Les europhiles sont tellement habitués à rabâcher la
nécessité économique de l’adhésion à l’UE qu’ils ne prennent plus le
temps d'en questionner les présupposés.
Il existe souvent un décalage en politique. Les experts rabâchent
continuellement les mêmes statistiques obsolètes depuis des années. Même
lorsque la réalité les rattrape, ils sont lents à ajuster leur vision
du monde.
Combien de fois, par exemple, entendons-nous des politiciens et des
journalistes clamer « la moitié de nos exportations » (ou même « la
majorité de nos exportations ») vont à l’UE ?
Je ne suis pas sûr que cette statistique ait été entièrement vraie. Les données ont été trafiquées en deux sens.
Premièrement, il existe ce que les économistes nomment « l’effet
Rotterdam » : de nombreuses exportations anglaises destinées aux marchés
non-européens sont acheminées via Anvers et Rotterdam, comptées dans le
nombre brut d’exportations à l’Union Européenne, « exportations
britanniques en République d’Irlande » contient en réalité de nombreuses
marchandises étrangères envoyées par bateau via Belfast.
Quoi qu’il en soit, l’UE ne représente, somme toute, qu’une minorité
de nos échanges. Le « Treasury Pink Book », l’OCDE, la Commission
Européenne : tout ceci place les chiffres en dessous de 50%. Les
derniers chiffres officiels, publiés par l’Office National des
Statistiques au 11 Septembre, montre que l’UE ne représente plus que
43,6% de nos exportations, le chiffre le plus bas depuis que le système
de mesure actuel a commencé en 1988.
Peu importe un point de pourcentage par-ci par-là, en revanche. La
tendance est irréfutable. Chaque continent dans le monde est en
croissance hormis l’Europe. Nos exportations vers l’UE ont diminué de
7,3% dans les trois derniers mois pour lesquels nous avons des données,
tandis que nos exportations dans le reste du monde ont augmenté de
13,3%.
Où donc ces faits sont-ils reflétés dans la pensée officielle ? Pour
la majorité de l’institution, notre appartenance à l’UE est une donnée,
un fait autour duquel d’autres politiques doivent être ajustées. Les
principaux partis, ensemble avec le TUC (syndicats, NdT), le CBI (MEDEF
britannique, NdT) et la BBC, sont tellement habitués à rabâcher la
nécessité économique de l’adhésion à l’UE qu’ils ne prennent plus le
temps de questionner leur hypothèse.
Comme la plupart des politiques héritées, l’adhésion a l’UE a eu une
logique. Au début des années 70, quand nous avons fait notre troisième
demande d’adhésion - celle qui finalement réussirait – la CEE semblait
effectivement offrir des perspectives attirantes. Entre 1945 et 1974,
l’Europe de l’Ouest avait dépassé non seulement la Grande-Bretagne et le
Commonwealth mais également les États-Unis.
Après coup, on peut comprendre comment cela a pu arriver. La Seconde
Guerre Mondiale avait détruit les infrastructures en Europe, mais avait
laissé un lieu où une main-d’œuvre industrielle et éduquée voulait
entamer sans relâche l’effort de reconstruction. Il y a eu migration de
masse – entre les pays, alors que les populations se déplaçaient de la
campagne aux villes, du littoral méditerranéen aux mines de charbons et
installations sidérurgiques du nord, et des anciennes colonies jusqu’en
Europe. L’Europe a également bénéficié de $12milliards d’Aide Marshall,
qui se sont ajoutées aux $13 milliards déboursés entre 1948 et 1952, et
par les garanties militaires américaines, qui ont libéré les budgets de
la défense pour une utilisation civile.
Tout ceci, comme je le disais, est clair après coup. Ça ne l’était
pas à cette époque. Les spécialistes britanniques n’arrivaient pas à
comprendre pourquoi ils étaient dépassés par des nations qui avaient
souffert bien pire qu’eux entre 1940 et 1945. Ils ne voyaient pas qu’ils
avaient terminé la guerre avec une incommensurable dette, bien plus
importante que n’importe lequel de leurs voisins. Ils n’ont jamais
compris que la volonté des gouvernements successifs de baisser la dette
par inflation a enrayé notre compétitivité et notre productivité, créant
ainsi le « mal britannique ». Au lieu de ça, ils ont estimé que la
raison pour laquelle ces astucieux continentaux allaient bien était
grâce au marché commun.
En l'occurrence, le timing de la Grande-Bretagne aurait pu
difficilement plus mal tomber. Nous avons rejoint la CEE en 1973, à la
toute fin de la Wirtschaftswunder de l’Europe. Les derniers
sursauts de croissance se sont arrêtés en 1974 avec le choc pétrolier et
n’ont jamais redémarré proprement. En 1973, l’année de notre adhésion,
l’Europe de l’Ouest (définie dans ce but comme les 15 États membres de
l’UE avant la vague d’élargissement de 2004) représentait 38% du PIB
mondial. Aujourd’hui, ce chiffre est ramené à 24% et en 2020 il sera de
15%.
Ce n’est pas uniquement dû au fait que les pays émergents aient une
croissance plus forte que les pays industrialisés. L’UE a également été
complètement dépassée par les États-Unis et par ce qui était appelé les
vieux territoires.
En juin 2012, l’économie du Commonwealth a devancé la zone euro.
Selon le FMI, les pays de la monnaie unique auront une croissance d’en
moyenne 2,7% sur les 5 prochaines années – ce qui me paraît optimiste –
alors que le Commonwealth montera en flèche au-delà des 7,3%.
Ces chiffres détruisent les prémisses auxquelles nous avions cru.
Notre industrie a été redirigé, par intervention étatique, loin des
marchés auxquels nous sommes connectés par la langue, la loi, l’habitude
et les sentiments ; les marchés qui, contrairement à ceux de l’UE, sont
en croissance.
Cela n’a jamais vraiment eu de sens de rejoindre une union douanière
avec des économies industrialisées similaires au détriment des pays
producteurs brut du Commonwealth : le but d’un marché, après tout, est
l’échange malgré les différences. Mais les derniers chiffres disent tout
haut à quel point notre choix était mauvais.
Je ne renie pas la question de l’Europe : bien qu’elle soit en train
de couler, 43,6% est une bien grosse part. Mais l’UE devient simplement
un marché parmi tant d’autres, aux côtés de l’ALENA, le Mercosur, etc.
Et personne ne prétend qu’il faut fusionner nos institutions politiques
avec les leurs pour pouvoir leur vendre.
Regardez la Suisse. La Suisse a refusé de rejoindre l’UE, en
négociant à la place une série d’accords de secteur couvrant tout, de la
pisciculture à la taille autorisée des poids-lourds. En conséquence,
ils sont complètement couverts par les 4 libertés du marché unique –
c’est-à-dire libre-circulation des biens, des services, des personnes et
du capital – mais sont en dehors de la PAC et de la PCP, libres de
déterminer leurs propres questions de droit humain, et s’épargnant les
contributions budgétaires que les membres de l’UE doivent à Bruxelles.
Est-ce que leurs échange avec l’UE ont souffert des conséquences ? À
peine. En 2011, leurs exportations vers l’UE étaient, par habitant, 450%
celui de la Grande-Bretagne. Laissez-moi répéter ce fait étonnant. La Suisse a vendu 4.5 fois plus par habitant à l’UE de l’extérieur que nous le faisons de l’intérieur.
Il est vrai, bien sûr, que les exportateurs suisse doivent respecter
les standards de l’UE quand ils y exportent des marchandises, de la même
façon qu’ils doivent s’ajuster aux standards japonais lorsqu’ils
doivent vendre au Japon. Mais, in fine, ils n’autorisent pas l’UE à
leurs dicter les termes de négociations avec les nouveaux pays entrants.
Même si la Suisse a tendance à copier la plupart des accords
d’échange de l’UE avec les pays entrants, cela peut, et cela va plus
loin lorsqu’elle ressent un protectionnisme excessif de la part de l’UE.
Elle a signé un accord de libre-échange avec le Canada, par exemple, et
est en pleine négociation avec la Chine. La Grande-Bretagne, par
contraste, est souvent entrainée dans des disputes d’échange afin de
protéger les intérêts de petits producteurs continentaux choyés.
Le Tarif Extérieur Commun (TEC) que la G-B doit appliquer à ses
échanges avec les pays non-membres de l’UE atteint désormais une moyenne
de 5 à 9% : une plus grande barrière que celle que nous avions dans les
années 20. Nous avons, en d’autres mots, achetés un échange avec un
marché européen déclinant au prix d’échanges dans un marché global en
croissance.
Les gens me demandent parfois quel type de renégociation pourrait me
faire plaisir. Si je ne devais faire qu’un seul test, ce serait ceci.
Est-ce que la G-B pourrait, de façon indépendante, signer un accord
avec, disons, l’Australie ? Signez, et beaucoup suivra. Refuser et nous
nous condamnons nous-même au déclin.
samedi 27 octobre 2012
Plaidoyer contre l’appartenance à l’UE
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