TOUT EST DIT

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dimanche 7 octobre 2012

La permanence des faits divers

La permanence des faits divers 


C'est la rubrique la plus lue de nos journaux. Les pages faits divers sont l'expression la plus juste et la plus crue des horreurs et des erreurs dont nous sommes capables. C'est bien pourquoi elles nous fascinent. Chacun de ces récits débarque chaque fois dans l'actualité comme une nouvelle surprise. Ces pages sont les plus rituelles et en même temps les plus renouvelées.
Le tribunal correctionnel de Bordeaux vient d'évoquer le cas d'une famille tombée dans la plus totale soumission à un homme. Ces gens, socialement favorisés, parfaitement éduqués, disposant de toutes leurs facultés mentales, se sont laissé manipuler, vivant enfermés sous sa coupe, lui confiant leur fortune. L'une de ces victimes, débarrassée aujourd'hui du sortilège, nous dit que chacun est menacé de ce brutal abandon du libre arbitre.
On convoque alors des psychologues pour tenter de comprendre. En oubliant qu'il s'agit d'un processus voisin de celui qui permet à des terroristes de recruter des fanatiques, à des gourous d'hypnotiser leur secte, à des tyrans de soulever des foules. Depuis à peu près la nuit des temps.
Pourtant, malgré la lourde histoire récente du national-socialisme, du stalinisme, et les accès de fièvre contemporains du fanatisme, l'autonomie de pensée et l'émancipation des individus progressent, dans la longue durée, en même temps que l'éducation et l'élévation du niveau de vie.
À Échirolles, pour un regard, deux jeunes hommes sont massacrés par d'autres jeunes devenus en un jour des meurtriers. Ils étaient des enfants il n'y a pas si longtemps. Ils viennent de déchaîner une violence indicible, inouïe, sans freins. L'opinion est choquée et meurtrie à la fois.
On convoque alors des sociologues pour tenter d'expliquer quel enchaînement de situations collectives et individuelles peut déboucher sur un comportement d'une telle sauvagerie. En oubliant que la violence n'a pas attendu la crise économique. L'historien Robert Muchembled, dans Une histoire de la violence, montre, chiffres à l'appui, qu'il y a près de dix siècles, les hommes jeunes s'entretuaient dans des proportions bien plus effrayantes.
La permanence des faits divers, qui inscrit nos tristes exploits dans un temps long, permet d'échapper à deux plaies. Celle des inconsolables nostalgiques, croyant en un âge d'or d'une humanité totalement pacifiée, dont l'époque s'éloignerait sans cesse. Celle des indécrottables progressistes, persuadés que l'homme vogue inéluctablement vers un avenir radieux, d'où le mal serait banni à tout jamais.
Les faits divers, dans leur permanence et leur renouvellement, nous disent que l'homme s'améliore lentement, mais rechute souvent.

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