Le deuxième point, c’est qu’ils veulent passer en catimini et de force par décret parce qu’ils ne veulent pas s’expliquer devant le Parlement. Parce qu’ils craignent à la fois une surenchère de l’extrême gauche et du Parti communiste. Car je vous le dis, il va y avoir énormément de déçus avec le décret que prépare le PS. Beaucoup pensent aujourd’hui revenir à la retraite à 60 ans, alors même que dans le décret tel qu’il est prévu, il y aura beaucoup moins de bénéficiaires que ce que pensent les électeurs.
mercredi 23 mai 2012
Xavier Bertrand : "La réforme des retraites n'est pas un sujet sur lequel on peut passer en force ou en catimini pour ne pas s'expliquer devant le Parlement"
La ministre des Affaires sociales Marisol
Touraine a rédigé un décret préparant le retour à la retraite à 60 ans
pour les salariés ayant commencé à travailler tôt. Elle souhaite le
faire passer « fin juin /début juillet ». Pourquoi cette façon de
procéder est-elle critiquée par l’UMP ?
Xavier Bertrand :
D’une part à cause de la volte-face et de l’inconstance des
socialistes. Lorsqu’il y a eu des mesures prises par décret, à une
époque, comme les régimes spéciaux – ce qui pourtant s’expliquait, car
c’était le régime des entreprises publiques – ils n’avaient eu
de cesse de vociférer, de critiquer, de hurler en disant que ce n’était
pas normal. Et pourtant, à l’époque, c’était dans les règles. Ce qu’ils critiquaient leur semble aujourd’hui normal. Première incohérence.
Le deuxième point, c’est qu’ils veulent passer en catimini et de force par décret parce qu’ils ne veulent pas s’expliquer devant le Parlement. Parce qu’ils craignent à la fois une surenchère de l’extrême gauche et du Parti communiste. Car je vous le dis, il va y avoir énormément de déçus avec le décret que prépare le PS. Beaucoup pensent aujourd’hui revenir à la retraite à 60 ans, alors même que dans le décret tel qu’il est prévu, il y aura beaucoup moins de bénéficiaires que ce que pensent les électeurs.
Le deuxième point, c’est qu’ils veulent passer en catimini et de force par décret parce qu’ils ne veulent pas s’expliquer devant le Parlement. Parce qu’ils craignent à la fois une surenchère de l’extrême gauche et du Parti communiste. Car je vous le dis, il va y avoir énormément de déçus avec le décret que prépare le PS. Beaucoup pensent aujourd’hui revenir à la retraite à 60 ans, alors même que dans le décret tel qu’il est prévu, il y aura beaucoup moins de bénéficiaires que ce que pensent les électeurs.
Par ailleurs, il y a aujourd’hui beaucoup d’inquiétude chez les retraités,
car ils ont compris qu’il fallait payer la facture, et que non
seulement tous les salariés français vont voir leur cotisation retraite
augmenter et la fiche de paye baisser, mais tous les entrepreneurs vont
aussi voir leurs cotisations augmenter. Je pense que le PS n’a pas envie
de faire beaucoup de publicité là-dessus.
Enfin,
les retraités se demandent si ça va suffire ou si, au final, on ne va
pas fragiliser le système des retraites et si leurs pensions seront
garanties demain comme elles l’ont été avec nous. Le PS n’a donc pas envie, à cause de tout cela, d’avoir un débat public et démocratique, et préfère passer en force.
Vous pensez donc que ce projet peut mettre à mal l’équilibre global du système des retraites ?
Bien
sûr. Aujourd’hui, s’ils appliquent la version qu’ils nous ont présenté,
c’est 20 milliards d’euros qui vont faire défaut la fin de la réforme.
Tout dépend de ce qui est retenu, mais on est sur une hypothèse de 20
milliards au final.
Le gouvernement annonce lui un coût d’un milliard d’euros par an jusqu’en 2017…
De 2012 à 2017, cela fait six milliards d’euros. Notre hypothèse faite à l’époque allait jusqu’à 20 milliards. On
attend de savoir exactement quelle sera la facture, car il ne faut pas
oublier que les régimes complémentaires seront certainement mis dans le
rouge à cause de cette mesure. Il faudra donc aussi les adapter. Il faut donc s’opposer, pour l’ensemble des régimes de retraite.
Eux
parlent aujourd’hui de 6 milliards, nous de 20 milliards au final, tous
régimes confondus. On attend de savoir ce qu’il y a dans le projet,
mais une chose est certaine, c’est que la règle voudrait qu’il y ait un
débat au Parlement. Ce n’est pas un sujet sur lequel on peut passer ni en force, ni en catimini.
La réforme précédente ne permettait de
financer le système que jusqu’en 2018. Cette polémique n’est-elle pas le
moment de remettre le dossier sur la table de manière globale ?
Très franchement, on est sur une échéance de 2018. Je
n’imagine pas les socialistes capables de mener d’ici là une réforme
des retraites, pour une simple et bonne raison : la première des
conditions pour réformes les retraites, c’est d’avoir du courage.
En matière de retraite, ils ont su faire des rapports, mais quand il a
fallu prendre des décisions ils étaient aux abonnés absents. C’est
Lionel Jospin lui-même qui raconte que celui qui a été le plus virulent
pour dire qu’il ne fallait pas engager la réforme des retraites avant
2002, car cela risquerait de faire perdre la gauche, c’était François
Hollande, qui était à l’époque à la tête du PS. Pour engager la réforme
des retraites, il faut du courage, et les socialistes n’en ont jamais
fait preuve.
Comprenez-vous que les
citoyens puissent avoir l’impression d’une injustice sociale, sur cette
question des carrières longues ou des métiers pénibles ?
Justement, remettons les pendules à l’heure. C’est la droite et le centre qui a créé le dispositif carrière longue. Et j’ai été rapporteur du texte de la Loi Fillon qui réformait les retraites en 2004. N’oublions
pas une chose : sous Jospin, les communistes ont réclamé un dispositif
de carrières longues, et les socialistes leur ont dit « niet ».
Il a fallu attendre que nous arrivions aux responsabilités pour que ce
dispositif voie le jour en 2003. Et dans la réforme Woerth de 2006, il
est clairement dit que ceux qui ont commencé à travailler de 14 à 18 ans
partent toujours à 60 ans.
Ce que propose François Hollande, c’est juste un dispositif pour ceux qui ont commencé entre 18 et 19 ans ! Les
socialistes aujourd’hui sont un peu comme le coucou qui vient dans le
nid des autres. Ils n’ont jamais mis en place ce dispositif.
Jamais. Et aujourd’hui, ils cherchent à aller plus loin, mais en le
faisant financer par tout le monde. C’est d’ailleurs pour ça que
beaucoup de retraités sont inquiets.
Vous avez expliqué ce matin sur France inter que les femmes seraient désavantagées par cette réforme. A quel niveau ?
Ce
sont celles qui ont des carrières les moins régulières. Elles ont des
périodes d’interruption, pas forcément liées à la maternité. Et le
dispositif tel qu’il est retenu devrait donc concerner au trois quarts
des hommes, à un quart des femmes. Notre idée a été en permanence, sur
la réforme des retraites, de compenser les différences de carrière entre
hommes et femmes ; or le dispositif prévu, même en prenant en compte
les congés maternité, ne compensent pas ces différences. C’est
profondément injuste.
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