le sérieux de l'affaire. En 2008, on a géré la panique dans l'urgence. Pour éviter d'autres Lehman, on a renfloué les banques à coups de milliards. Aucun Etat n'a échappé à son « plan de sauvetage bancaire. » Pour rétablir la croissance, on a lancé des plans de relance sans véritable cohérence. Seuls comptaient alors les milliards que l'on promettait de placer dans l'économie. Aux Etats-Unis et au Japon, on est entré dans la zone grise des taux zéro.
Mistigri de la dette
Les banques ont survécu, pour la plupart. Mais les Etats sont entrés dans la crise. Le mistigri de la dette leur avait été transmis. La crise de confiance envers les banques est devenue une crise de confiance envers les Etats. L'Europe, avec sa construction monétaire baroque, s'est retrouvée en première ligne. La crise de la zone euro a suivi. Elle aussi a été gérée en dépit du bon sens. Là aussi, on a d'abord voulu n'y voir qu'une « crise grecque » avant d'avoir recours à des méthodes radicalement opposées à celles de 2008-2009, mais tout aussi inefficaces et en réalité nocives.
Généralisation de la crise
Les dirigeants mondiaux et européens, plus guidés par leurs intérêts domestiques propres que par l'intérêt général, ont mené une gestion de courte vue. Les Etats-Unis ont montré leur incapacité à gérer comme jadis l'économie mondiale. La Chine et l'Allemagne n'ont pas su ou pu s'imposer comme nouveaux leader. L'économie mondiale, privée de tête, s'est mise à errer dans le désert. On a transmis le mistigri à ceux qui étaient encore dans une situation saine : les banques centrales, les ménages, les émergents. Ces trois derniers acteurs ont fini par être infectés. Nous n'en sommes qu'à ce moment de la crise. Au début d'une crise qui peut finalement frapper l'ensemble de l'économie mondiale.
En faisant faillite, Lehman Brothers (qui a été cependant elle-même victime des conséquences de la crise des subprimes) a ouvert plus qu'une crise économique. C'est une crise de la science économique, de la classe politique et de l'ensemble de la société post-industrielle qui s'est ouverte. Et elle n'est pas encore fermée.
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