TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 23 mai 2012

Grèce: le scénario catastrophe de la sortie de l'euro

Personne ne travaille dans ce sens, assure-t-on côté européen. Mais néanmoins, quelle voie pourrait être empruntée?

Christine Lagarde, la patronne du FMI, évoquait récemment le besoin d’évaluer les «mécanismes de sortie» ordonnée du malade grec de la zone euro. Du côté du Conseil européen et de la Commission européenne, on insiste sur le fait que les traités ne prévoient pas de sortie de la monnaie unique et que de toute façon, on ne travaille pas dans ce sens. Des options sont pourtant disponibles.
Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en décembre 2009, «tout Etat membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union» (Article 50 du traité sur l’Union européenne). Si la Grèce le voulait, elle pourrait donc sortir de l’UE et ensuite faire une demande pour adhérer de nouveau en demandant une clause de dispense de la zone euro.
Ce serait cependant «un chantier pharaonique» qui prendrait des années, selon Marianne Dony, une professeure spécialisée en droit institutionnel à l’Université libre de Bruxelles.
  • 1. Si la demande de sortie est unilatérale, l’accord fixant les modalités du retrait doit être négocié avec l’Union.
  • 2. Etre admis de nouveau dans l’UE requiert un traité d’adhésion qui doit être approuvé et ratifié par les parlements nationaux de tous les Etats membres. «Par rapport à une crise à court terme ce n’est pas du tout approprié», estime Marianne Dony.
Soit dit en passant, comme tout comme les pays des Balkans qui postulent actuellement à une place dans le cercle, la Grèce devrait, en cas d’aller-retour, préalablement remplir les critères d’adhésion. Et il n’est pas certain qu’elle puisse le faire, prévient la spécialiste en droit institutionnel.
Pour la petite histoire, l’article 50 «n’était pas conçu pour faire une opération de passe-passe de ce genre», confie Alain Lamassoure, député européen qui faisait partie de la Convention européenne. Cette «clause de divorce», qu’il avait suggérée, «est le seul moyen de s’assurer qu’à tout moment, tous les pays membres de l’Union européenne s’y sentent à l’aise».
L’article visait à fermer le clapet aux eurosceptiques:
«On pensait à l’époque essentiellement au Royaume-Uni ou la République tchèque, à un certain moment, des pays qui nous cassent les pieds en tapant à longueur de journée sur l’Union européenne. Maintenant, on est en mesure de leur dire “écoutez les gars, si vous êtes si mécontents, la porte est là vous pouvez la prendre quand vous voulez”

Protocole

Sortir de la zone euro sans sortir de l’Union n’est pas explicitement prévu dans les traités. Il est cependant possible d’annexer un protocole aux textes, estime Marianne Dony. Actuellement, il y a 37 protocoles [PDF]. Ce sont des textes juridiques rattachés aux traités qui permettent de prendre en compte, entre autres, les sensibilités de certains pays. La clause d’exemption d’adoption de l’euro du Royaume-Uni en est un exemple (Protocole 15).
Tout comme un traité, un protocole doit être soumis à l’aval des parlements nationaux, grec inclus. Pour cette raison, Richard Corbett, du cabinet du président du Conseil européen Herman Van Rompuy, écarte cette option d’un revers de la main.
«Dans une situation de sortie [de la zone euro] dans les prochains jours ou les prochaines semaines, ce qui demeure improbable et personne ne travaille en ce sens, comment diable voulez-vous avoir le temps de négocier, approuver et ensuite ratifier un protocole dans 27 parlements nationaux en temps pour que ce soit de quelque utilité?»

Sortie volontaire

Que ce soit en faisant un aller-retour hors de l’Union ou à travers un protocole, une sortie ordonnée de la Grèce de la zone euro implique une demande de celle-ci. Pas d’ambiguïté sur ce point. «Le traité nous interdit d’une manière absolue de leur imposer [de sortir de l’euro]», assure Dony.
Mais une demande de sortie de la zone euro de la part d’Athènes n’aurait pas de sens. Si la Grèce venait à avoir une nouvelle monnaie propre, elle subirait immédiatement une dévaluation immense contre l’euro. Le coût de la dette grecque en serait donc décuplé. «Parce que comme toutes les dettes sont libellées en euros, rembourser en euros des dettes alors que vous aurez des drachmes ça devient in-remboursable», juge Lamassoure.
Non seulement les banques grecques, mais aussi les entreprises et les familles grecques endettées seraient donc en faillite. «C’est toute la Grèce qui est en faillite collective [avec un scénario pareil]. Aucun Grec ne peut accepter ça, ce n’est pas notre intérêt non plus», estime Lamassoure.

Sortie désordonnée

Si les traités interdisent d’imposer une sortie de la monnaie unique, «il peut y avoir des pressions telles qu’on en arrive à ce que ce soit la Grèce qui le demande tout de même», avance Marianne Dony. Son de cloche similaire du côté de l’eurodéputé britannique, aussi membre de la Convention, Andrew Duff. «On ne peut pas pousser la Grèce hors de l’euro, elle peut tomber hors de l’euro», dit-il. Plus question de sortie ordonnée dans ce cas-là.
«Cela impliquerait que l’Etat grec ait arrêté de fonctionner comme une forme de gouvernement viable, soit politiquement soit juridiquement», explique Andrew Duff.
«Si aucun gouvernement qui puisse respecter les conditions imposées à la Grèce par le FMI et l’Union européenne ne peut être mis en place, alors il n’y aura plus d’argent et il ne sera plus possible de payer l’armée et les fonctionnaires et les gens se mettront à faire la queue [devant les banques].»
Richard Corbett acquiesce:
«Le scénario de la Grèce sortant de l’euro est un scénario de panique, chaos et krach.»

Un long week-end

L’eurodéputé Duff suggère de regarder le calendrier pour savoir quand cela pourrait se passer.
«[La sortie de la zone euro] doit se dérouler lors d’un long week-end. Il faut avoir autant de temps que possible pendant lequel les marchés sont fermés.»
Pour autant, il ne souhaite en aucun cas une sortie de la Grèce de la monnaie unique. Alain Lamassoure ne l’imagine pas non plus et s’offusque des propos tenus par des grands dirigeants laissant planer le doute. «Injurier les Grecs ou les menacer de les jeter de l’euro, ça ne peut que pousser ces partis politiques extrémistes», estime-t-il.
Richard Corbett fait un parallèle avec les Etats-Unis pour expliquer son étonnement vis-à-vis des propos «désinvoltes» de certains politiques qui parlent librement de la sortie de la Grèce de l’euro. «La Californie est dans un état de banqueroute de temps en temps, ou est proche de l’être, puis elle revient in extremis, pourtant personne ne suggère que cela puisse entraîner la Californie à sortir de la zone dollar», rappelle-t-il.
Gaspard Sebag

0 commentaires: