En France , le « made in France » avait fait sensation
au début de la campagne présidentielle.
On peut même dire qu’il a donné le « la »
d’une campagne quelque peu déprimante. Analysons-en les tenants et
aboutissants en détail.
En France , le « made in France » avait fait sensation au début de la
campagne présidentielle. On peut même dire qu’il a donné le « la »
d’une campagne quelque peu déprimante. A quelques jours des élections,
il est sans doute nécessaire de revenir sur cette « vague » (Note de Contrepoints: article paru initialement fin avril 2012).
Rappelons d’abord quelques chiffres. Si « la France » importe dans
presque tous les secteurs de l’économie, ces importations sont
particulièrement importantes dans les secteurs des produits industriels
(181Mds€), des équipements électriques, électroniques et informatiques
(96,7Mds€), dans les matériels de transport (64,3Mds€), et dans le
secteur de l’énergie (pétrole, gaz, produits raffinés : 47,3Mds€). Sans
surprise, nos importations de services représentent des sommes bien
moins importantes puisque le service demeure bien souvent une activité
par essence de proximité.
Ces chiffres d’importations sont-ils une mauvaise nouvelle ? Pour
répondre il faut se tourner vers les chiffres des exportations cette
fois-ci, et ceux-ci indiquent que la France exporte également dans ces
secteurs, et souvent pour des montants à peu près identiques ! « Nous »
importons et exportons des voitures ; « nous » importons et exportons
des avions, « nous » importons et exportons des produits électroniques,
« nous » importons et exportons des produits alimentaires, etc. Il n’y a
guère que dans le secteur de l’énergie que nous importons beaucoup plus
que nous exportons.
Allons plus loin : lorsqu’on importe un produit, il y a bien souvent
des composantes qui viennent de France. Prenons par exemple une voiture
allemande, conspuée d’ailleurs par M. Bayrou qui roule donc… en Audi
(!). Une Audi peut être équipée de pneus Michelin : plutôt une bonne
nouvelle pour la firme française. Par ailleurs, les importations sont
souvent des importations de produits intermédiaires. Par exemple, on
importe du pétrole ou des composants afin de produire des biens en
France qui seront ensuite exportés. Réduire ces importations
pénaliserait lourdement nos exportations !
La question des importations et des exportations et donc bien plus
complexe qu’on le prétend. Et freiner les importations en augmentant les
tarifs douaniers par exemple, ou en mettant des quotas aurait pour
résultat que les produits coûteraient plus cher et seraient dans bien
des cas de moins bonne qualité. Donc les entreprises françaises
paieraient un prix plus élevé pour leurs fournitures et donc auraient
plus de mal… à exporter.
La France est cinquième exportateur mondial. Faudrait-il se couper du
monde avec une politique protectionniste ? En particulier à l’égard de
l’Asie ? Ces pays répondront par des représailles. Et si « nous » ne
commerçons plus avec l’Asie, nos exportations baisseront de façon
substantielle. La France est aussi le cinquième PIB mondial (derrière
les États-Unis, la Chine, le Japon et l’Allemagne). L’analyse économique
nous enseigne que l’on se développe en échangeant (principe de la
division du travail). Une économie développée est donc systématiquement
une économie qui exporte beaucoup et qui importe beaucoup.
Beaucoup critiquent le « modèle allemand ». Il y a de bonnes choses
faites en Allemagne et il y en a de mauvaises. Sans doute pouvons-nous
nous inspirer de certaines politiques globales qui visent à faciliter la
création d’entreprises, qui facilitent la fluidité de la demande et de
l’offre de travail, qui permettent l’innovation dans les secteurs de la
formation et de l’apprentissage, qui maintiennent les charges sociales à
un niveau raisonnable. Par contre, évitons les « paris fait par la
Nation » du genre : « nous allons conserver nos industries et développer
nos propres sources d’énergie ». Non pas que l’industrie soit un
mauvais secteur ou que les nouvelles sources d’énergie ne soient pas
intéressantes. Mais concentrer toute l’énergie des entrepreneurs et des
employés (et des contribuables) dans une direction choisie par un groupe
d’experts soi-disant éclairés est extrêmement dangereux. Les politiques
industrielles, qui reviennent à la mode dans le discours politique,
font plus de mal que de bien pour la bonne et simple raison que les
décideurs ne sont jamais… les payeurs.
Le « made in France » est en réalité un argument populiste, dangereux
et sans aucun fondement théorique. Pour ceux qui mettent en avant ces
arguments, la France va mal à cause des autres et il faudrait vivre en
autarcie. Cette position est ridicule. Ce qu’il faut souhaiter c’est que
la terre entière achète du « Made in France » parce que nos produits
auront une réputation de bon rapport qualité/prix. Voilà ce que nous
devons viser.
Pierre Garello le 19 avril 2012 -
(*)Pierre Garello est professeur d’économie à l’Université
d’Aix-Marseille et directeur de recherches à l’Institut de recherche en
économie et fiscalité.
mercredi 23 mai 2012
Made in France : la solution ?
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