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jeudi 9 août 2012

Fils caché, compagne non divorcée... Ces rumeurs sur François Hollande qui prolifèrent sur Internet

La première adjointe au maire de Paris Anne Hidalgo a adressé une mise en demeure à Twitter, exigeant l'effacement des messages qui mentionnaient une prétendue relation passée entre elle et François Hollande. Une rumeur parmi d'autres. Explication de ce phénomène.

Plusieurs rumeurs se répandent actuellement sur Internet sur le compte de François Hollande : il aurait un enfant caché avec la première adjointe au maire de Paris, Anne Hidalgo, sa compagne Valérie Trierweiler n’aurait pas divorcé de son premier mari et les membres de la Commission sur la moralisation de la vie publique dirigée par Lionel Jospin seraient rémunérés avec des salaires aux montants exorbitants. Tous ces bruits sont faux. Mais comment expliquer leur coïncidence ?

Philippe Aldrin : Les trois rumeurs que vous citez sont reliées par la séquence politique. Or une rumeur fonctionne toujours comme une contre-version ou une contre-communication en prise avec l’actualité : c’est cela qui différencie la rumeur d’autres récits apparentés comme les contes ou les légendes urbaines. La rumeur tient à son caractère vraisemblable et à son potentiel de révélation qui prétend renverser la vérité établie.
François Hollande a passé son début de mandat à communiquer sur l’aspect moral, éthique et « normal » de sa présidence. Ces rumeurs, de manière presque « naturelle » finalement, proposent des contre-récits à cette communication : elles entendent prendre à revers la communication officielle.
En vérité, les personnes qui s’y intéressent, les relaient et les commentent cherchent dans ces rumeurs essentiellement un prétexte pour discuter d’autre chose : en l’occurrence du caractère véritablement moral ou non du gouvernement socialiste élu récemment.
C’est pourquoi les thèmes abordés dans ces rumeurs évoquent les rémunérations amorales des membres de la Commission de la moralisation de la vie publique, des histoires amoureuses peu conformes à la morale, etc.
Jean Vigreux : La rumeur a toujours existé. Le monde politique en est friand. Elle sert souvent à disqualifier l’adversaire. Dans ce cas précis, il y a eu une victoire dans les urnes et le camp adverse, politisé ou non, souhaite la discréditer en répandant des rumeurs. Cela est typique, au XXe siècle, d’un courant d’extrême droite. En ce qui concerne l'extrême gauche, la rumeur a existé au travers des procès staliniens. Mais concernant les rumeurs sur la vie privée, sur l’éthique ou l’argent, il s’agit plutôt d'un autre registre de discours.
Ces méthodes ont été utilisées depuis des années, notamment à l’encontre de personnages tels que Charles de Gaulle, durant la guerre d’Algérie, ou Léon Blum. Ce dernier affirmait ainsi : "Je suis l’homme le plus insulté de France". D'une certaine façon, il en était fier car il s’inscrivait dans la lignée de Jaurès. Il s’en servait pour montrer qu’aux vues des attaques, il faisait peur à ses adversaires. Il n’a toutefois jamais réagi publiquement aux rumeurs qui le visaient. 
Philippe Aldrin : Que ces rumeurs touchent François Hollande est plutôt logique : les rumeurs politiques ne s’en prennent qu’aux personnages en vue. Pas un président de la République n’y a échappé. Souvenons-nous de la rumeur de tromperie de Carla Bruni avec Benjamin Biolay. Souvenons-nous du fils caché de Jacques Chirac qui vivrait au Japon…

Souvenons-nous également de la fille cachée de François Mitterrand qui était, elle, une réalité, mais dont le grand public n’a eu vent qu’à la fin de son mandat. L’effet « on nous cache tout, on ne nous dit rien » joue-t-il ?

Philippe Aldrin : C’est spécifique aux modes de production d’informations en France. Chaque journal se fixe une ligne rouge à ne pas dépasser. Avec la montée de la presse people, les frontières ont évolué, y compris dans la presse dite « sérieuse ». Mais certaines barrières demeurent, notamment celles liées aux questions de vie privée. C’est aux journalistes de trier le bon grain de l’ivraie.
Pour le chercheur que je suis, la question de la véracité des rumeurs est un peu un piège intellectuel. Ce qui compte c’est qu’elle doit être vraisemblable. C’est à l’histoire de nous enseigner ensuite si cette rumeur était vraie ou fausse. La plupart des histoires sur Mitterrand étaient vraies, mais elles sont restées à l’époque à l’état de rumeur.
En fait, on pourrait dire que la rumeur constitue le « marché noir » de l’information quand les grands médias livrent eux l’information officielle.

Dans ce cadre, quel rôle joue Internet - qui reste encore considéré comme alternatif aux « grands médias » - dans la propagation des rumeurs ?

Philippe Aldrin : Internet accélère la rumeur. Les premiers travaux de psychologie sociale américaine, pendant la Seconde Guerre mondiale, ont étudié comment le gouvernement pouvait contrecarrer les rumeurs qui nuisaient au moral des troupes. Ils se sont rendus compte que la rumeur se propageait avec de fortes distorsions, des transformations, comme lors de tout bouche à oreille ou de téléphone arabe. Ils en étaient ainsi arrivés à la conclusion que la rumeur n’avait pas d’incidence sur la société parce que l’information se diluait à mesure qu’elle progressait.
Internet change cela. L’information peut circuler via les mails ou les réseaux sociaux en conservant l’entière intégrité du message. L’information est figée par Internet. Par ailleurs, le web est bien sûr un outil de diffusion massif. Et on peut plus facilement connaître la source de la rumeur sur le net.
Jean Vigreux Au XIXe siècle, des historiens comme François Ploux ont montré que la rumeur naissait dans la France populaire et dans le monde rural grâce à l’essor de la presse. Auparavant, les colporteurs parcouraient le pays pour faire commerce. Ils ont contribué à diffuser les informations et a fortiori les rumeurs. Ils ont, d’une certaine manière, précédé la presse écrite. Aujourd’hui, les nouveaux moyens de communication permettent de diffuser ces fausses nouvelles d’une manière plus efficace. En effet, le local rejoint le global. L’espace-temps est réduit en termes de diffusion du message.

Comment combattre la rumeur ? François Hollande devrait-il monter au créneau ?

Philippe Aldrin : C’est délicat. Il existe plusieurs types de stratégies.
Dominique Baudis, après les accusations dont il avait fait l’objet dans l’affaire Alègre, avait voulu affronter la rumeur de front en se rendant sur le plateau du 20h. Il a ainsi exposé cette rumeur à des millions de téléspectateurs, mais a pu également, grâce à son plan de communication, montrer que sa personnalité différait de celle présentée dans cette rumeur en apparaissant notamment en famille dans plusieurs magazines, ou en compagnie de ses enfants.

Plus récemment, Martine Aubry a opté elle-aussi pour cette stratégie de prendre à bras le corps la rumeur en l’évoquant publiquement. Des rumeurs visaient son mari pour l’atteindre personnellement. La première secrétaire du PS les a évoquées dans la presse, précisant qu’elle savait d’où celles-ci provenaient, qui les faisait circuler et qu’il fallait que cela cesse. Aubry a-t-elle perdu la primaire socialiste à cause de cette atteinte à son image ? Difficile à dire. Ce que peut l’on peut affirmer, quand on porte un regard historique sur les rumeurs passées, c’est que celles-ci n’ont jamais mis un terme à la carrière d’un dirigeant politique : ni Pompidou avec l’affaire Markovic, ni Mitterrand avec l’affaire de l’Observatoire, ni Chirac, ni Giscard, ni Baudis n’ont eu à mettre un terme à leur carrière à cause d’une rumeur.
Une autre stratégie consiste à ignorer la rumeur, à rester silencieux. Ce n’est pas forcément une bonne stratégie. Mitterrand a toujours botté en touche sur les rumeurs qui l’ont visé : ce silence n’a pas mis un terme à la propagation de rumeurs le concernant.
Il faut noter enfin que le capital le plus important pour un homme politique – aujourd’hui comme hier – reste sa réputation. Or, depuis quelques années, j’observe une considération presque maladive des hommes politiques pour celle-ci. La communication politique se rapproche de plus en plus de celle de crise. 
Le temps de la communication politique s’en trouve accéléré. 
C’est aussi pour cela que le pouvoir souhaite contrôler Internet.



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