Selon plusieurs sources, l'Allemagne voit d'un mauvais oeil le dérapage budgétaire français et l'absence de réforme du marché du travail dans notre pays.
Sept mois après la dénonciation du "déni français"
par The Economist, le débat sur la France et les réformes resurgit.
Mais cette-fois ci, ce sont les Allemands qui s'inquiètent, pas les
Anglais. Selon l'agence Reuters, le ministre des finances W. Schäuble
aurait demandé aux experts allemands de plancher sur un rapport contenant des pistes de réformes
pour la France. L'hebdomadaire allemand Die Zeit, à l'origine de
l'information, expliquait que les "sages" devaient trouver des solutions
pour aider la France à retrouver le chemin de la croissance et à
réduire ses déficits. Côté allemand, l'information a été démentie. Côté
français, Moscovici a tenu à dissiper tout malentendu.
Selon lui, "les choses vont bien entre la France et l'Allemagne". Mais
le journal Libération confirmait lundi le malaise créé en Allemagne par
la dégradation de la situation économique de la France.
Alors info ou intox ? A regarder de près, la situation de France n'est pas si catastrophique. Certes, la croissance reste désespérément nulle
de ce côté-ci du Rhin. Cependant, c'est toujours mieux que la récession
traversée par les pays d'Europe du Sud. En 2013, celle-ci devrait
encore frapper l'Espagne, l'Italie, le Portugal et la Grèce, au risque
d'alimenter une grogne sociale déjà importante. La France, elle,
limitera les dégâts et verra son PIB stagner. Notre pays bénéficie, en
outre, de la bienveillance des marchés et des agences de notations, au
même titre que l'Allemagne et les Etats-Unis. Preuve, elle emprunte,
pour certaines maturités courtes, à des taux d'intérêt négatifs!
Dans
ces conditions, pourquoi les Allemands s'inquièteraient-ils ? Il y a
sans doute deux raisons à cela. La première est purement économique.
Nous sommes le premier partenaire commercial de l'Allemagne. Du coup, si
notre demande stagne, les exportations de notre voisin souffrent. Mais
la deuxième raison est idéologique. Depuis l'élection de François
Hollande, notre pays s'éloigne, l'air de rien, des standards allemands
et notamment de la voie tracée par le chancelier Gerhard Schröder.
Celui-ci a d'ailleurs été le premier à allumer les feux de la défiance
en affirmant, la semaine dernière, que "les promesses de campagne du
président français vont se briser sur la réalité économique".
"La France va vraiment avoir des problèmes si le refinancement de
sa dette se complique", avait ajouté l'ancien leader social-démocrate.
Lars
Feld, l'un des membres du comité des sages allemands le confirme : "les
inquiétudes s'accumulent en raison du manque d'action du gouvernement
français sur la réforme du marché du travail". "Il faut à la France une
réforme du marché du travail, c'est le pays de la zone euro qui
travaille moins d'année en année". Et l'expert d'en rajouter : le
principal problème en ce moment, ce n'est plus la Grèce, l'Espagne ou la
l'Italie, c'est devenu la France parce qu'elle n'a rien entrepris de
nature à rétablir sa compétitivité, au contraire, elle va dans l'autre
direction.
N'est pas Gerhard Schröder qui veutCe
n'est pas la première fois que ce constat cinglant surgit en Allemagne.
En avril dernier, juste avant les élections présidentielles françaises,
les économistes de la banque Berenberg écrivaient : les deux questions
clé pour l'Europe restent les mêmes : "La France va-t-elle enfin se réformer?"
et "La crise va-t-elle contaminer l'Espagne et l'Italie ?". "Grâce à
une démographie plus favorable (un taux de fécondité de 2 contre 1,3 en
Allemagne), la France pourrait dépasser aisément l'Allemagne à condition qu'elle réforme son marché du travail, sa fiscalité et son système éducatif ", assuraient-ils.
Sauf
que, sur ce dossier, la France freine des quatre fers. Et pour cause.
Les réformes de l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, même si
elles ont fini par payer, ont été extrêmement douloureuses. Certes, la
réforme en profondeur du marché du travail a contribué à remettre sur
pied l'économie allemande, considérée au début des années 2000, comme le
pays malade de l'Europe. Mais le renouveau de l'économie allemande
s'était aussi traduit par une stagnation sans précédent des salaires et une remontée de la précarité,
incarnée par les fameux jobs à 1 euro. François Hollande ne prendra pas
le risque de s'engager dans cette voie, même si cela finit par rendre
les marchés nerveux.
Des choix budgétaires discutables Deuxième
pomme de discorde entre les deux pays, les finances publiques.
Officiellement, "le gouvernement allemand est confiant sur le fait que
la France respectera les exigences du Pacte de stabilité et de
croissance". Mais officieusement, les allemands s'inquiètent de plus en
plus du dérapage français. Selon les prévisions d'automne de la
Commission européenne, notre pays ne sera pas en mesure de tenir son
objectif de réduction du déficit budgétaire à 3% du PIB en 2013. Bruxelles prévoit un dérapage à 3,5% l'année prochaine. Dérapage qui devrait se reproduire en 2014 malgré une accélération de la croissance à 1,2%.
Au-delà
de ce dérapage, qui nécessitera de renégocier avec Bruxelles les
objectifs français sous l'oeil méfiant des marchés, l'Allemagne
s'interroge aussi sur la méthode choisie par Bercy pour réduire le
déficit. Alors que le rapport Gallois
conseillait un choc de compétitivité d'au moins 30 milliards basé sur
des allègements de charges importants, Bercy a finalement choisi un
crédit d'impôt de 20 milliard étalé sur cinq ans. De fait, le
gouvernement français ne s'attaque pas de manière directe au
rétablissement des marges des entreprises, qui sont tombées à leur plus
bas niveau des 25 dernières années, et au redressement de la
compétitivité. En matière de coût du travail et de capacité à exporter, l'Allemagne garde clairement l'avantage. Le problème, c'est qu'elle ne peut pas tirer, à elle seule, l'ensemble de la zone euro.
mercredi 14 novembre 2012
Pourquoi l'Allemagne trouve la politique française préoccupante
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