TOUT EST DIT

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lundi 30 septembre 2013

Droite-gauche, pourquoi tant de haine ?

Un sénateur UMP a lancé un appel au meurtre contre François Hollande. Derrière l'outrance, Michèle Cotta analyse la violence de notre vie politique.

Il s'appelle Éric Doligé. Au Sénat, depuis qu'il y est élu comme représentant du Loiret, il ne s'est guère fait connaître que pour quelques propositions de loi sur la chasse ou la notion d'artisan restaurateur. Un sénateur moyen, disons. Pourtant, cette semaine, au cours des journées parlementaires UMP, il a été pendant quelques heures la vedette. Qu'a-t-il fait ? Qu'a-t-il dit pour marquer ainsi les deux jours de réflexion des parlementaires de l'opposition ? Il a tout simplement déclaré qu'il pouvait fournir à ses collègues et amis "une liste de gens sur lesquels il faut tirer. Il y en a une quarantaine, c'est tous ceux du gouvernement". Comme si cela ne suffisait pas, il n'a pas craint de revendiquer l' "instinct meurtrier" qui était le sien à l'égard de "la bande à Hollande". Pour finir cette séquence digne de la série Esprits criminels, Jean-Claude Gaudin y ajouta un bon mot comme pour enfoncer le clou : "Je peux fournir les kalachnikovs." Plaisanterie d'assez mauvais goût, même sur la Cannebière. On a connu le maire de Marseille, bon vivant et excellent convive au demeurant, plus drôle.
Le sénateur du Loiret n'est sans doute pas dans la vie de tous les jours un foudre de guerre ni un chef de bande. Sans doute, le début de son intervention aux journées parlementaires le montre, voulait-il exhorter ses amis de l'UMP à ne pas échanger entre eux des tirs croisés nourris. Sans doute voulait-il ramener les élus de l'opposition à faire la paix plutôt que la guerre. En somme, cela partait d'un bon sentiment. Mais voilà, la politique ne se fait pas qu'avec des bons sentiments, Éric Doligé l'a montré tout aussitôt, en ajoutant à son intervention banale une phrase supplémentaire, une phrase de trop.

La schématisation de la vie politique française

Ce ne serait qu'un dérapage de tribune sans importance si les mots employés n'apparaissaient pas comme une incitation à quelque chose qu'on appellerait, dans certaines banlieues de grandes villes, "la haine" et, ailleurs, dans les beaux quartiers, "la violence". Une violence certes pas ordinaire, une violence difficilement supportable, en tout cas, dans des instances respectueuses d'un minimum de démocratie. Après tout, François Hollande a été élu en 2012, il n'a pas fait de coup d'État en bande organisée, il n'a pas fait main basse sur la France.
Pourquoi donc tant de haine ? Au moment où, après une campagne électorale très dure, où personne n'a épargné personne, Angela Merkel et son concurrent social-démocrate cherchent un compromis qui les amènerait éventuellement à gouverner ensemble, faut-il donc penser que la France est coupée en deux camps hostiles, irréconciliables, où tout est bon, juste et efficace d'un côté, et nul, contraire au bon sens ainsi qu'aux intérêts supérieurs de la France, de l'autre ?
Cette schématisation de la vie politique française, cette fureur dans les propos et sur les tréteaux est sans doute le contraire de ce qu'il faudrait dans ces moments graves où le monde sort à peine de la crise, où l'Europe a tant de mal à mettre le nez hors de l'eau, où les Français - qui n'y sont pour rien dans les querelles "policardes" - auraient besoin que leur classe politique les rassure plutôt que de se montrer divisée.

Des leaders que rien ne parvient à rapprocher

La division, à vrai dire, elle est partout : dans la majorité, souvent prompte à étaler ses divergences et ses hésitations, et dans l'opposition, qui aurait pourtant intérêt à s'unir, et ce d'autant plus qu'elle tient à se montrer prête à gouverner dans un avenir qui se rapproche chaque jour. Qu'entend-on, que voit-on de ce côté ? Des leaders que rien ne parvient à rapprocher, entre un Jean-François Copé trop pressé et un François Fillon dont la stratégie fluctue au gré de ce qu'il croit être le désir de la base. Des oiseaux de mauvais augure, qui affirment, en se tirant une balle dans le pied, que l'UMP se meurt, qu'elle est morte. Des jeunes aux dents longues qui, réclamant un bilan de l'action de Nicolas Sarkozy qu'ils ont suivi sans broncher pendant cinq ans, ne parviennent pas à tomber d'accord sur les quelques grandes orientations qui les rendraient crédibles. Bref, une opposition qui ne se nourrit, faute de consensus, que des erreurs et des difficultés de la gauche au pouvoir.
Voilà ce que traduit "l'instinct meurtrier" d'Éric Doligé qui, président par ailleurs du Conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours du Loiret, aurait mieux fait de chercher à éteindre les feux qu'à souffler sur les braises. Avec ou sans kalachnikov. 

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