La mort intègre à son tour le monde virtuel. Désormais, elle peut se «
vivre » à distance, par écrans interposés : trois crématoriums (à
Paris, Carcassonne et Canet-en-Roussillon) proposent aux proches ne
pouvant se déplacer de suivre la cérémonie d’adieu depuis chez eux,
grâce à une connexion sécurisée. D’autres sites hébergent ensuite des «
mémoriaux virtuels », « parcelles d’éternité numérique » qui
entretiennent les souvenirs des défunts.
Le summum de cette
moderne accointance entre monde numérique et Au-delà est un service
débarquant en France en provenance du Japon : l’apposition sur l’urne ou
la pierre tombale d’un QR code renvoyant à un site internet où le
disparu réapparaît par le biais de vidéos, photos, textes, chansons…
Comme si le principe du réseau social, qui consiste à embellir son image
publique, ne devait s’imposer aucune frontière, pas même celle de la
fin de vie.
D’une certaine façon, la mort s’était déjà virtualisée
avant que le virtuel ne nous envahisse. Elle s’est cachée dans les
hôpitaux. Ce n’est pas qu’elle ne nous préoccupe plus, c’est qu’on évite
désormais de la regarder en face. Il n’y a pas si longtemps, on la
fixait. Longtemps : trois jours et trois nuits, le temps d’une veillée à
domicile, alors qu’on se contente désormais d’un passage express dans
une morgue, si on en trouve le courage.
Cette longue confrontation
avec le défunt portait des enseignements fondamentaux. Elle aidait à
comprendre, physiquement et spirituellement, que la mort est bien une
fin, même si certains croient qu’elle n’est qu’un passage : une
dépouille n’a rien de commun avec l’être qui l’animait. Elle permettait
de ressasser sa peine, voire ses regrets, et ainsi de « faire son deuil
». Elle offrait un adieu à la mesure du manque qui se créait.
Omniprésente dans le monde rural, la mort était une figure effrayante,
mais familière.
Notre époque idolâtre la vie. Elle célèbre la
beauté, la santé, la performance. Mais elle oublie qu’une médaille a
deux faces, et que la mort est nécessaire à cette vie. En ce sens, elle
mérite que nous lui portions un intérêt qui soit bien plus réel que
virtuel.
jeudi 1 novembre 2012
Au-delà numérique
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