Dans l’Antiquité, les Grecs mettaient les guerres entre parenthèses à l’occasion des Jeux Olympiques. Jamais il n’a été possible d’appliquer cette trêve à leur version moderne. Ce sont au contraire les Jeux qu’il a fallu mettre entre parenthèses, lors des deux guerres mondiales. Ceux de 1916, 1940 et 1944 ont purement et simplement été annulés. Et même quand ils se tiennent normalement, les JO n’ont aucune influence pacificatrice. Pendant ceux de Melbourne (1956) et de Rome (1960), la France se battait en Algérie. Pendant ceux de Mexico (1968) et de Munich (1972), les Américains bombardaient le Vietnam. Pendant ceux de Moscou (1980) et de Los Angeles (1984), la guerre faisait rage en Afghanistan. Aujourd’hui elle ravage la Syrie et, encore, l’Afghanistan, où les protagonistes ont changé, mais pas les malheurs de la population.
La puissance du sport est immense, elle n’est pas infinie. Quand il s’agit d’intérêts économiques ou politiques, les athlètes doivent composer ou s’effacer. En général, ils s’effacent, de gré ou de force, devant la politique. Les Américains et leurs proches alliés ont boycotté les Jeux de Moscou, le bloc soviétique faisant de même quatre ans plus tard à Los Angeles. L’économie, elle, n’exclut pas, elle dévore. « Citius, altius, fortius » (plus vite, plus haut, plus fort) n’est plus une devise propre aux sportifs, mais aussi aux entreprises de BTP, de sponsoring ou de sécurité qui brassent des milliards à l’occasion des JO.
Cet argent est le plus souvent celui des contribuables, mais l’investissement leur profite rarement. Les Jeux d’Athènes en 2004 ont sérieusement contribué à la faillite de la Grèce. Qui ne peut même pas se consoler avec les superbes installations érigées pour l’occasion : elles pourrissent sous le soleil.
Aux bénévoles, la passion et le dévouement ; aux « investisseurs », les honneurs. Lakshmi Mittal, le propriétaire indien d’ArcelorMittal, et son fils, ont eu le plaisir de porter la flamme olympique à travers Londres. Les patrons sidérurgistes, qui sont avant tout des financiers, sponsorisent les Jeux, c’est leur médaille à eux. Les 70 000 volontaires qui aident à l’organisation londonienne n’ont droit, pour leur part, ni aux transports, ni à un hébergement gratuits. Ce sont eux, pourtant, qui ont gardé et qui font vivre l’esprit des Jeux Olympiques. Et qui, avec les sportifs, nous font aimer ce grand rendez-vous malgré tout.
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