jeudi 1 novembre 2012
Dépassons le débat sur les 35 heures : en matière de temps de travail, la taille unique ne marche pas
Alors que Jean-Marc Ayrault a relancé
un peu malgré lui le débat autour du temps de travail, Frédéric
Monlouis-Félicité estime que "chaque entreprise doit être capable de
fixer le temps de travail qui lui permet de produire dans les conditions
optimales, tout en respectant un plafond qui peut être défini au niveau
national ou européen".
Frédéric Monlouis-Félicité :
Après une période de désorganisation liée à la mise en place des 35h,
les entreprises ont pour la plupart réussi à absorber le choc. Ce
n'était pas du tout évident, avec une augmentation brutale de 10% du
coût du travail, de façon uniforme et sans concertation préalable. Des
réorganisations de processus et des gains de productivité ont permis de
faire face, avec davantage de facilité dans les grands groupes à la
différence des PME ou TPE.
La
question n'est pas tant celle des 35 heures que de la possibilité, pour
chaque entreprise, de négocier entre représentants des salariés et
direction le temps de travail en fonction de la spécificité de sa
situation. Vous ne pouvez pas imposer le même cadre horaire à
une PME qui fait de la sous-traitance automobile, sur un marché qui
connaît de fortes réductions de capacités, et qui sera plutôt heureuse
de rester aux 35 heures ou moins, et à une société dans les services
informatiques qui connaît une expansion rapide et a plutôt besoin
d'établir une "norme" à 40 heures que 35 heures. Comme dans
l'habillement, la taille unique ne marche pas: chaque entreprise doit
être capable de fixer le temps de travail qui lui permet de produire
dans les conditions optimales, tout en respectant un plafond qui peut être défini au niveau national ou européen.
Notre
constat est clair: le système français est bloqué et génère du chômage
de masse. Le coût du travail est largement un coût fixe pour les
entreprises : elles n'ont aucune souplesse en matière de durée du
travail, ni de salaires, qui ne peuvent que monter, jamais baisser. La
seule marge de manœuvre consiste à ne plus embaucher, et au pire, quand
tout va mal, à licencier. Il y a donc une "double peine": un
coût économique pour les entreprises car nos concurrents internationaux
sont bien plus souples et rapides que nous sur l'ajustement de leurs
coûts salariaux; un coût social car ce sont les salariés en CDD ou
intérim qui subissent les ajustements. En cas de difficulté
économique, les entreprises doivent pouvoir ajuster à la baisse la durée
du travail et les salaires, avec une clause de retour à meilleure
fortune quand la situation le permettra. Ce dispositif, qui
existe en Allemagne, permet de conserver les salariés dans l'entreprise
au lieu de licencier, avec un recours massif et très encadré au chômage
partiel, ce qui autorise une reprise bien plus rapide quand la
croissance redémarre puisque l'entreprise ne perd pas de temps à
recruter et former de nouveaux salariés. C'est aussi bien plus juste
socialement.
Il faut aussi flexibiliser le marché du travail, c'est-à-dire faciliter l'entrée et la sortie de l'entreprise:
il est difficile de prendre une décision d'embauche parce qu'il est
compliqué de licencier si on s'est trompé. La contrepartie doit être un
engagement massif des entreprises en faveur de la formation et de la
qualification des salariés, ce qu'on appelle "l'employabilité", et qui
permet à l'employé licencié d'avoir l'assurance que ses compétences
seront rapidement utilisables par une autre entreprise. Ce système
fonctionne très bien dans les pays scandinaves, faisons-le enfin !
Il est temps de mettre fin à ce que certains ont appelé "la préférence française pour le chômage". Ce dispositif fonctionne si et seulement si le dialogue social est de qualité. Cela
implique que l'Etat fasse vraiment confiance aux partenaires sociaux,
au plus près du terrain, et soit le garant d'un "pacte social de
compétitivité" d'un nouveau genre : cela ne coûte pas un euro aux finances publiques, et constitue un puissant facteur de compétitivité.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire