jeudi 15 novembre 2012
Nicolas Sarkozy a-t-il été réélu le 6 mai 2012 ?
A
l’Elysée-village, normalité rime avec banalité. Deux heures de phrases
creuses, de propos convenus et de poncifs : il y a peu de chance pour
que la conférence donnée sous les ors de l’Elysée permette à Hollande de
reconquérir l’opinion. Comment ressembler le plus possible à l’image
canonique du chef de l’Etat telle qu’on l’imagine à Sciences-Po ?
Hollande a dû rester fidèle à un fantasme de jeunesse et croit détenir
la solution : il cherche à retrouver le timbre de Mitterrand agrémenté
de quelques mimiques sarkoziennes. Appel rhétorique et morne aux «
forces vives de la Nation», « à la nécessité de ne pas brutaliser le
pays », « au calme du chef par temps difficile » : notre leader crie au
feu en baillant. Ne reste, mes frères, qu’à prier pour que la reprise
mondiale vienne nous sauver. Culbuto attend Godot.
C’est
ce qu’on peut déduire de l’offensive de communication orchestrée la
semaine dernière par Matignon et relayée par les médias qui lui veulent
du bien, en gros tout le service public audiovisuel et la moitié de la
presse écrite. Pour cette dernière, un sommet a été atteint par
l’interview de Moscovici par un journaliste du Nouvel Obs. http://tempsreel.nouvelobs.com/economie/20121111.OBS8948/moscovici-nos-previsions-de-croissance-sont-volontaristes-mais-realistes.html
Question du Nouvel Obs : « Avez vous fait comme la droite en augmentant la TVA ? »
Réponse
moscovicienne : « Non. Ce que nous faisons n'a rien à voir avec la TVA
de Nicolas Sarkozy. La preuve c'est que nous l'avons supprimée ». Fermez
le ban ! Ce n’est plus la TVA Sarkozy puisque c’est la TVA Hollande. Et
surtout pas de relance embarrassante dudit « journaliste »...
L’idée
qui sera désormais martelée est la suivante : le gouvernement fait
preuve de courage en s’inspirant sinon des mesures, du moins des
principes du rapport Gallois. Il dit la vérité aux Français et tente de
réduire le coût du travail, handicap principal de notre économie. On
doit logiquement en déduire que, tant durant la campagne que dans les
six premiers mois d’exercice de leurs nouvelles responsabilités,
Hollande et Ayrault ont menti ou n’avaient rien compris à la situation
de la France. Bref, c’est faire preuve de courage que de trahir ses promesses et de discernement que d’avouer ses erreurs d’analyse. Le reniement est l’aboutissement de la duplicité. C’est confirmé : Hollande s’inscrit bien dans la continuité de Mitterrand.
On
pourrait le penser en égrenant les retournements de la veste «
hollandaise » : pas de renégociation réelle du pacte de stabilité
européen, hausse de la TVA pour financer la baisse des charges sociales,
délogements et expulsions de Roms à tire-larigot, réduction du nombre
d’emplois publics hors éducation nationale, réduction des dépenses
culturelles, enterrement de troisième classe pour le vote des étrangers,
etc.
Qu’est-ce qui différencie alors un Hollande
renégat d’un Sarkozy réélu ? Quelques mesures homophiles en forme de
pièges tendus à la droite, l’annonce de recrutements de professeurs qui
ne seront sans doute que peu suivis d’effets, un tour de vis sur l’ISF
et l’imposition des plus-values et un taux d’imposition à 75 % qui
s’auto-détruira dans deux ans si le Conseil constitutionnel ne le sabre
pas avant. En guise d’alternance décennale, c’est peu.
En réalité, Hollande avait raison, ce qui le sépare
de Sarkozy, c’est avant tout le style. Il s’en vante : il va,
normalement mais sûrement, épuiser ses adversaires plutôt que tenter de
les prendre de vitesse. « Ils se lasseront de me critiquer avant que je
me lasse de leurs critiques », a-t-il dit.
Hollande
pense que ses opposants sont avant tout des hommes politiques et des
gens de média ; qu’ils s’énerveront, au sens propre du terme, n’ayant
aucune prise sur son personnage rond et lisse. C’est une erreur
d’analyse qui tient à son passé d’apparatchik. En réalité, ce qui le
menace c’est précisément LA réalité, le spectacle sans cesse renouvelé
d’entreprises petites et moyennes qui mettront la clé sous la porte,
laminées par la crise et la pression fiscale même corrigée par le pseudo
plan de compétitivité.
On l’a oublié trop vite
mais le plus étonnant du programme sarkozyste des dernières élections
était l’ultimatum lancé à l’Union européenne pour renégocier les
relations commerciales avec nos partenaires de l’OMC et revoir le traité
de Schengen. Il y avait certes de la démagogie dans cette annonce, mais
l’ancien président mettait une pression sur l’Europe plus grande que
celle que Hollande veut exercer. Sarkozy savait à quel point la
situation économique était dégradée et qu’il importait de ne pas se
mettre dans la main des Allemands sans choisir un angle d’attaque
favorable.
Rectifions donc notre titre :
et si c’était Angela Merkel qui avait été élue Présidente de la
République française le 6 mai 2012 ?
La
remise du rapport de la commission Jospin sur la réforme des
institutions a fait un bide, surtout si on la compare au buzz Gallois.
C’est
qu’en réalité le « grand frisé » n’a fait que reprendre ce qu’Hollande
proposait dans son programme. Six mois et quelques dépenses plus tard,
nous voilà donc face à au projet de réforme qui doit délivrer la France
du mal horrible qu’on nomme cumul des mandats.
Nous
aurons sans doute d’autres occasions d’y revenir plus complètement mais
disons d’ores et déjà que cette machine infernale n’est pas posée sous
la bonne cible. Ce qui fait souffrir la France, ce n’est pas le cumul
des mandats mais l’existence d’une classe trop nombreuse d’élus
professionnels. Son caractère pléthorique est un facteur de faiblesse,
surtout quand il s’agit d’engager des réformes.
Or,
les propositions Jospin ne vont aboutir qu’à dédoubler systématiquement
les fonctions de parlementaire et de « grand élu local ». Ils seront au
moins aussi nombreux, encore plus précaires financièrement et donc plus
fragiles face aux lobbies. Aucune mesure n’est prévue pour dégraisser
le Mammouth politicien. Une réforme ratée de plus.
Petite
anecdote significative tirée de la vie quotidienne à Paris. Déambulant,
le soir venu, du côté du Boulevard Malesherbes, aux bras de ma «
bourgeoise » comme disait le peuple autrefois, nous nous vîmes
apostrophés par - disons - des jeunes venus de banlieue et s’alcoolisant
lentement, aux cris de « Hé les bobos, on vous jette un sort ! ».
Rassurez-vous, c’était plutôt bon enfant.
C’est alors que je réalisai que cette saine jeunesse
ignore désormais le terme de bourgeois, cannibalisé en quelque sorte par
celui de bobo. Ces nouvelles forces vives de la Nation n’ont pas tort :
à Paris, le bourgeois dépérit, victime d’une substitution ethnique
comme l’ouvrier français a été peu à peu remplacé par l’immigré logé en
HLM. Le bourgeois est mort, vive le bobo.
Mais
a-t-on pris la peine de s’interroger vraiment sur cette notion venue
d’Outre-Atlantique ? Quand on analyse la politique de Monsieur Delanoë,
on la comprend mieux. Il ne faut pas confondre la gauche bobo et la
gauche caviar. Il s’agit souvent de rejetons de bourgeois, en voie
insidieuse de prolétarisation mais que la pratique municipale maintient
dans un sentiment de « privilégiature ». Pour peu qu’ils soient
propriétaires de leur logement ou n’aient pas grand-chose à payer pour
l’occuper, toute la politique de la ville tend à faire baisser le coût
de leur vie. L’exemple de l’abonnement à Vélib’, quasi-gratuit puisqu’à
moins de trente euro pour un an, en est l’illustration. Un intéressant
article publié sur Atlantico il y a quelques semaines a noté que
l’indice du coût de la vie du bobo parisien avait moins augmenté que
celui de la population française dans son ensemble ces dernières années.
Ce
sentiment d’entre soi est naturellement renforcé par la politique
anti-voitures qui consiste en réalité en un ensemble de mesures
destinées à entraver l’entrée et la circulation des provinciaux et
banlieusards. Le tramway des Maréchaux agit comme une séparation
supplémentaire derrière le périphérique et les choix urbanistiques vont
tous dans le sens de l’érection d’une muraille de bâtiments face aux
communes de la Petite Couronne, voir notamment l’hostile alignement bâti
récemment en face des malheureux habitants d’Aubervilliers qui ont
tenté d’ouvrir leur ville sur le canal qui passe entre elle et Paris.
Bref,
cette politique n’est rien d’autre que la satisfaction d’une clientèle
dont le statut est fragile mais à qui l’on donne l’illusion de vivre en
ville comme dans un village, de faire partie d’une élite éclairée par
une idéologie écologiste et protégée par la sollicitude de services
municipaux à bon marché.
Cerise sur le
gâteau : ils sont de « gauche », voyez-vous. Las, c’est toujours par
l’argent que le bât blesse. La fête boboïsante parisienne a été
financée, depuis douze ans, par les droits de mutation tirés de la
hausse des prix de l’immobilier, l’augmentation des impôts et celle de
la dette. Mais ces cornes d’abondance tarissent. Un jour, sans doute pas
si loin, on s’apercevra que le bobo n’était rien d’autre qu’un
bourgeois devenant prolo.
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