mardi 25 juin 2013
Qui vient encore, qui ne vient plus : les efforts de Hollande pour vendre la France aux investisseurs étrangers suffiront-ils à enrayer leur désaffection grandissante pour l'Hexagone ?
Ce mardi François Hollande déroule le tapis rouge aux entrepreneurs étrangers : rencontre avec les membres du China Entrepreneur Club, réception des chefs d’entreprises chinois, français et européens à l’occasion de l’International Capital Conference puis dîner avec les dirigeants de grandes entreprises internationales, organisé avec le Forum économique mondial de Davos.
Robin Rivaton : L'attractivité de la France est en nette perte de vitesse. Selon les données d'Ernst & Young, l’Hexagone a accueilli 471 projets d’implantation étrangers en 2012, soit 13 % de moins qu’en 2011 avec une baisse de 20% du volume d'emplois créés.
Ces chiffres, qui placent la France derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne, concordent avec ceux de l'Agence française des investissements internationaux et de la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement). D'après ceux-ci, l’année 2012 a marqué le plus faible volume de création d’emplois par des investisseurs étrangers depuis 2002. Au niveau du classement mondial des investissements directs étrangers (IDE), la France est passée entre 2010 et 2012, de la 4e à la 6e place, cédant 30% en valeur.
Julien Balkany : Malheureusement un peu plus d’un an après l’élection de François Hollande force est de constater que le gouvernement actuel entraîne notre pays à rebours de la marche du monde et que la France perd tous les jours des points en terme d’attractivité et de compétitivité pour les investisseurs étrangers et donc pour la création d’emplois et de richesses qui en découlent.
La France est clairement en perte de vitesse et apparait désormais en Europe comme une destination de second rang aux côtés de l'Italie et l'Espagne, loin derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne.
Julien Balkany : Une grande majorité des fonds d’investissement anglo-saxons (fonds de private equity ou "hedge funds") ne regardent plus, ou presque plus, des dossiers d’investissements en France. Le manque de visibilité à moyen et long terme, le coût du travail trop élevé doublé d’un manque de flexibilité, les discours accusateurs du gouvernement et surtout l’instabilité fiscale et juridique ont raison de cette catégorie d’investisseurs qui se sent stigmatiser et peu encourager à investir en France et se détourne vers d’autres pays plus attractifs.
Les fonds souverains du Moyen-Orient, avec le Qatar en tête continuent d’investir en France mais il est inquiétant de voir que même avec le Qatar, alors que nous sommes souvent présentés comme son meilleur allié, la France n’est que la 4eme destination pour ses investissements en Europe derrière l’Allemagne, la Grande Bretagne et même la Suisse.
Le récent rachat du Printemps par un fonds qatari illustre parfaitement la situation actuelle. Le seul autre acheteur déclaré était français (son concurrent, Galeries Lafayette). Aucun fonds d’investissement anglo-saxon n’a souhaité émettre une offre pour l’emblématique grand magasin du boulevard Haussmann, alors qu’on spécule aux Etats-Unis sur une cession prochaine des grands magasins Saks, équivalent new-yorkais du Printemps, et que plusieurs fonds américains, KKR, TPG, Carlyle, Warburg Pincus seraient intéressés. Tous ses fonds semblent être aujourd’hui aux "abonnés absents" en France.
Robin Rivaton : On peut dire que oui. La France est le seul pays parmi les 15 premiers récepteurs d'IDE, avec dans une moindre mesure les Pays-Bas, à avoir vu son stock d'IDE entrants rapportés au PIB baisser entre 2005 et 2012. À l'horizon 2014, la CNUCED considère même que la France sera éjectée hors du top 10, où l'Allemagne et le Royaume-Uni, que nous dépassions il y a encore trois ans, conserveront les 7e et 8e places.
Julien Balkany : Ce constat est préoccupant pour ne pas dire très inquiétant. Au vu des chiffres alarmistes il est temps de changer de politique économique. Dans la compétition mondiale qui se joue il est encore possible de mettre un terme à ce déni de réalité, encore faut-il avoir le courage politique de reformer sans état d’âme et de mener une politique volontariste dans les domaines économiques et industriels.
Robin Rivaton : Non, nous payons des erreurs politiques de long-terme et l'absence de réformes depuis 10 ans. La décision d'investissement est un indicateur tardif du cycle économique d'un pays. Elle comprend en effet une large composante psychologique. C'est d'ailleurs pour rationaliser cet aspect que les investisseurs étrangers se tournent de plus en plus vers les classements comme source d'information fiable. Or, il s'avère que l'image de la France se dégrade dans ces classements depuis longtemps : 21e dans celui du World Economic Forum, 34e dans le rapport Doing Business, 169e dans le classement sur l'attractivité fiscale, masquant nos atouts en termes d'infrastructures ou d'aide publique à la recherche et développement.
Julien Balkany : Les investisseurs étrangers sont désorientés par le manque de cap en termes de stabilité et de pression fiscale, par le manque de flexibilité de l’emploi et par les faibles perspectives de croissance de la France.
La France est tout d’abord malade de sa fiscalité et de son inhérent matraquage mené par l’actuel gouvernemet. Trop lourde, trop complexe, trop soumise aux changements de cap, trop instable, notre fiscalité est un boulet pour nos entreprises et pour notre compétitivité. Elle ne redresse pas la France, elle la consume à petit feu !
Robin Rivaton : Il faut bien comprendre que les entreprises étrangères implantées en France sont un puissant facteur de croissance. Ces acteurs dynamiques et indispensables de notre économie emploient plus de deux millions de salariés dans notre pays et réalisent 20% de la recherche-développement privée. Plus important encore, elles sont à l’origine de plus d’un tiers des exportations françaises car elles opèrent plus souvent dans l’industrie, secteur où les entreprises françaises présentent des faiblesses évidentes. General Electric, par exemple, emploie 11 000 salariés en France et exporte entre 70 à 95% de sa production française en fonction des métiers.
Elles ont été un amortisseur essentiel au délitement du tissu économique national ces 10 dernières années.
Julien Balkany : Les investisseurs recherchent avant tout la stabilité et la sérénité. Leur objectif est de réaliser des investissements dans un environnement pérenne. Pour renouer avec la croissance il est essentiel de présenter des mesures en faveur de la compétitivité et de l’innovation. Il faut renforcer le crédit d’impôt recherche visant à amplifier l’effort de recherche et développement des entreprises et soutenir l’enseignement supérieur.
Dans ce monde en mutation permanente, il nous faut innover et rechercher de nouveaux socles sur lesquels bâtir notre croissance économique. Les investisseurs industriels sont conscients qu’il est nécessaire de changer de gamme de production, d’innover davantage pour se positionner sur des produits qui font appel à une main-d’œuvre qualifiée, qui permettront de payer des salaires à leur juste valeur et de tirer la croissance vers le haut.
Julien Balkany : Le gouvernement actuel doit déjà commencer par réaliser qu’il s’agit d’une compétition mondiale et que pour reconquérir notre rang nous devons utiliser toutes les armes dont nous disposons y compris fiscales. La taxe anti-délocalisation ainsi que la mise en place de nouvelles conditions fiscales incitatives pour attirer les investisseurs étrangers peuvent apparaitre comme des mesures prenant tout leur sens en cette période charnière.
Il n’est pas trop tard la France peut encore gagner ce combat. Dans le contexte actuel se pose plus que jamais la question de l'harmonisation fiscale et du droit du travail au sein de l'Union européenne. En portant cette question, la France pourrait redevenir le moteur de l'Union européenne plutôt que faire la course derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni.
Julien Balkany : Le fait que la France reste numéro un ne doit pas masquer la réalité qui est extrêmement préoccupante. Il faut remettre ce chiffre dans son contexte. Les nouvelles implantations ne permettent pas de palier les fermetures de sites et les délocalisations.
La France doit jouer davantage la carte de la flexibilité de l’emploi, s'engager dans une baisse des charges sociales et réformer son système éducatif supérieur.
Robin Rivaton : Puisque le gouvernement s’est fixé pour objectif d’augmenter de 40 % le nombre d’investissements étrangers d’ici à 2017, il va devoir lever les freins régulièrement cités par les investisseurs étrangers : coût du travail, fiscalité des entreprises mais aussi productivité du travail. Selon le sondage mené par l’Agence française pour les investissements internationaux (AFII) auprès d’investisseurs étrangers chaque année, les points où la France recueille le moins d’avis positifs de la part des investisseurs sont le coût du travail (40%), la productivité du travail (52%) et la fiscalité des entreprise (62%). Mais au-delà de ces critères tangibles qui nécessitent des réformes de structure, les investisseurs recherchent des décisions symboliques montrant qu'ils sont attendus.
Julien Balkany : Il faut commencer à réformer structurellement notre modèle social et économique. Nous devons implanter une politique fiscale attractive et compréhensible, moderne, équitable, responsable et surtout pérenne ! Une politique fiscale récompensant la création d’emploi, favorisant l’innovation, les investissements étrangers et le retour des Français qui sont malheureusement de plus en plus nombreux à s’expatrier. En bref, il faut créer des conditions incitatives plutôt que punitives !
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