mardi 16 octobre 2012
Le budget 2013 d’ores et déjà invalidé par la réalité
La France va devoir abaisser son
déficit à 3% de son PIB, c'est du moins la promesse du gouvernement
Hollande. Et pour y arriver, quoi de mieux qu'une batterie de mesures
fiscales et économiques, toutes contenues dans un budget 2013 qui ne
correspond en rien aux aléas de la vie réelle et qui ne ressemble dès
lors qu'à une chimère
Alors que la législation sur l’euthanasie sera
peut-être modifiée lors du présent quinquennat, il rentre désormais
hélas dans le champ des obligations intellectuelles de dire que le
budget 2013, le premier de la mandature, est mort-né.
Le
Gouvernement n’est en rien fautif quant à l’effondrement programmé de
la croissance qui fait que l’hypothèse de +0,8% en 2013 est une chimère
et une insulte à l’intelligence. La France peut tabler sur 0,2%
de croissance de son PIB l’an prochain dans le meilleur des cas et il
est probable que ce soit l’année du rendez-vous redouté avec la
récession. (voir analyses en creux de la Banque de France).
Cette
répudiation de la prévision de croissance aura un impact majeur sur le
futur solde d’exécution de la Loi de finances. Moins de croissance,
c’est d’évidence moins de rentrées fiscales tous azimuts : TVA, IRPP et
IS notamment. Avec cette unique mauvaise nouvelle, le
Gouvernement sait fort bien à ce jour qu’il ne parviendra pas à «
rentrer dans les clous », autrement dit à limiter notre déficit à 3% du
PIB. Au demeurant, certains membres éminents de la majorité le disent
ouvertement comme le Président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone
(Grand jury RTL / LCI de dimanche dernier).
Ce sont des dizaines de milliards qui risquent de manquer à l’appel : entre 15 et 30 selon les différentes prévisions.
Là
où le Gouvernement a été plus hardi, c’est sur le poids de la ponction
fiscale : plus de 20 milliards sur les entreprises et les ménages vont
induire un effet pro-cyclique. Autrement dit, alourdir la morosité du
climat des affaires (atteintes aux volumes de l’investissement) et
amoindrir la demande (atteintes au pouvoir d’achat).
Le multiplicateur keynésien nous enseigne qu’un euro bien investi permet d’obtenir plus qu’un euro en revenus d’activité.
En 2013, ce budget proclamé de « redressement juste » par le Premier
ministre risque fort d’enclencher des phénomènes anti-multiplicateur et
ainsi de voir son architecture fortement bousculée par la courbe de
Laffer qui démontre que « trop d’impôt tue l’impôt ». Ainsi, il est
raisonnable et non polémique d’affirmer qu’un tel choc fiscal n’aura pas
le rendement escompté.
L’histoire
budgétaire de notre pays retiendra très vraisemblablement qu’il a été
trop demandé à la société civile et pas assez à l’Etat qui ne s’est
engagé à effectuer que 10 milliards d’économies.
Sur
un plan stratégique, on peut s’interroger sur certains choix de
créations de postes là où une note de Monsieur Jean Choussat, ancien
éminent Directeur du Budget (1982-1986) disparu trop tôt, émise en
octobre 1997 indiquait : « Dans ce contexte, la décision du gouvernement
de créer 350.000 nouveaux emplois publics laisse perplexe, moins dans
son principe même que par la formidable ignorance dont elle témoigne sur
l’état actuel de sous productivité de « l’entreprise administrative ».
(Libération, 22 octobre 1997).
Il faut se
souvenir des options discrètes de Monsieur Choussat nommé en 1982 par
Monsieur Delors après accord du Président Mitterrand qui pressentait
donc l'imminence du tournant de la rigueur (1983). Dans son
rapport émis au nom de l’Inspection des Finances, Jean Choussat avait
ajouté que le sureffectif de 500.000 agents détectés dans la Fonction
publique coûtait "au minimum 150 milliards de francs par an à l’Etat"
soit près de 23 milliards d'Euros hors intégration de l’inflation
(1997-2012) qui nous conduirait à un peu moins de 30 milliards
actualisés.
A la même
période, l’ancienne collaboratrice du Premier ministre devenue
Secrétaire d’Etat au budget, Madame Florence Parly, avait aussi émis des
propos relatifs aux économies que l’Etat devait se demander à lui-même.
Où est cette volonté chez le tonique Monsieur Cahuzac ? Où se
traduit-elle alors qu’il sait déjà que l’Etat ne parviendra pas à
réaliser ses 10 milliards d’économies ? Là encore, le budget est mort-né par-delà la bonne volonté et la bonne foi des hommes chargés de l’élaborer.
Autre
facteur préoccupant, des remontées d’information (chambres syndicales
immobilières, notaires) semblent attester d’un mouvement assez prononcé
de ventes pour des raisons de sortie de territoires.
A manier le gourdin, on fait heureusement filer quelques gredins qui n’honorent pas notre Nation.
A user d’une matraque fiscale en temps de crise, on rend une partie de
la France patraque et on perd de sa substance vive au profit de nos
concurrents. L’économie ouverte impose de nouvelles règles et la gauche
n’aura pas devant elle les 200 familles du temps de Léon Blum mais des
dizaines de chaises vides dont les anciens occupants feront les délices
des gestionnaires de patrimoine de nos pays limitrophes. Le coût
de ce qui constitue un manque de patriotisme et une exacerbation des
intérêts micro-économiques est difficile à évaluer mais c’est bien en
milliards qu’il va se compter. Là aussi, ceci vient altérer les hypothèses budgétaires (rendement ISF, etc).
Manque
à gagner du fait de la surestimation de la croissance escomptée,
bridage de la croissance par pression fiscale, économie souterraine,
évasion fiscale sont les paramètres qui font que le budget présenté par
les Ministres est mort-né.
Que
font faire les Parlementaires ? Au terme de l’article 40 de la
Constitution ils ont la haute responsabilité de ne pas priver de
ressources l’Etat et de ne pas aggraver ses charges. Sous l’ancien
Régime, il existait un droit de remontrance par lequel les
parlementaires manifestaient leur courroux au Roi.
En
matière budgétaire, il serait pertinent de disposer d’un outil de
procédure apparenté à la notion de vote de défiance constructive qui
existe en Allemagne. Mais comme nous sommes en France et en
début de mandat, l’homme du 6 mai 2012 pourra toujours formuler une
lettre de jussion pour éviter toute contrariété. A titre temporaire.
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