L’énergie du sportif
Dans sa fonction de président comme pour sa campagne, Nicolas Sarkozy s’impose une hygiène de sportif car son agenda électoral est rempli matin, midi et soir, sept jours sur sept. Peut-être inspiré par les exploits de ses amis champions Lance Armstrong et Richard Virenque, le chef de l’état entretient sa forme. Oublié le malaise de juillet 2009, sous la canicule. « Tous les jours, je fais du sport. Je pense que c’est extrêmement important. C’est le seul moyen de résister à la pression, au stress, d’être tranquille, de ne pas grossir », a-t-il confié après une sortie à bicyclette le week-end de Pâques.Du vélo dans le col du Canadel au-dessus de la Méditerranée, un jogging dans Central Park à New York, ou dans le parc de l’Élysée avant et après un voyage de douze heures sur l’île de La Réunion… « Ce n’est pas du chiqué pour la télévision. La course, c’est ce qui le sauve », assure Isabelle Balkany, une fidèle de longue date. L’exercice physique va de pair avec une forme d’ascèse. « À 20 h 30 c’est extinction des feux », plaisante un conseiller de l’ombre. Le président ne boit pas et ne fume pas, à part quelques cigares. Et s’il a un faible pour les chouquettes et les chocolats, gourmandises essentielles à ses loges de meetings, il n’est pas très amateur de bonne table.
« Il est plutôt du genre à manger quelque chose qui va lui faire perdre 500 grammes », sourit un invité de l’Élysée. Il n’a pas la passion de Georges Pompidou pour les plats de paysans ou le coup de fourchette de Jacques Chirac pour la tête de veau. « Au fond, il est mal imprégné de ce qu’aiment les Français » , souligne le gaulliste Jean-François Probst, ancien conseiller de Jacques Chirac et de Charles Pasqua, qui soutient aujourd’hui le centriste François Bayrou.
La puissance de travail
Des semaines pleines de rendez-vous, quelques espaces de liberté les samedis et dimanches : au quotidien, amis et collaborateurs observent un homme « méticuleux » , qui « ne se complaît que dans le travail » et qui, « lorsqu’il s’arrête d’agir, va bosser les dossiers », au point de « les connaître mieux que ses ministres » . « Son énergie est une constante. Il a toujours été comme ça depuis son plus jeune âge. Il a toujours voulu régler les problèmes lui-même. À ses débuts au RPR, il ne partait pas en vacances au mois d’août ! », se rappelle Patrick Balkany, maire UMP de Levallois-Perret, qui partage avec le chef de l’État des origines hongroises.Isabelle Balkany a une explication : « Nicolas est hypermnésique. Il possède un progiciel de mémoire au-delà de la norme. C’est la capacité à enregistrer une somme phénoménale d’informations. Il en tire la synthèse, l’analyse de la synthèse et des idées personnelles. C’est bluffant. » Des journaux, des contributions ou encore des notes, de droite et parfois de gauche : il lit très vite, surligne beaucoup et se souvient de tout. Jusque dans les détails du cours de l’endive, placé dans un dialogue avec une productrice de tomates lors d’une émission sur TF1. Mais il lit aussi les œuvres complètes de Maupassant ou de Simenon ou visionne de vieux films.
Un conseiller de la présidence assure que ce n’est « pas factice » . Cette communication sur les passions du chef de l’État pour les livres et les films qu’il adore regarder avec son épouse Carla a d’abord pour objectif de faire oublier sa maladresse à l’égard de La Princesse de Clèves , œuvre de Marie-Madeleine de La Fayette qu’il avait eu l’imprudence de dénigrer en 2008. Lui est surtout un dévoreur de télévision, toujours branché sur l’actualité nationale et internationale.
La volonté de convaincre
François Mitterrand et Jacques Chirac voulaient séduire. Nicolas Sarkozy, lui, veut convaincre. Il est avant tout un avocat, son métier d’origine, et un débatteur. L’écrivain Denis Tillinac, très proche de Jacques Chirac et qui soutient Nicolas Sarkozy, se souvient de leur rencontre : « J’ai vu arriver un gars qui parlait comme Gabin, dans un film de Verneuil, avec des dialogues d’Audiard ! J’ai été séduit par sa marginalité par rapport à la technostructure. Il a une espèce de fluidité, une mobilité intellectuelle fascinante, supérieure à tous. Il n’est pas prisonnier du métalangage des énarques ou des rites des préfets. C’est pourquoi il aime bousculer les grands corps ».Dans ce moteur de l’ambition, l’affectif joue un rôle essentiel, tout comme un certain goût de la provocation. « Il aime ou il déteste, poursuit Denis Tillinac. Il a des emballements. Il “antagonise” toujours un peu. C’est son starter. Il a besoin de ça. » « Son tempérament est de prendre tous les risques », confirme son ami, l’ancien ministre Brice Hortefeux. Pour prendre le pouvoir ou le garder, Nicolas Sarkozy ne lésine pas sur les moyens. Jean-François Probst se rappelle comment Nicolas Sarkozy a ravi la mairie de Neuilly-sur-Seine à Charles Pasqua en 1983, avec « ce côté attachant, machiavélique et culotté, enfant naturel de Mitterrand et de Chirac, cette façon d’entrer par les trous de serrure, cet entêtement du forcené ». « Il veut à tout prix », conclut-il. Ce désir de gagner l’adhésion se traduit parfois par des emportements ou une forme d’agressivité verbale, comme ont pu s’en rendre compte des pêcheurs, des chercheurs ou des magistrats, durant son mandat.
Le sens du récit
Nicolas Sarkozy est à la fois l’acteur et le metteur en scène de sa propre histoire. En 2007, il a mis en avant son statut de « fils d’immigré, de petit Français au sang mêlé » . En 2012, il met en valeur son profil « protecteur » de « président des crises » . « Il n’a pas besoin de gourou en communication car le gourou, c’est lui ! » estime un professionnel.Officiellement déclaré candidat le 15 février dernier, le président sortant a depuis longtemps « en tête » le scénario de sa deuxième élection présidentielle. Début 2011, il y réfléchissait déjà. Serait-il, confiait alors un proche de l’Élysée, « le candidat de la révolte ou du peuple contre les élites » , face à Dominique Strauss-Kahn, encore directeur du Fonds monétaire international, ou « le candidat de l’union nationale contre l’extrémisme » , représenté par la présidente du FN Marine Le Pen ? Nicolas Sarkozy a fini par choisir d’incarner les deux : « candidat du peuple de France » sur les estrades, à la recherche du vote populaire, et partisan d’un « grand rassemblement d’unité nationale » en cas de réélection, pour tenter de gagner les voix centristes.
« Il aime surprendre, être admiré, se voir sur la scène de l’Histoire. Comme en Libye où il s’est installé en chef de l’armée française. Il a un côté Bonaparte au pont d’Arcole ou France des mousquetaires » , s’enthousiasme Denis Tillinac, qui a accompagné le chef de l’État au Vatican en octobre 2010. Mais à l’heure du vote, remarque Jean-François Probst, « son attirance pour le monde de l’argent, sa défense des banquiers et des grandes entreprises » ainsi que « les promesses non tenues » contribuent à alimenter le « rejet » et s’avèrent « ses principales faiblesses ».
L’exercice solitaire du pouvoir
Nicolas Sarkozy, longtemps qualifié d’« hyperprésident », a « une stratégie élaborée personnellement, avec un petit cercle » , note un responsable UMP.« Comme il a gouverné, il fait sa campagne. Il a la force du combattant. » S’il est fidèle à sa bande de copains et s’il travaille par cercles horizontaux d’entourages et d’alliés, Nicolas Sarkozy s’appuie surtout sur une dizaine de collaborateurs, parmi lesquels le stratège Patrick Buisson et la « plume » Henri Guaino tiennent un rôle essentiel. « Ce sont ses doudous », s’amuse un ténor de la majorité pour évoquer l’alchimie réussie de la victoire de 2007. Pour autant ajoute-t-il, « il n’est pas sourd » même s’il n’est « pas toujours très habile avec ceux qui ne sont pas dans son raisonnement ».–––––––––
Une famille recomposée
Nicolas Sarkozy est né le 28 janvier 1955 à Paris. En février 2008 à l’Élysée, il a épousé en troisièmes noces la chanteuse et ancienne mannequin Carla Bruni, maman d’un petit garçon, Aurélien. Il est père de quatre enfants : Pierre, Jean, Louis et Giulia, née en octobre dernier.L’homme fort des Hauts-de-Seine
Avocat de profession, Nicolas Sarkozy a été maire de Neuilly-sur-Seine (1983-2002), député des Hauts-de-Seine (1988-2002) et président du conseil général de ce département (2004-2007). Il a été ministre du budget (1993-1995), dans le gouvernement d’Édouard Balladur, de l’intérieur (2002-2004 et 2005-2007) et de l’économie (mars-novembre 2004) dans les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin.Balladur, plutôt que Chirac
Membre du RPR puis de l’UMP, Nicolas Sarkozy a été, lors de la présidentielle de 1995, un partisan du premier ministre Édouard Balladur, dont il fut le porte-parole, contre Jacques Chirac, qui sera élu. Le 6 mai 2007, il est élu à la tête de l’état avec 53,1 % des voix, face à Ségolène Royal.(1) Christian Courrèges, à qui La Croix a confié le soin de photographier les candidats à l’élection présidentielle, n’a pas encore eu l’occasion de le faire avec Nicolas Sarkozy.
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