Certains ont tenu un discours de vérité. Ils ont opté pour la politique du « sang et des larmes », notamment parce qu'il n'y avait pas d'autre choix que de manier le bistouri. Dans ces pays, la fonction publique et les retraités ont été les premières victimes, mais tous ont été frappés par des hausses d'impôt sur le revenu et/ou de la TVA. Les politiques sociales ont subi des coupes drastiques et le nombre des chômeurs s'est envolé.
Dans la foulée, tous les gouvernements en place ont été remplacés par de nouvelles équipes. Dans les pays du Nord, la réaction des citoyens a été canalisée par les partis d'opposition et les syndicats. En Grèce, à l'inverse, les partis extrêmes, les mouvements anarchistes et les protestations sociales ont paralysé la mise en œuvre des mesures d'austérité. Les partis de gouvernement (socialistes et droite), habitués depuis des générations à pratiquer des politiques clientélistes, se sont avérés, en définitive, incapables de faire face.
C'est aussi ce qui est survenu en Italie, mais par des voies différentes : le gouvernement d'experts de Mario Monti a succédé à un gouvernement Berlusconi qui niait la crise, faute de pouvoir l'affronter. Monti est soutenu par une coalition parlementaire qui va de la droite au Parti démocrate (l'opposition de gauche), mais les partis eux-mêmes sont disqualifiés et la question de leur retour au pouvoir après la transition des experts reste une inconnue.
La France, elle, se situe dans une sorte de déni de la crise. Les favoris évitent, en période électorale, d'évoquer le sujet qui fâche tandis que la plupart de leurs challengers proposent des solutions qui ne feraient qu'aggraver le mal, tant elles sont irréalistes et utopiques. Seul le candidat centriste, sans grand succès, annonce des lendemains qui déchantent....
Comme on le voit, l'Europe est un patchwork où les systèmes démocratiques ont réagi de manière très diversifiée et, pour ainsi dire, selon leur pente historique naturelle. Les pays les plus sérieux ¯ Allemagne, Finlande, Suède, Danemark et même Pologne - qui ont pris voilà longtemps les réformes qu'imposent les changements radicaux du monde, ne connaissent que peu ou pas la crise. Ceux qui ont une forte tradition de démocratie parlementaire (Grande-Bretagne, Irlande, Islande) ont su faire jouer les mécanismes démocratiques pour faire accepter les potions amères de la rigueur budgétaire.
Là où les partis ont traditionnellement joué la facilité et le clientélisme, le prix à payer est élevé, non seulement en termes économiques (l'inertie rend l'addition plus salée) mais aussi en termes démocratiques. Les partis sont disqualifiés et les formes d'opposition non conventionnelles (protestations violentes, suicides, etc.) se substituent au dialogue et à la confrontation parlementaire. Dans ce panorama contrasté, la France, entre Nord et Sud, pratique la politique de l'autruche en prétendant ne pas vouloir changer (pour certains) ou bien en prônant des solutions révolutionnaires (pour les autres) dont notre pays a trop souvent fait l'expérience pour, hélas, après-coup, en mesurer les coûteuses conséquences.
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