mardi 1 mai 2012
Pourquoi la France s'obstine-t-elle à construire sa démocratie sociale sur des syndicats si peu représentatifs ?
8% de syndiqués en France, 10 à 20%
seulement de participation aux élections professionnelles : qu'ils
représentent les salariés ou les patrons, les syndicats n'ont pas su
évoluer avec la société depuis 1945. Pourtant, ces partenaires sociaux
beaucoup moins contrôlés que n'importe quel autre corps social demeurent
investis de nombreuses responsabilités.
Les propositions de 3 responsables syndicaux en colère pour un big bang
refondateur de la démocratie sociale française.
L’insatisfaction collective vis-à-vis de la
démocratie sociale explique en grande partie le résultat du premier tour
de l’élection présidentielle. Et les déclarations tonitruantes de
Nicolas Sarkozy sur «les corps intermédiaires», autant que les appels de
François Hollande à renforcer le dialogue entre les «partenaires
sociaux», ne sont que la traduction du sentiment des Français que
quelque chose ne tourne pas rond dans la société française.
Mais
personne ne semble avoir pris conscience que nombre de réformes
demandées par les Français portent sur des domaines qui souffrent de
plus en plus de dysfonctionnement, sont frappées de toujours plus de
scandales (formation professionnelle, 1% logement, complémentaires santé
obligatoires, caisse de congés du bâtiment, CE, CCI…), et ont pour
dénominateur commun les partenaires sociaux qui en ont la charge.
Partenaires sociaux qui, en plus de ne recevoir aucun mandat réel des
Français pour prendre des décisions qui s’imposent à tous, ne sont
soumis à aucun contrôle, ni à aucune évaluation de leur action : que ce
soit sur le plan des alertes, des analyses ou des solutions proposées et
mises en œuvre.
Contrairement à la
politique, les élections professionnelles n’agissent jamais en sanctions
correctrices des égarements, mais visent seulement à réajuster la
distribution des subsides publics en fonction des résultats obtenus… Il
faut donc bien chercher dans l’inutilité de ces élections les raisons
profondes qui conduisent les Français à ne pas y participer. La
syndicalisation ne cesse de diminuer, et les salariés perçoivent leur
solitude et la surdité du politique comme une situation insupportable
dont ils souhaitent sortir.
Une
remise à plat de la gouvernance sociale est une condition nécessaire
pour rendre aux entreprises et aux salariés la voix dont ils sont
spoliés, à la croissance les fondements sur lesquelles s’ériger. Ce big
bang social doit passer par trois étapes décisives.
Premièrement,
il faut régler le problème de la représentativité patronale sur un
paradigme plus ambitieux que celui de la représentation salariale.
L’élection doit être le fondement de la représentativité. Certes. Mais
des entreprises, pas des organisations.
Cela
implique de simplifier le paysage patronal en formalisant une Chambre
économique regroupant l’ensemble des institutions existantes, chambres
consulaires et ordres professionnels, composée d’élus au suffrage
universel proportionnel. Elle seule serait représentative. Il en
résulterait une parole patronale démocratique, unifiée, enracinée sur
des fondements clairs. Cette solution offre l’avantage d’avoir le Préfet
pour tutelle et d’être contrôlée par les élus eux-mêmes et la Cour des
Comptes.
Cette Chambre aurait des
déclinaisons territoriales destinées à donner une cohérence à
l’expression locale des entreprises. Sa vocation serait de représenter
l’ensemble des entreprises, dans la diversité de leurs activités et de
leurs points de vue, dans l’originalité de leurs contributions et,
chaque fois que nécessaire, d’organiser la médiation.
Ce
modèle répondrait au souhait du Medef d’une représentation patronale
unique, tout en respectant celui de la CGPME, des branches et des
alternatifs, de ne pas être dissoute pour la première, inféodés pour les
autres. Il permettrait, en cas de défaillance d’un ou plusieurs
acteurs, l’émergence de nouvelles voix. Il aurait l’avantage également
pour les pouvoir publics de proposer un interlocuteur dont la
représentativité tirée du scrutin universel serait incontestable.
Deuxièmement,
comme pour les chefs d’entreprise, la représentation des salariés doit
être le résultat de la désignation démocratique de leurs représentants
dans des institutions transparentes et indépendantes. Le modèle proposé
doit donc être étendu à la représentation des salariés. Et l’on pourrait
s’inspirer pour cela du modèle des Chambres d’agriculture ou
agriculteurs et salariés siègent ensemble.
Troisièmement,
il faut régler de façon définitive la question des sources de
financement des organisations syndicales. Le lien de dépendance entre
fonds paritaires et subsistance des organisations biaise
fondamentalement toute représentation et tentative de réformer pour
permettre au système de gagner en efficacité.
L’état
de la formation professionnelle en est la preuve. Les organisations
syndicales qui vivent des fonds de la formation, CGPME en tête, sont
autant de forces de blocage dans une réforme de plus en plus cruciale
pour notre économie.
Les financements
affectés aux missions paritaires, celles-ci n’étant plus assumées par
les syndicats (sauf au niveau des branches) mais par les instances
représentatives, seront affectés à ces dernières.
Cette
refondation apporterait une nouvelle dynamique au dialogue social et
aurait le mérite de sortir enfin la représentation des entreprises et
des salariés de ses habits éculés, hérités de la Libération, qui ne
correspondent plus à aucune réalité économique mais font le lit du
populisme que les uns et les autres disent vouloir combattre. Les
politiques peuvent contribuer, plus que jamais à la reconstruction de
cette légitimité.
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